Fyctia
5.2 LYRA
Je ne me fais pas d’illusion. Et c’est une bonne chose, car j'aperçois du mouvement entre les arbres alors que j’arrive à la frontière qui sépare les deux zones. Vu l’état dans lequel est arrivé Calypso, il va sans dire que je m’attends au pire. Je sais très bien que, en combat à main nue, je ne ferais pas le poids, qu’importe l’adversaire, aussi je dois me montrer plus maligne. Me méfier et frapper la première, voilà ce que je dois faire. Sur le qui-vive, je matérialise un arc de glace. Ou plutôt, je profite de l’humidité chargée dans l’air pour donner forme à un arc. Cette technique, je l’ai peaufinée durant de longues, très longues années. Tant et si bien, qu’à présent, il ne me faut que quelques secondes. Lors de mes premiers essais, je prenais un temps infini pour ne serait-ce que concentrer la condensation et la changer en glace. L’eau a cet avantage qu’elle est malléable, une fois que l’on a compris comment l’utiliser, les possibilités sont infinies.
Aussi aisément que j’ai fait apparaître un arc, je créer une flèche, elle aussi faite de glace. Je l’encoche et tourne doucement. Les yeux grands ouverts, je guette le moindre mouvement suspect, le moindre bruit. Il est hors de question que je me laisse surprendre. Un assaut qui ne laisserait que quelques bleus sur Calypso pourrait me blesser bien plus grièvement. Si je tenais à participer à ce tournoi pour me prouver que j’en suis capable, je ne veux pas finir à l’infirmerie pour autant.
– Je sais qu’il y a quelqu’un ! Montre toi.
Mon rythme cardiaque s’accélère alors que je me décide à avancer, toujours en alerte. Je marche sur une branche et le craquement sonore me fait sursauter. Imbécile ! Reste concentrée. Un long soupir m’échappe. Je continue mon chemin. Chaque bruit me fait tourner la tête. Cinq bonnes minutes s’écoulent ainsi. Moi, avançant au ralenti, l’autre, profitant sûrement de la situation pour me devancer.
Soudain, un bruit en provenance d’un bosquet à ma droite se distingue clairement. L’intégralité de mon être se tend, tout comme la corde de mon arc.
– Je te préviens, si tu ne sors pas tout de suite de là, je tire !
Ma menace doit faire son effet car, quelques secondes plus tard, un renard au pelage blanc s’extrait du bosquet. Un rire nerveux m’échappe. Ce n’était qu’un renard ? Sauf que l’animal ne me quitte pas des yeux. Ses yeux d’ailleurs, parlons-en ! Deux billes d’un vert profond me font face, étrangement humaines. Je déglutis. Qu’est-ce que c’est que ça encore ? Dans le doute, je ne baisse pas mon arme.
– C’est bon, je me suis montré, pas la peine de tirer.
Ma bouche s’entrouvre, mes yeux s’écarquillent. Mais qu’est-ce que… Devant moi, alors que je reste figée, le renard se dresse sur ses pattes arrière. Des pattes qui s’allongent. Et s’allongent encore. Pour former… des jambes. Le reste de son corps subit la même transformation et, très vite, ce n’est plus un animal mais un homme qui se tient là. Un homme adulte. Ou du moins, presque adulte. Je lui donnerais environ mon âge, ou peut-être un poil plus vieux. Un métamorphe. Ses cheveux, d’un blond polaire, font concurrence aux miens. Sa peau est beaucoup moins pâle néanmoins. Quant à ses yeux, tout comme sous sa forme canine, ils sont du plus profond des verts. À part cela, il porte un pull sans manche couleur miel, ainsi qu’une chemise et un pantalon brun.
Il vient de l’école Nova.
J’ai du mal à accepter cette information. C’est… irréaliste. Tout le monde sait que les mages de Nova n’ont pas eu accès aux cours préparatoires. C’est d’ailleurs ce qui les différencie de toutes les autres écoles. N’ayant pas reçu d’enseignement magique avant leurs treize ans, voire plus pour certains, il est de notoriété publique que leur puissance est limitée. Et la métamorphose est un don sacrément puissant ! En général, les étudiants de Nova sont surtout doués pour les runes, justement car elles ne nécessitent aucune prédisposition, seulement du travail acharné. Qui plus est, même dans les autres écoles, les métamorphes sont rares, encore plus que les médiums ou les enchanteurs. Certains prétendent qu’ils font partie de la catégorie des mages de l’esprit, dans la mesure où la faculté serait innée. D’autres envisagent l’hypothèse d’une quatrième classe de mages. Le sujet fait encore débat. Quoi qu’il en soit, la probabilité qu’un d’eux ait rejoint Nova est infime. Tout comme la probabilité que je me retrouve justement face à lui.
– Tu vas rester là à me menacer longtemps ?
Sa voix, presque chantante, me fait prendre conscience que je suis, effectivement, toujours en train de le tenir en joue. Je ne compte pas m’en excuser, même si je culpabilise un peu. Il ne m’a rien fait et est peut-être très gentil, mais je ne peux pas me permettre de baisser ma garde, ma sécurité est en jeu. Je ne veux pas risquer de finir comme… Le doux visage de mon ami s’impose à moi, je le chasse tant bien que mal.
– Ça dépend, dis-je, suspicieuse. Tu comptes m’attaquer ?
– Même si je disais non, tu ne me croirais pas.
Il marque un point. Cependant, je ne peux pas rester ainsi. Je perds du temps, un temps précieux qui pourrait nous coûter la victoire. Il faut que je trouve un moyen pour me débarrasser de lui.
– Je suppose que nous avons le même point de charge.
– Je suppose aussi. Tu comptes me tirer dessus pour m’empêcher d’y accéder ? Je te préviens, si tu fais ça, je serais obligé de répliquer.
Je soupire, j’en étais déjà venue à cette conclusion. Bien sûr qu’il ne se laissera pas arrêter aussi facilement. Sauf que ce mec est une montagne. Il doit faire deux têtes de plus que moi, et le double de mon poids. S’il parvient à me mettre à terre, je ne donne pas cher de ma peau.
– Ok, je te propose un deal, le métamorphe.
– J’ai un prénom.
– Et moi j’en ai rien à faire.
C’est faux, mais Calypso serait fière de cette réplique !
– C’est quoi ton deal ? soupire-t-il.
– Je te laisse partir, et en échange tu me fiche la paix au moins jusqu’au point de charge. Après ça, on pourra se taper dessus si ça te chante.
– Donc en gros, si j’ai bien compris, t’es prête à risquer la première place parce que tu as la flemme de te battre maintenant ?
Je grogne. À croire que c’est moi qui suis en partie animal… Je n’aime pas son résumé de la situation. Surtout qu’il est faux. Enfin en partie. Je n’ai pas “la flemme”, seulement j’ai conscience qu’il est probablement plus fort physiquement, et l’embrocher n’est pas une option, je ne suis pas un monstre. L’arc est simplement l’arme que je maîtrise le mieux et qui me coûte le moins d’énergie. Je pourrais trouver un autre moyen pour l’immobiliser, mais je crains qu’il ne se jette sur moi avant. Le mieux est donc de le laisser croire qu’il a gagné, et de le prendre par surprise plus tard.
– On va dire ça comme ça, finis-je par grincer.
– Pourquoi je te croirais ?
– Franchement ? Ne me crois pas si ça te chante. Mais ce n’est pas en restant là à se regarder en chien de faïence que l’on pourra remporter cette épreuve.
– Ok.
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WildFlower
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LiliJane
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Gottesmann Pascal
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Lu La Morinie
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Anna C
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Jill Cara et Louise B.
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