Ellie Ainsley Sans Londres d'un doute Chapitre 9 - Elliot

Chapitre 9 - Elliot

Chanson : Bad Habits — Ed Sheeran

Londres. Il y était enfin. Elliot ne pouvait pas vraiment prétendre avoir grandi à la campagne, car Liverpool était tout de même la sixième plus grosse ville d’Angleterre. On était loin des vaches mais malgré tout, depuis son adolescence, la capitale avait eu une force d’attraction démesurée sur lui. C’était un sujet de plaisanterie dans la famille et Phœbe, sa sœur, ne ratait pas une occasion de lui envoyer une carte postale à chaque fois qu’elle y allait.

Le seul qui avait toujours partagé cette passion était son cousin Peter avec qui il avait passé d’innombrables après-midi à rêver de la métropole, les jambes battant dans le vide, les talons de leurs baskets déchirées faisant résonner le béton fissuré d’un vieux garage abandonné. Ils parlaient de ce qu’ils y feraient lorsqu’ils y habiteraient, ensemble de préférence, ainsi que des premiers quartiers et boutiques qu’ils voulaient visiter. Les deux garçons avaient la particularité d’être nés le même jour, et leurs mères, deux sœurs, avaient accouché aux mêmes hôpitaux à quelques heures de différence. C’était Peter qui était un peu plus vieux qu’Elliot et il ne se gênait pas d’user régulièrement de son “droit d'aînesse”, ainsi qu’il l’appelait. Ils avaient grandi ensemble et étaient aussi proches que deux frères.

L’autre passion d’Elliot, c’était la pâtisserie. Il avait terminé ses études brillamment et avait rapidement été engagé dans une boutique chic du centre-ville de Liverpool dans laquelle il avait travaillé pendant des années. Récemment, cependant, sa vie avait commencé à perdre de sa saveur, et il avait réalisé que cette partie de sa carrière touchait à sa fin.

La révélation était arrivée quelques semaines plus tôt, au pub, alors qu’il buvait une bière avec ses amis. Eddie avait amené un de ses copains, un gars nommé Julian. Ce dernier avait expliqué qu’il quittait Liverpool pour s’installer à Londres. Il avait perçu un gros héritage de son grand-père et avait décidé d’ouvrir une librairie dans la capitale. Il travaillait jusque-là dans l’informatique et n’en pouvait plus de rester derrière un ordinateur toute la journée.

Sur un coup de tête, Elliot lui avait demandé s’il avait besoin d’un employé, Julian avait répondu que oui et sans savoir exactement pourquoi, le jeune homme s’était proposé. Tout le monde autour de la table s’était exclamé : — Mais enfin, mate, tu ne vas pas lâcher un job en or comme ça pour être libraire !  Mais, et tes parents ?  Tu vas quitter Liverpool ?

Au final, toutes ces questions avaient renforcé sa détermination plutôt que de le faire douter. Il fallait qu’il saute le pas, Elliot le sentait, cela devait être maintenant.

C’est comme ça qu’ils se retrouvaient, Peter et lui, en ce début de mois de mars, à trimballer deux énormes valises à la sortie du métro de Hampstead, sous un crachin londonien caractéristique. Elliot avait trouvé un petit studio à quelques rues de la librairie, sous les toits d’une maison cossue en pierre grise, avec un escalier encadré par deux magnifiques bow-windows qui donnaient sur un jardin. La maison était occupée par un vieux couple sans enfants. Il allait probablement y faire chaud en été et froid en hiver. Le sommier était un peu grinçant, mais il n’aurait échangé sa place pour rien au monde.

Les premiers jours, alors que la boutique de Julian était encore en travaux, il en avait profité pour explorer son nouveau quartier de fond en comble en compagnie de Peter. Les rues ici n’étaient pas bordées de grands immeubles, mais de petites maisons de couleurs, souvent cachées derrière des arbres vénérables ou des jardinets secrets qu’il mourait d’envie d’aller visiter. Ils avaient fait plusieurs fois le tour de l’immense parc de Hampstead Heath. Tout en haut de la colline se tenait une ancienne demeure et de là, la vue s’étendait sur toute la capitale. Ils avaient passé un long moment à dévorer le panorama des yeux, le rêve de gosse d’Elliot prenant enfin forme.

Au cours d’une de ces promenades, il avait remarqué une autre librairie. La devanture était peinte d’un jaune chaleureux sur lequel " L’Abeille Qui Lit " ressortait en belles lettres noires. Il était en train de contempler la vitrine lorsque la libraire vint y récupérer un livre. Elliot ne l’avait que aperçue, mais il était immédiatement tombé sous le charme de ses boucles rousses, de sa bouche bien dessinée et, oh, de son sourire. Pris d’une soudaine timidité devant cette apparition, il n’avait pas osé entrer. Il était repassé plusieurs fois sur le trottoir au cours des jours suivants, guettant sa silhouette, se morigénant de regarder quelqu’un à travers une vitre alors qu’il n’avait qu’à pousser la porte. Ce qu’il finit par faire.

L’intérieur était incroyablement chaleureux. L’espace était assez étroit mais profond. Le long des murs s’étalaient de belles étagères en bois travaillé. Au milieu étaient disposées plusieurs tables d’exposition recouvertes de livres et plantes. Des plantes, il y en avait également sur la caisse, suspendues au plafond et sur les rayonnages. Des petites lumières scintillaient un peu partout, donnant un aspect presque magique à la pièce. Au fond, derrière un vieux comptoir qui semblait être une antiquité, une jeune femme servait des boissons et des pâtisseries qui embaumaient l’atmosphère. Elliot prit une grande inspiration pour s’emplir des différentes odeurs de l’endroit. Le café, les livres, les plantes, le bois : tout ici contribuait à le détendre et à l’accueillir.

Son cœur s’emballa cependant à nouveau lorsqu’il aperçut la libraire. Elle était en train de discuter avec une petite fille et il ne la voyait que de profil, mais même comme ça, elle avait un charme irrésistible. Ses cheveux étaient attachés en un chignon lâche ce jour-là, dégageant sa nuque fine. Elle portait des lunettes rondes et une robe verte qui soulignait sa taille, avec des collants et des bottines en cuir. Il entendit sa voix pour la première fois, vive et joyeuse, et sentit son estomac faire des nœuds. Elle parlait avec animation à l’enfant et son rire résonna dans la librairie. Elliot avait le cœur dans la gorge et la tête lui tournait un peu. Une pensée fugace lui fit se demander s’il n’était pas venu à Londres juste pour la rencontrer.


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4 commentaires

playfox

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Il y a un mois

Trop hâte de lire la suite !!

Petit Guillaume

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Il y a un mois

Si tu voyages dans le cœur de la Provence, un jour, je te recommande la librairie du Bleuet à Banon. C'est un endroit que ces deux libraires, amoureux de la chaleur d'une demeure historique aux courbes imparfaites, aux boiseries tordues chargées d'odeur de térébenthine aimeraient et surtout, l'atmosphère confinée des livres qui ornent ses murs dans chaque pièce, sur trois étages...

Ellie Ainsley

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Il y a un mois

Oh ça vend du rêve ça, je vais aller voir merci 😍

Zatiak

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Il y a un mois

Petit coup de pouce pour t'aider à débloquer le prochain chapitre ! ✨
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