Fyctia

- Madame Tatum, vous comparaissez devant moi pour répondre du chef d’accusation d’homicide volontaire avec préméditation sur la personne de Monsieur Antony Carson, déclara le juge des libertés et de la détention d’une voix grave. Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? Plaidez-vous coupable ou non-coupable ?

- Non-coupable, votre honneur, répondit Samantha d’une voix ferme.

- Bien. Votre dossier sera confié au juge Simonin, qui présidera votre procès. Vous recevrez prochainement une convocation pour un entretien préalable avec lui et votre avocat. C’est tout pour aujourd’hui. Vous pouvez vous retirer.

Après l’audience, Jeremiah rejoignit Samantha dans la cellule de détention provisoire du tribunal, où elle attendrait qu’on la ramène dans sa prison. Il s’assit en face d’elle et lui expliqua l’enjeu de la rencontre avec le juge Simonin dans quelques jours.

- Samantha, écoutez-moi bien. Le juge Simonin va décider si vous restez en détention ou si vous bénéficierez d’un placement sous surveillance électronique à domicile. C’est une opportunité à ne pas rater. Je sais que vous souffrez de la prison, que vous êtes harcelée par les autres détenues, que vous n’avez pas de soutien familial… Mais il faut que vous gardiez votre sang-froid le jour de l’entretien. Ne dites rien qui puisse vous nuire, laissez-moi parler pour vous, montrez au juge que vous êtes coopérative et raisonnable, malgré les mauvais traitements reçus quotidiennement dans votre lieu de détention. C’est notre seule chance de vous sortir de là.

Samantha acquiesça silencieusement, en hochant la tête, sans quitter Jeremiah des yeux. Il sentit qu’elle avait compris le message, mais il se garda bien de lui donner des conseils trop explicites. Il ne voulait pas qu’on l’accuse d’avoir influencé sa cliente d’une manière ou d’une autre…

Ils parlèrent pendant un petit quart d'heure jusqu'à ce qu'un gardien vienne chercher Samantha pour la ramener au centre de détention provisoire.

Une semaine passa, puis une autre encore avant que Jeremiah n’eut des nouvelles du détective privé qu’il avait placé sur l’affaire.

Il décrocha son téléphone avec impatience quand il vit le nom de Jackie s’afficher sur l’écran.

- Alors qu’as-tu pour moi, Jackie ? demanda-t-il en se levant de son bureau.

- Absolument rien du tout, pour l’instant. L’historique des appels de Mlle Tatum n’a rien donné. Elle n’a malheureusement pas contacté son ex-copain après être partie de chez lui, tout comme lui n’a contacté personne non plus après son départ à elle. Cela aurait été bien trop facile de l’innocenter ainsi ! répondit Jackie d’un ton désolé.

Jeremiah soupira et se passa une main sur le front. Il espérait que Jackie aurait au moins une bonne nouvelle à lui annoncer.

- Et du côté des potentiels ennemis de Tony ? interrogea-t-il en se rapprochant de la fenêtre.

- Laisse moi encore quelques jours et je t’apporterai pas mal de petits noms. Je suis sur une piste intéressante, mais je ne veux pas te faire de fausses promesses, assura Jackie avec un brin d’excitation dans la voix.

- Parfait. Tiens-moi au courant dès que tu as du nouveau, conclut Jeremiah en raccrochant.

Il se remit à son bureau et regarda les photos de Tony et de Mlle Tatum qu’il avait épinglées sur son tableau. Il se demanda qui pouvait bien leur en vouloir au point de tuer l'un et de faire accuser l'autre du meurtre.

Il lui fallait du nouveau, et vite, pour sortir Samantha de ce piège mortel. S’il parvenait à dénicher ne serait-ce qu’un suspect potentiel, ayant un mobile et un alibi douteux, il pourrait semer le trouble dans l’esprit des jurés. Jeremiah n’était pas exigeant. Il cherchait juste une faille, une brèche, où il pourrait s’engouffrer et faire vaciller la balance.

Mais le destin ne lui fit pas de cadeau.

La nouvelle qu’il attendait arriva, mais pas comme il l’espérait.

- Jeremiah, j’ai du lourd pour toi ! lâcha Timothée Koracitz au téléphone, un soir de la semaine suivante. On a trouvé le mobile du crime ! L’assurance vie !

Jeremiah sentit son sang se glacer.

Il pressentait que ce n’était pas une bonne nouvelle.

- Quoi ? Quelle assurance vie ? demanda-t-il en serrant le combiné.

- Ecoute, c’est simple. Tony avait souscrit une assurance vie de deux millions d’euros au nom de Samantha. Et devine quoi ? Il l’a fait une semaine avant sa mort ! s’exclama Timothée avec un rire sarcastique.

- Tu plaisantes ? C’est impossible ! protesta Jeremiah, abasourdi.

- Non, mon vieux, c’est la vérité. J’ai les papiers sous les yeux. C’est signé, daté, tamponné. C’est du béton ! affirma Timothée avec assurance.

- Mais c’est absurde ! Pourquoi Tony aurait-il fait ça ? Et pourquoi Samantha n’en a-t-elle jamais parlé ? s’interrogea Jeremiah, perplexe.

- Peut-être parce qu’elle était au courant et qu’elle a tout manigancé pour toucher le pactole ! suggéra Timothée avec malice.

- Arrête tes conneries ! Tu sais très bien que pour moi, Samantha est innocente ! répliqua Jeremiah, indigné. Cette affaire sent le coup monté depuis le début !

- Ah oui ? Et comment tu le sais ? Tu as des preuves ? Tu as un alibi ? Tu as un autre coupable ? Non, tu n’as rien ! Tu es dans le pétrin, mon pote ! ricana Timothée.

- Ecoute, je ne sais pas d’où sort cette histoire d’assurance-vie, mais je suis sûr qu’il y a une explication logique. Peut-être que Tony a été forcé ou manipulé par quelqu’un. Peut-être que c’est un faux document. Peut-être que… balbutia Jeremiah, cherchant désespérément une issue.

- Peut-être que tu devrais arrêter de te voiler la face et accepter la réalité ! coupa Timothée. Samantha est coupable ! Elle a tué Tony pour l’argent ! C’est clair comme de l’eau de roche ! Et pas tellement surprenant de la part d'une putain ! Tu sais quoi ? Je vais te le prouver devant le tribunal ! conclut-il en raccrochant brutalement.

Jeremiah resta sans voix, le téléphone à la main. Il regarda à nouveau les photos sur son tableau. Il vit le sourire radieux de Samantha et le regard amoureux de Tony.

Il se demanda comment tout cela avait pu dégénérer à ce point.

Il se demanda comment il allait sauver Samantha de cet enfer.