Fyctia
15.1
— Suivez-moi, il faut que l’on aille de ce côté !
Charlotte s’empare de la main de Cal et prend le chemin de la sortie, les autres sur ses talons. Mes pieds restent collés au sol et je les regarde s’éloigner, tentant de faire le point sur la situation. Si on récapitule : après qu’on a remporté un petit voyage payé par notre université et dans lequel je devais déjà supporter la présence de mon ex, il a profité du début du week-end pour se fiancer avec la fille — vraisemblablement richissime — avec laquelle il m’a trompé. Plutôt que de l’embrasser et de profiter de sa semaine comme n’importe quelle personne normalement constituée, cette fille a décidé, sans demander l’autorisation à qui que ce soit, de modifier notre voyage et de s’incruster, embarquant avec elle la copine d’Alex.
Elle a cru qu’une fois la bague passée à son doigt elle pourrait plus respirer sans lui, ou quoi ?
— Elle est complètement givrée…
— Qui ça ?
La voix qui résonne à côté de moi me fait sursauter, et j’aperçois alors qu’Aaron n’a pas bougé d’un iota, lui non plus. Au contraire, il semble m’attendre.
— Tu parles de Charlotte ? insiste-t-il.
— Je… Non… Enfin, je ne voulais pas dire que…
— C’est vrai qu’au début, on a tous eu du mal à la suivre, même si on y est habitué, maintenant. C’est une fille bien, tu sais ? Mais…
Aaron se frotte les joues à la recherche des mots justes.
— Tu n’es pas obligée de l’apprécier pour autant, Lia. Personne ne t’en voudra si ce n’est pas le cas. En tout cas, moi, je ne t’en voudrais pas. D’accord ?
Je hoche la tête, incapable de prononcer le moindre son tant l’émotion me serre la gorge.
— Eh, les amoureux, vous venez ?
Le ton sarcastique d’Alex me ramène à la réalité. Un frisson d’horreur glisse le long de ma colonne vertébrale et j’écarquille les yeux, frappée par ma propre bêtise. Comment j’ai fait pour oublier ce détail, bon sang ! Aux yeux des autres, Aaron et moi on est un couple ! Je ne sais pas encore comment miss parfaite a organisé les choses, mais mon petit doigt me dit qu’on ne va pas se contenter de les croiser au petit-déjeuner. Ce qui veut dire qu’on va devoir jouer la comédie à longueur de journée. J’entends le rire d’Aaron et le fusille du regard.
— C’est de moi que tu te moques, là ?
— Un peu, oui.
— Parce que tu t’en fiches, toi, peut-être de devoir jouer la comédie ? Devant tes amis en plus ?
Il hausse les épaules avec une nonchalance qui me surprend.
— Tant que je peux prendre des vacances, je crois que je saurai m’adapter. Et toi ?
— C’est trop tard pour refuser de toute façon, grommelé-je.
Un large sourire se fend sur son visage.
— Alors, c’est parti !
Je hoche la tête et empoigne l’une de mes valises. Je n’ai pas le temps de saisir la deuxième que déjà, Aaron s’en empare. Bien qu’un peu gênée, je le remercie et le laisse faire. C’est normal qu’il aide sa petite-amie, après tout. Quand on rejoint les autres, j’entends la copine d’Alex, dont j’ai malheureusement oublié le prénom, râler dans un mélange d’espagnol et d’anglais qui rend le tout confus. Elle me lance un regard froid qui ne manque pas de m’interroger. J’ai réussi à faire quelque chose de mal en l’espace de quoi, cinq minutes ? À moins qu’elle ne me m’apprécie pas d’emblée ? Bon…
Lorsque nous quittons le hall, je suis mordue par le froid extérieur et grelotte malgré l’épaisseur de mes vêtements. Je suis soulagée quand je vois qu’un minivan nous attend à seulement quelques pas de là. La suite se déroule comme dans un film : deux hommes en costume sombre récupèrent nos valises afin de les entreposer dans le coffre, puis l’un d’entre eux fait coulisser la portière passager et nous invite à monter à bord du véhicule.
