Fyctia
4.3 CALYPSO
Ah ? Ce n’est vraiment pas mon problème ? Je ne suis même pas sûre de pouvoir m’aider moi-même. Soudain, elle approche d’un pas, puis de deux. J’opte pour une position défensive à mesure qu’elle avance. Je ne veux pas l’attaquer mais j’ai confiance en mes pressentiments. À tout moment, je la ligote avec une liane.
– Calypso, dit-elle, sa voix à quelque chose de spécial. Ne joue pas à ça... Vous êtes les gentils. Tu es la gentille fille du gentil Ismael Du Lac…
C’est vrai. Mon corps se détend. Je ne suis même pas alarmée par le fait que Poéma est une enchanteresse, une mage de l’esprit.
…Poéma est une enchanteresse, une mage de l’esprit.
– Ton pouvoir est grandiose. Tu es la première de cette lignée à maîtriser la terre. Qui ne t’envierait pas aujourd'hui… J’ai besoin de ton aide, conclue-t-elle d’une voix envoûtante.
Incapable de répliquer quoi que ce soit, je tourne la tête, repose ma main sur le mur, clos mes paupières et puise la magie au fond de moi. Un fourmillement me parcourt toute entière, mes cheveux se dressent dans ma nuque et je visualise l’escalier que je crée pour elle, à même la terre boueuse. C’est elle qui me montre l’image de ce qu’elle souhaite. Ses pensées s’insinuent dans ma tête. Jamais je ne ferais une chose pareille ! C’est beaucoup trop d’énergie dépensée pour rien ! Tout au fond de mon esprit, une lutte s’installe.
Nous rouvrons les yeux en même temps. Je ne peux plus bouger. L'ordre pèse sur moi. L’opération a duré un certain temps, mon souffle est court mais je ne suis pas assez épuisée pour manquer le sourire narquois que Poéma me jette lorsqu'elle me passe devant et emprunte mes escaliers. Suivie de près par sa petite bestiole mécanique qui n’a pas manqué une miette de nos prouesses. J’enrage !! J’ai été manipulée par cette ignoble peste ! Ce qui est à mon avantage, c’est qu’elle ne pourra pas maintenir son sort trop longtemps, comme elle ne pouvait pas me forcer à avoir confiance en elle et à rester là en même temps. Cela doit lui coûter à elle aussi. Et à la seconde où je serai libre, je la rattraperai.
Elle s’éloigne. Je commence à compter les secondes qui nous séparent.
– 3…4…5…6…
Progressivement je retrouve ma mobilité et déjà, à la huitième seconde, je suis prête à repartir.
– Terre mère, accordez-moi encore de votre force. Vos faveurs vous seront rendues.
À nous deux, Poéma. Tu vas le regretter. Si j’ai déjà utilisé beaucoup de magie pour cette bêtise d’escalier, la colère et la frustration sont des moteurs qui m'ont souvent conduite à me dépasser. Ainsi, je tape deux fois du pied gauche et le sol tremble sous le choc. Ce sort est un de mes vieux trucs. En général, je l’utilise plutôt pour embêter mon monde. C’est cadeau, chère cousine. Sachant très bien ce qui l’attend de l’autre côté, je me permets de la rejoindre en trottinant. Si j’ai longtemps été complexée de ne pas être une mage de l’eau comme le reste de mon entourage, j’ai appris à aimer mon élément. Quand vous pouvez demander à une partie du sol de se mouvoir aussi vite que la personne qui le piétine, mais en sens inverse, croyez-moi, vous n’avez plus aucun regret.
– Quelqu’un me semble en difficulté… Oups.
Avant que le karma ne vienne s’occuper de mon cas, je m’empresse de clouer le bec de ma rivale à l’aide d’une liane reconvertie en bâillon. Ainsi, sous ses yeux rageurs – chacune son tour – je pose mon bâton sur la stèle prévue à cet effet. Enfin ! Plus qu'à le rapporter à Lyra !
– Ah, pour ma part je peux maintenir mes sorts assez longtemps… ce serait de l’anti-jeu de te laisser comme ça jusqu'à ce soir alors disons que nous sommes quittes.
