Fyctia
Premier chocolat
— Ambre ! L'interpelé-je en agitant un bras. Je suis là !
Sans perdre une seconde, je me dirige vers elle jouant des coudes pour parvenir sans encombre jusqu'au banc.
— Tu avais raison, je t'ai reconnue sans mal ! C'est quoi cet énorme dragon ?
Elle me sourit et saute à bas du bas. Je sens son regard sur moi me détailler de haut en bas. Ça suffit à raviver feu d'angoisse qui brûlait dans ma poitrine.
— Un cadeau ! Il m'a pris pas mal d'heures de crochets mais c'est réussi non ? Je me suis dis qu'il pourrait nous accompagner pendant l'écriture. Oh ! Tu as ramené ton chat ! Il a bel et bien la tête de grincheux que tu lui décris. Suis-moi le parking est de ce côté-là ! On a presque trois-quarts d'heure jusqu'au chalet. Je suis arrivée hier, il est adorable on a vraiment bien choisi.
Je ne peux m'empêcher de rire en l'écoutant parler.
— Aussi stressée que moi n'est-ce pas ?
Elle me rend mon sourire, les mains crispées sur la peluche.
— Ça se voit tant que ça ? Grimace-t-elle cachée derrière une aile.
— A peine, la rassuré-je. Je suis dans le même état ne t'inquiète pas. Mais je suis sûre que tout ira bien.
Arrivée à la voiture, il ne nous faut pas longtemps pour déposer mes affaires dans le coffre et installer le chat à l'arrière. Je la regarde s'installer au volant, particulièrement attentive à la musique qu'elle lance. Je suis surprise de la voir mettre un de mes groupes préférés de métal symphonique.
— Ne me regarde pas comme ça, il n'y a pas que les autrices de dark fantasy qui écoute du métal.
Son clin d'œil me fait sourire. On papote musique tout le long du trajet jusqu'au chalet sans qu'aucun silence gênant ne s'installe, à notre grand soulagement. La route sinueuse serpente entre les pics et s'élève jusqu'au petit village en plein cœur des Pyrénées où nous allons passer le mois. Les bords de route couverts de neige me fascinent autant que les immenses sapins qu'on aperçoit sur les flancs de montagnes.
Je suis encore plus conquise par le village, isolé du reste du monde par un pic et un bois. Une vingtaine de chalets en bois à peine, desquels s'élèvent une fumée réconfortante, construits autour d'une placette centrale sur laquelle donnait l'unique bar des lieux, accompagné de cabanes d'artisanats installées pour la saison. Un vrai paysage de carte postale.
Ambre nous conduit à l'extrémité ouest du village, jusqu'à notre chalet duquel je découvris une vue imprenable sur la vallée.
— C'est magnifique, murmuré-je. On a eu une si merveilleuse idée de venir ici pour l'hiver.
Elle me sourit, me tend une clef comme invitation silencieuse à entrer la première. Surexcitée à l'idée de découvrir l'intérieur, je me précipite sur la porte, portable en main telle l'autrice vlogueuse en carton que je suis.
La décoration pittoresque du chalet typique me conquit. Tout le mobilier est en bois, de la table basse du salon au vaisselier de la salle à manger, et semblent fait mains. La cheminée face au canapé n'attend que d'être allumée. La cuisine, équipée d'un feu de bois et d'un plan de travail recouvert d'un carrelage typique du coin, est rudimentaire mais suffisante pour nous deux. Ni télévision, ni ordinateur ni même wifi. Juste un vieux poste radio, une platine vinyle et une machine à écrire. Les chambres sont identiques, même lit de bois, même armoire, même petit bureau et même vue magnifique sur la vallée. Sa seule différence : les affaires d'Ambre dans l'une d'elle.
— L'autre chambre te convient ? Me demande-t-elle soucieuse.
— Oui, elle sera parfaite ne t'inquiète pas. J'installe Gimli et on pourra sortir faire un tour si ça te convient ? Je t'avoue que je meurs de faim, je n'ai rien mangé depuis six heures ce matin.
Elle acquiesce, me laissant libérer mon fauve qui prend tout son temps pour sortir de sa caisse et s'étirer de tout son long avant de prendre possession du fauteuil installé devant la baie vitrée donnant sur la terrasse.
— J'ai hâte de commencer à écrire, de partir en rando et de découvrir le coin ! Cet endroit est parfait ! M'enthousiasmé-je.
— Je suis contente qu'on est eu cette idée folle et qu'on soit partie sur un coup de tête. On trouvera sûrement de quoi manger au marché de Noël. Si on arrive à se faire une place parmi les touristes en visites !
Gamelles pleines et litière en place, j'emboîte le pas à Ambre pour descendre au village. Le temps est gris, venteux mais pas désagréable. Les nuages chargés de neige ne demandent qu'à se libérer de tout ce poids.
L'odeur sucrée et épicée caractéristiques des marchés de Noël nous parvient bien avant que nous arrivions en vu de la place centrale. Touristes et locaux se mêlent autour des étals dans une ambiance conviviale que j'affectionne particulièrement à l'approche des fêtes. J'aime cette période où tout le monde s'autorise à rêver, petits comme grands. Où la féérie se mêle au quotidien pour le rendre magique. Et je l'aime d'autant plus que cette année pour la première fois je vais passer Noël comme je l'entends, sans me plier aux dictats familiales.
— On devrait décorer le chalet et trouver un sapin pour le salon. T'en penses quoi ?
Je me tourne vers Ambre, des étoiles pleins les yeux. Elle a un sourire tendre qui lui va particulièrement bien.
— Tu ne sais pas ce que tu me proposes en parlant de décorations de Noël, me répond-t-elle malicieuse. Crois-moi, tu vas vite regretter ça quand tu te retrouveras affublées de bois de rennes pour la traditionnelle photo !
Je ne retiens pas le rire qui me secoue à cette image. Heureusement que Camille n'est pas là pour encourager Ambre dans cette entreprise !
— Celui qui me fera porter des bois de rennes n'est pas encore né !
Elle se contente d'un clin d'œil avant de m'entraîner vers un stand de nourriture. Pendant qu'elle commande un chocolat chaud plus chantilly et une gaufre plus grande que sa main, j'opte pour un espèce de sandwich au fromage fondu et un chocolat chaud tout simple. On décide ensuite de s'installer sur un banc pour manger notre encas sans risque et s'adonner à l'activité préférée des auteurices : observer les gens.
— C'est mon premier chocolat de la saison, confessé-je après ma première gorgée avant de presque m'étouffer de rire face à son air choqué.
— Tu découvriras vite que c'est presque une religion chez moi ! Comment as-tu pu ne pas en boire avant ?
— J'attends toujours une bonne occasion pour en boire un comme le premier film de Noël, lui révélé-je. Je pense que notre première rencontre dans un tel contexte est une bonne occasion.
Ambre me rend mon sourire et acquiesce, le visage en parti dissimulé par son gobelet.
— Je suis sûre qu'on va parfaitement s'entendre et qu'on va écrire le futur best-seller que tout le monde s'arrachera !
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