Fyctia

Prologue

-Après l’enterrement-

Eléna retrouva Yan assis sur les marches du perron de la maison de ses parents. Une cigarette à la main, il regardait la nuit étoilée et semblait perdu. Elle s’assit à ses côtés sans un mot, et porta une cigarette à sa bouche. Yan lui alluma.

_ J’ai tout raté dans ma vie, laissa-t-il échapper dans un nuage de fumée.

Sans chercher à le rassurer, elle lui répondit :

_ Tu crois que moi c’est mieux ?

Ils se regardèrent et échangèrent un sourire complice.

Combien de fois s’étaient-ils retrouvés sur ces marches à discuter ? Ils ne le referaient certainement plus, vu que Yan venait de perdre sa maman. Étant enfant unique, il souhaitait revendre cette maison.

– C’est dur, reprit-il, c’est toute une partie de ma vie qui est partie avec elle.

– Je sais. Il va te falloir du temps… il en faut toujours…

– oui…

Elena avait très bien connu Madame Goulet, qu’elle n’avait jamais réussi à appeler par son prénom, malgré ses nombreuses demandes ! Sa propre mère non plus, bien qu’elles étaient voisines depuis des dizaines d’années.

– Ta mère est couchée ? demanda Yan, comme s’il avait lu dans ses pensées.

– Oui.

Leurs mères avaient plusieurs points en commun : elles avaient le même âge, avaient eu leurs enfants sur le tard ; Yan et Elena étaient nés la même année, lui en début, elle a la fin. Leurs maris les avaient quittés la même année, pour des raisons bien différentes : le père d’Elena était mort dans un accident de moto au cours de sa 10e année, celui de Yan avait refait sa vie avec une autre femme. Et pour finir, elles avaient emménagé dans le même lotissement à leurs entrées au collège.

– Comment va-t-elle ? demanda Yan.

– Ça va. Mais elle souffre de plus en plus des jambes, malgré son traitement.

Elena passait trois fois par semaine prendre des nouvelles

de sa mère, et se relayait avec sa petite sœur pour limiter le plus possible ses déplacements.

– Mais tu la connais, elle n’est pas du genre à s’écouter, poursuivit-elle, d’un ton résigné.

– J’avais la même à la maison ! répondit Yan dans un demi sourire.

– Tout de même, on ne leur arrive même pas à la cheville !

Yan fit « non» de la tête et laissa échapper un bâillement.

Ils se levèrent d’un même mouvement.

– Je te laisse, je suis fatiguée aussi, dit Elena déposant un bisou sur la joue de Yan, si tu as besoin, tu sais où me trouver.

Yan lui rendit la bise et hocha la tête avec un clin d’œil.

Elena traversa la rue et retrouva la maison de son enfance. Elle s’arrêta à la salle de bain pour se laver les dents, puis passa à pas de loup devant la porte de la chambre de sa mère d’où elle percevait son léger ronflement, et enfin arriva dans la sienne. Sa chambre était restée figer à l’époque adolescente : beaucoup de peluches, des posters et des pêle-mêle de photos accrochés au mur. Elle enfila son pyjama et se coucha dans son lit aux ressorts usés. Le sommeil ne la gagna pas avant deux heures du matin, les yeux clos, toutes sortes d’images lui vinrent à l’esprit. Tout d’abord, elle revit Madame Goulet, toujours souriante et pleine d’entrain. Elle se souvenait du regard protecteur si

particulier qu’elle portait sur son fils Yan. Des flashs plus précis l’envahirent concernant la période d’adolescence et de jeunes adultes qu’ils avaient traversés…