Fyctia
Chap 1: La coupable idéale
- Je ne l'ai pas tué !
Jeremiah fixait sa cliente à travers la vitre qui les isolait. Il avait du mal à croire que le visage angélique de la jeune femme en face de lui était celui d’une meurtrière.
Pourtant, c’était ce que tout le monde pensait. Y compris les journaux.
Plusieurs titres accrocheurs s’étalaient à la une :
“Une jeune femme de vingt-deux ans arrêtée pour le meurtre de l’héritier des Carson, la célèbre bijouterie Carson. Selon une source proche de l’enquête, Samantha Tatum aurait abattu son ex-petit ami, Antony Carson, d’une balle dans la tête à bout portant. Le jeune homme, de dix ans son aîné, n’a pas survécu.”
Ce matin, Jeremiah était en train de parcourir l’un de ces articles quand son téléphone avait sonné. On lui demandait de se rendre au parloir de la prison où Samantha était détenue. Il semblerait qu’elle l’ait choisi comme avocat et qu’elle ait exigé sa présence.
Secrètement, Jeremiah était ravi.
L’affaire Carson allait faire du bruit.
Beaucoup de bruit.
Exactement ce qu’il lui fallait pour décrocher son cent cinquantième acquittement. Et quoi de plus glorieux que de l’obtenir sur un cas apparemment désespéré ?
Avant de se présenter devant celle qui allait sans doute devenir sa prochaine cliente, l’homme de loi avait étudié son dossier. Accusée de meurtre, Samantha était dans une situation critique. La perquisition à son domicile avait été fructueuse, l’arme du crime avait été retrouvée sans peine à côté de la victime et la thèse du suicide avancée par la demoiselle ne tenait pas debout pour de multiples raisons bien expliquées.
Toutes les preuves désignaient la jeune femme comme la coupable idéale de ce crime maladroit. Sauf que pour l’instant, Samantha niait tout en bloc.
Ce n’était pas un problème pour Jeremiah.
Nombreux étaient ses clients qui se prétendaient innocents au départ. Ce n’était souvent qu’après plusieurs semaines qu’ils finissaient par se confier à lui, une fois la relation de confiance établie.
Ce serait à lui de prouver à sa cliente qu’elle pouvait tout lui avouer, que le résultat serait le même pour lui, car il était payé pour défendre ses droits. Il faudrait qu’elle comprenne qu’il serait beaucoup plus efficace dans son travail s’il connaissait réellement tous les tenants et aboutissants de l’affaire en cours.
Elle s’en rendrait compte d’elle-même, Jeremiah n’en doutait pas.
C’était toujours comme ça que ça se passait… À force de questions et d’immiscions dans la vie personnelle et intime de ses clients et des derniers mois de leur vie commune avec la victime, ils n’avaient plus beaucoup de secrets pour lui. Et comme souvent alors, ses clients n’avaient plus vraiment de barrières et laissaient éclater la vérité.
Les révélations viendraient donc en temps et en heure… mais ailleurs.
C’était hors de question de pousser sa cliente à se confier ou à avouer quoi que ce soit ici, dans ce parloir, à la merci des oreilles des gardiens ou d’un micro savamment dissimulé autour d’eux. Une méthode pas très légale et non admissible lors du procès mais des aveux qui auraient alors le pouvoir horrible d’effacer le moindre doute de l’esprit des jurés qui apprendraient, il n’en doutait pas, l’existence de cet enregistrement, et qui auraient pour consigne de ne pas en tenir compte, la preuve étant irrecevable légalement. Sauf que le dégât causé par cette audio serait très important et l’affaire quasiment irrattrapable pour Jeremiah.
Il le savait pour l’avoir vécu, et s’être servi de cette méthode pour gagner son procès en étant, dieu merci à l’époque, du côté de la défense.
Il faut savoir qu’au pénal, il n’y a rien de pire que les aveux.
Il y a une raison pour laquelle les forces de l’ordre récitent aux personnes qu’ils arrêtent : “Vous avez le droit de garder le silence ou tout ce que vous direz sera retenu contre vous”.
L’aveu est la reine des preuves.
En droit pénal, il n’est pas question de “faute avouée à moitié pardonnée”, malgré les promesses trompeuses des enquêteurs lors de l’interrogatoire de leurs suspects.
C’est pourquoi Jeremiah devait faire comprendre à sa cliente qu’il n’avait, pour le moment, pas besoin de recueillir ses confidences et qu’au contraire, jusqu’à sa prochaine visite, elle devait impérativement se taire pour son propre bien.
- Mme Tatum, nous nous reverrons bientôt dans des conditions plus propices à une véritable discussion. Si nous sommes d’accord sur le montant de mes honoraires, je serai ravi de vous aider à surmonter cette épreuve. Pour l’instant et pour la réussite de notre affaire, il est essentiel que vous suiviez mes conseils à la lettre. La règle la plus importante ici, dans cette prison, c’est que vous vous taisiez. Votre affaire est publique, les journalistes sont partout, les gardiens ont les oreilles qui traînent et vos co-détenues rêvent sans doute d’avoir leur moment de gloire, voire même de liberté. Beaucoup n’hésiteront pas à vous poignarder dans le dos et à trahir d’éventuelles confidences que vous pourriez faire en échange d’une remise de peine… Vous voyez ce que je veux dire ?
- Oui.
- Parfait. Dans ce cas, je vais m’en aller et rassembler plus d’informations sur votre affaire. On se revoit très vite et d’ici là, pas de bêtises ! lança Jeremiah à sa cliente avec un dernier regard de mise en garde, avant de se lever et de quitter la pièce.
2 commentaires
A.Pandora
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Il y a 2 ans
Cindy.C_Auteure
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Il y a 2 ans