Fyctia
Noyade
Mélusine.
Je me lève toute endolorie. Cela fait longtemps que je n'avais pas dormi dans cette position. Allongée de mon côté du lit, recroquevillée, sur le bord, j'ai mal dormi. J'ai aussi fait beaucoup de rêves, très énigmatiques. Mais c'est surtout Aurore qui n’a pas arrêté de bouger. Apparemment, ses rêves étaient beaucoup plus terrifiants que les miens. Peu importe, je ne suis pas une femme qui revient sur ses paroles. Nous nous sommes engueulées hier soir au retour de la réunion. Il y avait une mauvaise énergie. La faute à qui ? Je ne veux pas le dire à Sagamore. Je ne veux pas que nos ennemis se réveillent. Et surtout, qui sait comment Sagamore pourrait réagir. Je me lève sans un mot, j’ai cours à neuf heures ce matin.
Dans l’amphi, la centaine d’étudiants du premier semestre n’est plus qu’un lointain souvenir. Ils sont quarante, tout au plus. On pourrait faire une classe. Ce que je me demande, c’est combien écoutent ? Et encore combien réussiront leurs partiels ? Je ne sais jamais quel niveau je dois préparer : un niveau moyen, voir bas pour motiver les étudiants, ou sévère au risque de les faire fuir ? Je suis perturbée par la vibration de mon téléphone, dans ma sacoche. Il y a plusieurs appels. Cela ne s’arrête pas. Je m’excuse auprès des élèves et vérifie rapidement le nom qui s’affiche. C’est le lycée. Cette fois-ci, je décroche. « Je suis désolée, je vais devoir prendre cet appel, il doit s’agir d’une urgence. » Ma voix inquiète a plombé l’ambiance de l’amphi. Tout le monde se tait. Je me mets à l’écart pour porter le portable à mon oreille.
Mon cœur bat à tout rompre. Mon SUV file en trombe vers l’hôpital. Le lycée m’a dit de ne pas m’inquiéter, Bartabas est avec lui. C’est plus facile à dire qu’à faire. Je voudrais pouvoir me téléporter. J’appelle Aurore en Bluetooth et tombe sur la messagerie. « Amour, je suis sur la route. Tu as dû avoir l’appel du lycée. Je sais que tu dois d’abord attendre ton associé ou mettre les clients dehors pour te libérer à la librairie. Fais comme tu peux. Bartabas est parti avec lui, j’arrive dans dix minutes. Ne t’affole pas mon ange. Je t’aime. » Oubliée la dispute. J’aimerais juste être avec elle pour pouvoir la rassurer. Elle qui est si douce, si profondément mère, doit être dans tous ses états. Encore plus que moi.
Arrivée à l’hôpital, j’accours vers la chambre indiquée par l’accueil. En entrant, je bloque devant le lit vide. Bartabas m’attrape de suite dans ses bras. Je me recule violement. Il répond de suite : « Ne t’en fais pas. Il n’a rien. Il a avalé un peu d’eau et avec son asthme, les médecins ont préféré faire quelques examens en plus. Il va revenir d’ici peu. » Je pose ma main sur son bras en guise d’excuse. J’ai toujours du mal à contrôler mes gestes. Surtout dans ce genre de situation. Je prends une longue respiration. « Tu étais présent ? Tu as vu ce qu’il s’est passé ? Qui a fait ça ? »
C’est alors que la porte s’ouvre. Aurore court dans mes bras en pleurs. Je la prends dans mes bras et lui caresse le dos. Je me tourne à nouveau vers Bartabas, le regard insistant. « Nous avions terminé le cours de natation. J’ai proposé dix minutes de temps libre pour ceux qui avaient rangé leur matériel. Donc j’aidais à ranger… Quand je me suis retournée, j’ai vu de l’agitation. Dès que j’ai compris, j’ai sauté à l’eau en hurlant. En un instant, tous les élèves s’étaient dispersés. Mais j’ai vu pas mal de têtes blondes. »
Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. « On sait ce que cela veut dire. Ce sont les cathos, ils ont voulu le noyer. C’est quand même dingue que des centaines d’années plus tard, on tente encore de repérer les sorcières en les noyant. Il serait mort, ils se seraient excusés ? Comme si nous étions immortels. Le jour où ils cesseront d’être des abrutis… »
Aurore me repousse. « Ne dit pas ça. Il va bien. Je ne veux même pas penser à ce qu’il se serait passé si… »
Elle enroule ses bras autour du cou de Bartabas, qui l’enserre à son tour. « Merci Bartabas. Encore une fois, heureusement que tu étais là. Tu n’es pas que mon meilleur ami ou le parrain de mon fils, tu es un véritable ange gardien. »
La porte s’ouvre à nouveau et nous pouvons enfin nous rendre compte, de nos yeux, de l’état de santé de Sagamore. Etouffé par ses deux mamans, il demande de l’air. Il va très bien et les médecins confirment. Aurore conclut : « Plus de peur que de mal… »
J’explose en prenant sa main. « Qui t’a fait ça ? Donne-moi des noms et je m’en charge ! Tu aurais pu mourir, tu t’en rends comptes ? »
Il soupire en me repoussant. « Arrête maman, ce n’était qu’un jeu. Arrête de t’emballer. C’est juste que je n’arrivais pas à reprendre mon souffle après. J’aurais dû prendre de la ventoline, c’est tout. Laisse tomber maman, s’il te plait. N’en fais pas une montagne. C’est un jeu qui a mal tourné. On est des jeunes adultes un peu foufous… »
Je remercie Baratabas d’une bise et d’une accolade. Aurore fait monter Sagamore dans le SUV et vient prendre sa place sur le siège passager. Pas un mot, pas un regard. Je ne décolère pas, et mes deux passagers savent très bien qu’il vaut mieux laisser passer l’orage. La main d’Aurore se glisse sur ma cuisse. Je la saisie. Un soupire gonfle ma poitrine. Soudain, Sagamore commente. « Je vous ai entendu hier. Vous êtes rentrées en vous disputant. Au moins, j’ai réussi à vous réconcilier… »
Revenue à la maison, je m’éloigne pour appeler Gondolfa. Je mets de suite les formes pour ne pas inquiéter maman. Bien sûr, elle est folle de rage. Mais sa sagesse reprend vite le dessus. « Ne t’inquiète pas ma fille. Nous allons nous réunir à nouveau. Nous devons mettre un terme une bonne fois pour toute à leurs menaces, à leurs coups bas. S’ils osent encore une seule fois toucher à mon petit-fils, je peux te dire qu’il sera impossible que leur lignée continue. Ils veulent chasser de la sorcière, ils vont en trouver une. »
2 commentaires
Byne1704
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Il y a 5 ans
Tristana Erato
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Il y a 5 ans