Fyctia

JOUR J

Anastasia était complètement paniquée.

L'homme de main de la famille les avait vus, elle en était persuadée.

Il n’y avait aucune chance, vu sa loyauté, qu’il ne répète pas tout à son boss, le parrain de la mafia de Coney Island, son père.

Foutu Omertà.

Merde !

Il fallait qu'elle réfléchisse.

Et vite.

W glissa sa paume dans la sienne.

Elle n'avait jamais eu de certitudes dans la vie, mais là, elle savait.

Elle aimait pour la première fois de sa vie.

Sa vie en vrai.

Pas la vie qu'elle n’avait eu d’autres choix que d’imaginer depuis toujours.

Non, elle l’aimait vraiment, dans la réalité, ça, elle en était sûre.

Aussi sûre qu'elle savait que la tartine tombait toujours du côté confiture, que le réchauffement climatique précipitait la planète droit dans le mur, et que manger les framboises directement sur ses doigts était la chose la plus excitante qu’elle ait fait de toute sa vie…

Jusqu’à ces derniers mois.

Elle avait dix huit ans, à présent.

Wolf Peterson, dix-neuf, et c’était l’homme de sa vie.

Voilà, c'était dit.

Ça déplairait à son père ? Qu'à cela ne tienne, elle se battrait pour son amour.

De toute façon, elle n’avait jamais eu le droit de faire quoi que ce soit de peur qu'elle ne s'abîme, alors une chose de plus ou de moins. Elle était prête à prendre le risque.

Voilà l’aboutissement de sa réflexion.

“Pas touche à la fifille à son papa” était la phrase qu'il se plaisait tant à crier à tous les membres de son “business douteux”, depuis qu'elle était née. Cette horrible façon de l’appeler avait toujours eu le don d’exaspérer Anastasia, au plus haut point.

Mais elle ne lui avait jamais dit que sans sa tête.

Il allait avoir une sacrée surprise. Sa petite fille n’était plus une enfant.

Anastasia avait grandi dans une prison.

Dorée, certes, mais tout de même entre quatre murs.

Fille de Piotr et Natalia Wolinska, elle était ce qu'ils avaient toujours eu de plus cher.

Mais un drame avait tout changé.

Sa mère adorée les avait quittées, bien trop tôt, et son père ravagé par le chagrin s’était — pour oublier — remarié très vite, à une horrible bourgeoise peau de vache.... qui avait, elle aussi, un enfant.