Fyctia
Acte 1 - Scène 18 (partie 2)
J'actionne la poignée puis je claque la porte derrière moi. Silence total. Bonheur.
Je reprends ma respiration puis me dirige vers les escaliers. Je déteste les ascenseurs. Je crois que je suis claustrophobe là-dedans. Je dévale les marches quatre à quatre. Il y a six étages dans son immeuble mais je m'en fous. J'ai encore la tête qui tourne et la vitesse à laquelle je descends me fait penser que je risque de m'étaler comme une merde. Mais quitte à avoir la gueule explosée, autant le faire en beauté.
Je continue de dévaler les étages jusqu'à ce que je sente soudainement une main m'attraper sauvagement par le bras. Je trébuche de deux marches sous l'effet de surprise et j'entends crier alors que Neil me plaque contre la rambarde de l'escalier, m'explosant le dos au passage.
_Mais tu vas où putain ?! Tu ne te barres pas sans moi !
_Lâche-moi ! Je fais ce que je veux !
_Pas dans cet état ! Beugle Neil en serrant de plus en plus fort mes poignets, T'es qu'un déchet Rosenbach. Je ne te laisse pas rentrer dans cet état !
_Mais t'as pas le choix !
J'arrive finalement à me dégager de son étreinte parce que lui aussi il est coké et qu'il n'a pas tout à fait la maîtrise de son corps. Je pose mes deux mains sur sa poitrine et je le repousse un grand coup. Il tombe d'une marche et je continue sans trop savoir pourquoi :
_T'as aucun droit sur moi ! T'es pas mon copain. T'es juste rien Neil. T'es le mec qui m'a fait couler, mais à part ça, t'es rien.
_Tu te fous de ma gueule ?
_Quoi ? Ce n'est pas vrai peut-être ? Ce n'est pas toi qui t'es dit que j'étais juste un pauvre gosse de riche qui allait tomber dans ton piège en me refilant ta merde ? Putain, j'avais quinze ans ! Quinze ans ! Alors quoi ? Je dois te remercier, c'est ça ? Et bien merci d'avoir foutu ma vie en l'air.
_T'es dégueulasse de me dire ça.
Je vois ces pupilles briller. C'est la première fois que je lui sors un truc pareil. C'est peut-être même la première fois que je le pense. Et ça fait bizarre. Parce que, pour être honnête, je n'y avais jamais vraiment réfléchi. Neil ne répond pas. Normal. Il sait que j'ai raison. C'est comme ça qu'ils font dans ce genre de trafic. Il repère une proie facile, il l'amadoue, lui vend sa merde pour qu'elle devienne accro et après il ne la lâche plus. Ça a marché avec moi comme ça marche avec tout le monde. Alors je ne sais pas pourquoi je sors du lot des clients de Neil. Mais là, tout de suite, je n'ai plus envie de sortir du lot. Je veux juste n'être plus rien pour lui. Je veux juste n'être plus rien pour personne.
_Je ne te fournis plus à partir de ce soir, déclare Neil comme s'il cherchait vraiment à se redonner de la crédibilité.
_Si tu ne m'en vends plus, j'irais voir ailleurs.
_Jamais, me coupe-t-il sèchement, Jamais tu recommences un truc pareil. Je ne veux pas recevoir de nouveau un coup de fil d'un inconnu pour me dire que tu clamses sur le trottoir. Tu m'entends ?
J'entends mais je n'ai pas envie de répondre.
_Soan ?
_Je veux un sachet maintenant.
_Hors de question.
_Tout de suite.
_J'ai dis non.
_J'irai acheter à quelqu'un dehors. Au mec le plus louche que je pourrais trouver dans Londres.
_C'est quoi ce chantage à la con ? M'interroge-t-il blasé.
_Donne.
Je lui ai tendu ma main et j'ai dis ça clairement pour lui faire comprendre que je ne changerai pas d'avis.
_Va te faire mettre.
_Donne.
_Non.
Honnêtement, je ne sais pas qui gagnera à ce jeu là. On est tous les deux plus têtus que l'autre.
_Donne.
_N-O-N.
_Alors tu veux quoi ? J'explose, De la thune, c'est ça ?
Je fourre mes mains dans les poches de mon slim et j'en retire des billets. Je les lui balance à la gueule sans même regarder de combien il s'agit. Les billets tombent par terre parce que, bien sûr, il a trop de fierté pour les ramasser. Et je continue, toujours aussi furieux :
_Bah prends ! Qu'est ce que t'attends ? C'est de la thune que tu veux non ?
_Ta gueule Soan, je vais t'en foutre une.
_Vise l'autre joue, ça sera symétrique comme ça.
_Mais ferme ta putain de gueule bordel.
_Et toi donne moi ma came. J'ai payé.
_T'as balancé de l'argent et je ne l'ai pas ramassé.
Putain, je crois que je vais le tuer. Je vais le pousser dans les escaliers. Je ne sais pas pourquoi je suis aussi furieux. Je crois que j'ai accumulé trop de colère à l'intérieur et que j'ai besoin de l'extérioriser. Alors je me baisse vers le sol, je ramasse mes billets, et je me relève en les lui enfonçant dans les poches de son slim.
Neil ne bouge pas. Il me regarde faire, consterné. Non, même pas consterné. Il me regarde avec dédain et je vois bien qu'il se retient de toutes ses forces de ne pas m'en foutre une. Et, franchement, je sais bien que je le mériterais. Alors je continue :
_Tu l'as mon fric. Je veux ma came. Maintenant.
(.../...)
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