— Merci, Marc, lance chaleureusement Charlotte.
Une fois qu’on est tous installés dans le van, celui-ci démarre sans attendre. Cal en profite pour raconter davantage les fantastiques évènements du week-end.
— Je sais que Chacha adore cet hôtel, alors, forcément, j’étais obligé de le réserver. Je vous raconte pas à quel point j’ai dû batailler parce qu’il affichait complet depuis des mois ! Mais…
Chacha, sérieusement ? Je crois que j’ai envie de vomir.
Je crois que je préfère encore bébé ou trésor, finalement…
Incapable de prendre part à la conversation, je pianote sur mon téléphone. J’hésite à raconter ce qu’il vient de se passer à ma meilleure amie, avant de me raviser. La connaissant, elle va avoir besoin d’un récit détaillé et répéter sous différente forme une bonne centaine de fois pour être sûre. Ce sera plus simple de l’appeler une fois arrivée.
Au bout d’une quinzaine de minutes, nous atteignons une zone privée de l’autre côté de l’aéroport. La voiture s’immobilise à l’intérieur d’un immense hangar. Lorsque c’est à mon tour de m’extirper du véhicule, Aaron me tend la main. Je lui offre un maigre sourire en guise de remerciement. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est ce que j’ai de mieux en réserve là, tout de suite.
— Oh bordel, c’est complètement dingue ! s’exclame Emma.
— Canon hein ?
L’écho du rire de Charlotte emplit l’espace et me fait lever la tête. Ce que je découvre me coupe le souffle. Un jet privé, d’un blanc immaculé, trône sur le tarmac. Ses ailes sont si étincelantes qu’elles reflètent les lumières au plafond.
— C’est ça l’avion de ton père ? s’exclame Alex, abasourdi.
Charlotte hausse les épaules.
— L’un d’entre eux en fait.
— Et il te le prête ? Purée cet homme est incroyable !
— On peut dire ça comme ça, oui.
Pendant une fraction de seconde, une émotion violente s’abat sur elle et froisse les traits de son visage. Son masque se recompose si vite en revanche que je ne suis plus certaine de ne pas avoir rêvé. Elle attrape un miroir dans sa poche et remet sa frange en place avant de reporter toute son attention sur les garçons qui sont encore en train de s’extasier sur l’avion.
— Les hommes… soupire Sofia en secouant la tête.
— Un petit joujou et les voilà qu’ils s’amusent pendant des heures, confirme Charlotte.
— Au moins, ils sont faciles à occuper, renchérit Emma.
— Vous êtes sûre qu’on parle encore d’eux, là ?
Ma remarque fait rire les autres, alors que je ne cherchais pas particulièrement à plaisanter. Tandis que les membres du personnel de bord s’activent autour de l’appareil, embarquant notamment nos valises, on se dirige vers l’escalier accroché à la carlingue. Quand j’arrive au bout des marches, je n’arrive pas à contenir mon hoquet de surprise.
— Wow.
Bouche bée, j’admire le spectacle qui se tient devant moi. L’espace est éclairé par une douce lumière, diffusée par des panneaux LED intégrés aux parois. Juste devant moi, des fauteuils en cuir crème sont disposés en angle autour d’une table basse en bois laqué. Le sol est recouvert d’un épais tapis couleur taupe et étouffe le bruit de nos pas. Je crois que je n’ai jamais vu autant de luxe réuni en un seul et même endroit, et pourtant, j’en ai visité des appartements.
112 commentaires
reimna
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Il y a 2 mois
sulanatuuu
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Il y a 3 mois
Syteraa
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Il y a 3 mois
maddyyds
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Il y a 3 mois
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Il y a 3 mois
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Aline Puricelli
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Ady Regan
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Il y a 3 mois