Elsa Carat (A)muse-moi ! Page entière (2)

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Je n'arrive pas à croire ce que je lis. Fabien s'est servi de mon enquête sur Clémentine pour faire paraître un scoop dans son journal. Et il a osé m'en envoyer un exemplaire directement chez moi, en plus. J'enfile une veste et quitte l'appartement précipitamment en embarquant le journal avec moi ignorant les protestations d'Emilie et les jappements de Nappo.

J'arrive à la rédaction près d'une demi-heure plus tard mais je n'ai pas décoléré pour autant. Bien au contraire. Je traverse l'open space à grandes enjambées et me dirige droit vers le bureau de Fabien, ignorant les regards curieux des autres salariés. Il m'offre d'abord son sourire habituel avant que celui-ci s'efface presque aussitôt devant mon expression sévère. Je lis l'incrédulité dans ses yeux. Il ne semble pas comprendre quel est mon problème. Je me fais un devoir de le mettre au courant.

Je lui crache mes mots à la figure en agitant le journal sous ses yeux :

— Putain ! Comment t'as pu me faire ça ! Tu t'es servi de mon enquête pour ton journal de merde !

Piqué au vif, il réplique tandis que, gênés, les collègues font semblant de retourner chacun à leur activité :

— Mais qu'est-ce que tu racontes, bordel ! Il y a ton nom en bas de l'article ! Et je vais te rémunérer comme d'hab ! Même plus que d'habitude ! J'ai essayé de t'appeler des dizaines de fois pour te parler de cet ébauche d'article et ces photos que tu as laissé traîner sur ton bureau... Je voulais te dire que ça m'intéressait et que j'étais prêt à le publier. Mais tu ne répondais pas au téléphone ! Personne n'a eu de nouvelles de toi depuis une dizaine de jours ! Où est-ce que t'étais passé ? Je ne pouvais pas me permettre d'attendre, de risquer qu'un concurrent s'empare du sujet !

Je me prends la tête entre les mains. Fabien ne comprend vraiment rien.

Il me le confirme en ajoutant :

— C'est quoi ton problème ? Tu devrais être content que je publie un de tes articles à la une !

Content ? Content ! Il vient de bousiller mes dernières chances ( même minimes) que Clémentine me pardonne un jour. Je viens de lui faire mes excuses hier et voilà qu'elle va découvrir cet article dans le journal. Je n'ose même pas imaginer sa réaction en tombant sur ce torchon ! Visualiser cette scène où elle découvre cette nouvelle trahison, tout ça à cause d'un article à la con, suffit à me mettre hors de moi.

J'agrippe Fabien par le col de son polo et le secoue comme un poirier. Je dois être rouge de rage. Je vois dans ses yeux que mon expression lui fiche la trouille. Tant mieux.

J'explose :

— Putain ! Mais t'es vraiment trop con ! Qu'est-ce qu'elle va penser Clem' en voyant ça, à ton avis ? Merde ! T'avais pas le droit ! C'est sa vie ! C'est dégueulasse ! Tout ça parce que ton fichu journal ne se vend pas assez !

Mon poing serre toujours son col mais Fabien se permet un petit rire moqueur.

— C'est pas moi qui ai commencé à enquêter sur cette fille, à ce que je sache ! C'est toi qui t'es servi d'elle ! Toi qui as fouillé dans sa vie ! Toi qui l'as manipulée ! Toi qui es dégueulasse ! Pas moi !

Je le relâche brusquement. Il manque de tomber à la renverse sur son bureau.

Dans le fond, je sais qu'il a raison. Je frappe mon poing contre le bureau dans la vaine tentative de calmer mes nerfs. J'ai juste réussi à me faire mal. Fabien qui récupère de notre altercation commence à me prendre en pitié.

Il se radoucit :

— Ecoute, mec, je pige pas... Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu m'as dit qu'elle t'avait déjà grillé de toute façon ! Pourquoi tu réagis comme ça ? C'est parce qu'elle t'a mis à la porte et que tu ne vas pas pouvoir passer deux mois avec elle comme prévu ? Si ça peut te rassurer, sache que le deuxième dont j'ai retrouvé l'identité à passer moins de deux mois avec elle et ça ne l'a pas empêché de débuter une carrière prometteuse dans le cinéma...

— J'en ai rien à foutre de cet enfoiré ! Et j'en ai plus rien à foutre de cette histoire de muse !

Fabien me dévisage, ahuri. Puis il plisse les yeux, cherchant à me sonder :

— T'as des scrupules, c'est ça ? Tu t'en veux ?

Je ne réponds rien. Son visage s'anime soudainement :

— Mais, oui ! C'est ça ! Tu l'aimes bien ! Tu l'aimes vraiment bien, hein ? Ce qui s'est passé entre vous, c'était pas juste du cinéma pour toi ? Tu t'es fait prendre à ton propre jeu ou quoi ?

Je reste muet mais mon silence parle pour moi.

— Je suis con ! J'aurais dû m'en douter ! C'est évident qu'elle te plaît vraiment ! Il n'y a qu'à voir les photos que t'as prises d'elle !

Je ne démens pas. Je suis perdu. C'est vrai que je m'en veux de lui avoir mentie. C'est vrai aussi qu'une part de moi était sincère avec elle. Mais à quoi bon ressasser tout ça maintenant ?

Fabien semble lire dans mes pensées.

— Et tu comptes faire quoi maintenant ?

Je relève des yeux hagards vers lui.

— Rien. Qu'est-ce que tu veux que je fasse ? J'ai trop déconné. Y'a plus rien à faire.

Il secoue la tête, les bras croisés.

— C'est ça ton problème. Dès qu'il y a un obstacle un peu trop dur, tu abandonnes.

Je ris jaune. Fabien ne m'a pas habitué à autant de franchise.

— Mon problème ? Parce que j'ai un problème, moi ?

— Oui. C'est exactement la même chose avec ton rêve d'écrire un roman. Tu te trouves des excuses, le manque de temps, d'inspiration... au lieu de t'y mettre vraiment. Et tu sais pourquoi ?

— Non, mais je sens que vous allez me le dire Maître Yoda...

Fabien ignore mon sarcasme.

— Parce que ça pourrait marcher.

Je ricane mais il ne se laisse pas déstabiliser pour autant et poursuit son discours :

— Tu pourrais réussir à écrire un bon roman... Tu pourrais réussir à te faire publier... Tu pourrais peut-être réussir à récupérer Clémentine, à te faire pardonner... Mais tu es tellement persuadé que tu vas échouer que tu ne t'en donnes même pas les moyens...

— C'est ça... Et dans deux secondes tu vas me dire que tout ça c'est la faute de mes parents !

J'ironise mais Fabien reste sérieux.

— Non, ça n'a sans doute pas dû t'aider que ton père passe son temps à te dénigrer mais, pour le coup, je crois que le problème, c'est toi.

— Merci mon pote. Tu as vraiment le don pour me remonter le moral.

Cette fois, Fabien affiche un large sourire et me donne une tape dans le dos. Un peu trop forte. Je le soupçonne de vouloir se venger de la manière dont je l'ai agressé tout à l'heure.

— De rien, ça sert à ça les amis !


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4 commentaires

PIERRE SCHOTT

-

Il y a 5 ans

FAUT QUE JE RELISE LE CHAPITRE PRÉCÉDENT : CETTE HISTOIRE DE DEUX CLICHÉS... (?)

Lou.R.Delmond

-

Il y a 5 ans

Les révélations des derniers chapitres, c'était intense wow ! Bastien s'est pris le retour de bâton, et je comprends qu'il ait pété un câble en voyant l'article.
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