Mon plus gros défaut ? L’orgueil, sans aucun doute. Bien avant ma capacité attentionnelle défaillante, ma proprioception douteuse... la liste n’est pas exhaustive. Mais là, nous sommes en pleine démonstration de ce qu’apporte trop d’orgueil. À peine Poéma libérée, elle se jette sur moi. Pas sur la stèle, non ! Sur ma personne ! Et c’est comme cela que je me retrouve à lutter contre une main qui essaye de m’arracher les cheveux. Je commence par tirer moi aussi l’une des ses tresses, cependant ce n’est pas une idée de génie. Je m’en voudrais de réduire à néant les efforts qu’elle a mis dans cette jolie coiffure protectrice, mais elle ne me lâchera pas comme ça. Ainsi je libère ses mèches et me dégage vivement. Si mon cuir chevelu pouvait hurler de douleur il le ferait, mais au moins elle n’a plus de prise sur moi. Une fois éloignée, je peux prendre assez d’élan pour la plaquer en beauté ! Le choc de son corps qui s’écrase à terre, amortissant ma chute, n'est pas sans me rappeler de vieux souvenirs. Je crois que c’est comme ça que j’ai séduit Lyra ! J’étais peut être un peu trop sauvage pour elle – il a fallu que l’on se batte dans la boue quelques fois pour poser les bases de notre relation – mais après tout, elle est restée. En revanche, je ne parierais pas là-dessus pour ma traîtresse de cousine.
– Sale garce ! Espèce de pourriture ! Barbare ! J’aurais pu gagner !
Une pluie d’insultes me tombe dessus. Notre Mana ne serait pas très fière. Alors que je m'apprêtais à la ligoter, j'ai la sensation déchirante de ses ongles plantés dans mes poignets. Par réflexe, je la relâche aussitôt et elle en profite pour me lacérer la joue.
– AAAAAH !! MAIS ÇA VA PAS ! T’ES COMPLÈTEMENT MALADE MA PAUVRE FILLE !
Clairement, je suis tombée sur une mauvaise perdante. Même moi, je réagis mieux à la défaite. Enfin ce qui est sûr, c’est que je m’estime moins déloyale. Je pense avoir atteint un point où la colère ne monte plus, j’ai juste la sensation que mes forces s’amenuisent, que le jeu n’est plus très drôle et qu’il est temps d’en finir. Alors je me relève tandis qu’une liane du diable pousse spontanément pour enserrer les bras et le torse de cette horrible concurrente. Elle riposte par un coup de pied bien placé avant que je ne sois trop loin. Lasse, je ne lui lance pas un regard. Elle a complètement planté son équipe en m’attaquant au lieu de profiter de sa liberté pour filer, et ce ne sera pas mon cas.
Le froid est de plus en plus insupportable, je termine forcément ma course à un rythme moins soutenu qu’au départ, d’autant que je boitille. Mais lorsque j'aperçois Lyra au loin, je me sens fière d’avoir repoussé mes limites. C’est aussi à ce moment que je romps la connexion avec ce qui sera – par décret officiel – mon dernier sort d’entraves de la journée ! L’autre n’a plus qu'à remuer un peu, je ne donne plus de force à mes plantes favorites.
Lorsque j’arrive au niveau de ma coéquipière, j’ai tout donné, si bien que j’arrive à peine à articuler un “bonne chance” à la dernière relayeuse de notre équipe. Je suis certaine qu’elle arrivera à s’en sortir. Et alors qu’elle s’en va déjà, une guérisseuse vient me chercher pour me ramener à la clairière. Enfin, que Madaleina soit louée, elle et les quatre éléments.
51 commentaires
LaMadelainedeProust
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Il y a 3 mois
LiliJane
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Il y a 3 mois
Anthony Dabsal
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Il y a 4 mois
LiliJane
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Il y a 4 mois
WildFlower
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LiliJane
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Gottesmann Pascal
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LiliJane
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Cécile Marsan
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LiliJane
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Il y a 4 mois