Mary_L Sailing into Forever. Chapitre 5

Chapitre 5

Mon regard quitta Glenn pour se poser sur l’origine de cette voix mystérieuse. Et là, tout autour de moi devint flou. Les bruits ambiants s’atténuèrent, puis semblèrent disparaître complètement. Même le concert, qui venait tout juste de commencer, me devint insignifiant. Les premières notes de Fallingforyou du groupe The 1975 retentirent en fond, mais elles ne m’atteignaient plus.


Je déglutis, incapable de détacher mes yeux de l’homme qui venait d’entrer. Les mains dans les poches, il avançait d’un pas tranquille, un sourire en coin illuminant son visage. Il salua les garçons avec des poignées de main décontractées. Mon regard suivait chacun de ses mouvements, comme aimanté.


Il était grand, imposant, intimidant. Beau. Irrésistiblement attirant. Ses cheveux châtains, coupés courts comme ceux des autres hommes à la table, encadraient un visage à la fois angélique et magnétique. Deux fossettes venaient accentuer son sourire, le rendant presque irréel. Ses yeux, petits et perçants, semblaient posséder un pouvoir unique. Ce genre de regard qui t’ancre, t’accroche, te fait chavirer.


Et je chavirai.


Je passe une main dans mes cheveux, tentant de les discipliner, bien qu’ils soient déjà en place. Mon regard se détourne rapidement vers le groupe qui chante. Freddie, celui que je suis censée apprendre à connaître et soutenir pendant sa performance, capte mon attention… mais pas suffisamment. Je n’y arrive pas. Mes yeux reviennent sans cesse au même endroit, à lui.


Il semble parfaitement à l’aise, se déplaçant de chaise en chaise pour saluer chaque membre de la clique. On sent qu’il connaît bien cet endroit. Il porte un simple pantalon noir et un t-shirt vert kaki qui épouse ses bras musclés. Je remarque que mon cœur bat plus vite que d’habitude. Presque instinctivement, je prends une gorgée de mon verre. Une mèche rebelle glisse devant mes yeux, et je l’écarte du bout des doigts.


C’est à cet instant que je sens son regard se poser sur moi.


Je lève les yeux et rencontre les siens, tout en remettant ma mèche derrière mon oreille. Il s’est installé en face de moi, une pinte à la main. Son regard me dévisage, passant de mes yeux à mon nez, de mes joues à mon front, puis à mes lèvres. Instinctivement, je les mordille, et son regard revient se fixer dans le mien.


Nous ne disons rien. C’est comme si, pour lui aussi, le monde extérieur s’était évanoui, mis sur silencieux. Ce silence partagé n’est ni gênant ni lourd. Il est agréable, paisible. Je me sens bien, étrangement bien.


Puis, comme un accord tacite, nous nous sourions au même moment. Mon cœur s’emballe encore davantage, battant si fort que je pourrais presque l’entendre.


— Allô la Terre ? Ici Molly, j’essaie de contacter Jude !


La voix de Molly me tire brusquement de mes pensées. Malheureusement, je dois quitter cet océan paisible qu’étaient ses yeux pour croiser les iris noisette et miel de ma meilleure amie.


— Oui, tu disais ? Pardon, j’étais... ailleurs pendant quelques minutes.


— Mmh, oui, c’est ça... répondit-elle, esquissant un sourire en coin. On se demande bien où tu étais passée, ajouta-t-elle en prenant une gorgée de son énième cocktail.


Le groupe continuait d’alterner entre des morceaux connus et d’autres un peu plus obscurs. Je me sentais légèrement coupable vis-à-vis de Freddie, mais, après tout, il n’y avait rien entre nous. Aucune promesse, rien. Heureusement que notre table était assez loin pour qu’il ne remarque rien...


— Ça te dit d’aller danser ? Les garçons y vont ! demanda Molly.


— Euh, non, ça ira… Restez-y toi. Je préfère rester ici, répondis-je avec un sourire.


Elle grogna légèrement, mais céda en me laissant tranquille. Accompagnée de James, elle se dirigea vers le devant de la scène. Je savais qu’elle finirait bientôt entourée des autres marins, sauf... celui assis en face de moi.


Le silence s’installa entre nous, uniquement troublé par les accords de la musique en arrière-plan. Je sirotai mon cocktail, les yeux rivés sur le concert. Lui fit de même, avant que je ne sente son regard se poser sur moi. Je le sentis immédiatement. Mes joues s’empourprèrent légèrement. Nous ne parlâmes pas. Nous nous contentâmes de nous regarder.


— Jude, c’est bien ça ? demande-t-il enfin.


Je détourne les yeux de la scène pour le regarder. Sa voix est douce, mielleuse, grave, et intensément captivante.


— C’est ça, lui répondis-je. Et toi ?


— Aidan, dit-il simplement en terminant sa pinte. Enchanté, Jude.


La manière dont il prononce mon prénom me donne des frissons. Il l’a articulé avec une telle délicatesse que j’en reste troublée.


— Enchantée également. Tu es marin, j’imagine, comme les autres ? demandai-je, intriguée.


— Malheureusement… Il ricane légèrement avant d’ajouter : Ils sont sympas, mais... un peu bêtes.


Mon regard dérive vers la foule, où je les vois danser et chanter à tue-tête. Molly et James s’amusent avec eux, insouciants et pleins d’énergie. J’aimerais avoir leur audace. Moi, je me sens toujours bien trop mal à l’aise en public pour ce genre de choses.


— Cela te plaît ? lui demandai-je après un moment. Être dans la Navy, je veux dire.


Il soupira doucement et se gratta l’arrière de la tête, visiblement hésitant.


— Disons que je n’ai pas vraiment le choix. Je suis obligé de l’apprécier. Puis… ma mère en a besoin, répondit-il simplement.


Ma curiosité s’éveilla soudainement. Je l’observai alors qu’il fixait la scène. Son profil était… parfait. Son nez droit, beau, presque sculptural. Il passa une main sur son visage, et c’est à ce moment-là que je remarquai ses cernes. Son air fatigué, presque désabusé.


Ce ne devait pas être facile, être marin. Beaucoup de femmes ne supportent pas les absences, et beaucoup d’hommes peinent à vivre avec les déploiements à l’étranger. Cet univers est très particulier.


Je me rappelai alors l’histoire de mon oncle. Il travaillait lui aussi sur ces immenses bateaux gris de la Navy. Ma tante, épuisée par les absences répétées, avait décidé de le quitter pendant qu’il était en mission dans un endroit dangereux. Ce fut un acte désespéré et tragique : il s’était suicidé avec son arme de service. Cette histoire est gravée dans ma famille. Ma mère le pleure encore, même après plus de dix ans. Mais elle a trouvé un moyen d’apaiser sa douleur : elle aide désormais les vétérans en leur tenant compagnie dans une salle spécialement aménagée pour eux.

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3 commentaires

illusiona

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Il y a 4 mois

coucou passage de ma part pour t'aider :)
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