JOUR J

Pendant quinze jours, nous jouons à ce jeu dangereux, mais terriblement grisant.

Devant le reste du monde et au grand jour, nous nous détestons.

Et chaque nuit, nous nous retrouvons dans la chaleur de mes draps ou des siens.

Dans la sueur de nos corps en extase.

Dans la moiteur de nos peaux qui s’embrasent.

Dans le bonheur de nos cris étouffés.

Dans la passion de nos sexes emboîtés.

• Passe par derrière, ton père et ma mère sont absorbés par leur discussion devant la maison. Faufile-toi et rejoins-moi sur la promenade devant la grande roue, petite bombe. J’ai envie d’aller sauter dans les vagues avec toi. J’ai envie de te sauter tout court, d’ailleurs.

Je reçois ce sms à midi.

On est jeudi.

Je suis comme une folle.

• Je te veux si fort, moi aussi. A tout de suite, Wonder Wolf.

*

— Je te dis qu’il nous a vu, c’est obligé, paniqué-je.

— T’es prête à tout dire ? propose Wolf en m’adressant un clin d'œil et en soudant nos mains.

J’ouvre de grands yeux. Un immense sourire se forme sur nos deux visages.

— Avec toi, pour toi, je suis prête à tout.

Ok, je flippe, mais ce mec me donne des ailes.

Mains dans la main, nous courons dans les rues de Brighton Beach, à en perdre haleine. Essoufflés, mais heureux, nous ralentissons le rythme à quelques mètres de la villa.

— Je crois que les derniers jours que l’on vient de vivre valent mille vies rêvées, Wolf.

— Pour toi, Annie, je referai tout, exactement pareil.

Nos lèvres se scellent dans un baiser passioné.

Quand soudain, tout bascule.

Devant le grand portail, mon père, sa mère, plusieurs hommes de main nous attendent.

Les cris qui sortent de la bouche de mon père.

Les hurlements qui sortent de la bouche de sa mère.

Tout va très vite.

J’ai soudain peur.

Peur qu’il nous sépare.

Peur de ce qu’il pourrait lui faire.

Tout va si vite. Trop vite.

Le coup part.

*

En voulant se venger. En voulant détruire celui qui lui avait pris la prunelle de ses yeux, mon père avait appuyé et tout s'était arrêté.

*

Moi qui n’avais jamais eu de certitudes.

Je mourrais avec la plus belle.

Celle d’avoir aimé et de l’avoir été en retour.

Au-dessus de moi, les yeux sombres, plein de larmes, du beau-gosse de Coney Island à présent, m'assuraient de son amour véritable et éternel.

Tandis que la vie me filait rapidement entre les doigts, je fermais les yeux pour rejoindre le royaume des rêves dans lesquels j’avais toujours trouvé refuge.

Je grognais et devenais sans plus attendre la louve de mon Wolf.