Fyctia
Chapitre 5.1 Alessia
J’arrive en avance d’une vingtaine de minutes au rendez-vous fixé par Elion. Il m’a envoyé un message avec simplement une heure et un lieu. Le parc qu’il a sélectionné est à cinq minutes à pied du club, ce qui est un choix judicieux puisque l’entretien avec les sponsors est prévu à huit heures ce matin.
Le banc sur lequel je fais mes étirements grince à chacun de mes mouvements. J’étais déjà venue ici et pourtant quelque chose aujourd’hui me met mal à l’aise. Cela ne vient ni des feuilles qui bougent doucement au gré de la brise matinale, ni des passants pressés qui tentent de ne pas arriver en retard à leur travail, ni même des écureuils qui viennent grignoter les morceaux de nourriture qui leur ont été laissés. Je pense que le problème vient de moi en vérité, de cette pensée insidieuse qui grandit en moi depuis quelque temps et de ce rendez-vous avec le médecin que j’attends avec la boule au ventre.
« C’est lui qui décidera, Alessia. » Me répète mon père.
« Rien n’est figé, si tu dois faire une pause, ce n’est pas grave. » Ajoute souvent mon frère pour tenter de me rassurer.
Mais la réalité est là : si mon état de santé ne s’améliore pas, je vais encore devoir faire une croix sur des années de travail et aussi ridicule que ça puisse paraître, je ne suis pas sûre de le supporter encore une fois.
Une main posée sur mon épaule me fait sursauter, faisant disparaître mes idées noires.
– C’est comme ça que tu cours la chieuse ?
Elion porte son jogging habituel, je suis presque sûre qu’il en a un dans chaque couleur qui existe de cette marque. Son sourire aussi radieux que taquin me laisse de marbre, enfin presque.
– J’étais en train de m’étirer, je suis venue un peu avance.
– Hm, tu avais peur que je parte sans toi ?
Peut-être un peu, je ne peux pas me permettre de le lâcher une seule seconde jusqu’à ce que les sponsors soient repartis. Bien sûr, le club sera aussi avantagé s’ils choisissent Seth ou Marcus, mais mon père est convaincu qu’Elion pourrait aller plus loin et je ne veux pas qu’il regrette de m’avoir accordé sa confiance pour m’occuper de lui.
– Je craignais surtout que tu ne viennes pas.
– Pour que tu débarques encore chez moi ? Non merci.
D’un commun accord, nous commençons par faire quelques tours du parc. Elion part devant, et le rythme tranquille devient rapidement anarchique quand il décide de s’amuser à effectuer des accélérations et des arrêts brusques sans aucun but.
– Arrête, ce n’est pas du tout bon pour…
Le nouvel arrêt d’Elion me surprend au point que je ne termine pas ma phrase. Cette fois-ci, il ne repart pas directement.
– Détends-toi un peu. On court pour s’amuser, il n’y a aucun enjeu là. Pourquoi les choses doivent-elles. Toujours être aussi cadrées avec toi ?
Parce que sinon tout ce que l’on fait n’a aucun sens ? Je crois qu’il est bon de donner son énergie dans quelque chose qui a du sens et quand je le fais, je me donne à fond. Il est hors de question que je perde du temps à faire des choses inutiles juste parce qu’elles sont amusantes.
La suite de notre footing est un peu plus calme, le parcours d’Elion ne semble pas très préparé, mais il n’en est pas moins agréable, nous passons par de grandes avenues et des toutes petites rues, à côté d’un marché où des primeurs vendent des dizaines de sortes de fruits et de légumes différents installés en pyramide sur leurs étals, puis nous arrivons devant une école où les rires d’enfant ont laissé place au calme pour l’été.
Je dois parfois accélérer un peu pour tenir la cadence d’Elion, s’il n’a plus l’habitude de courir, il n’en reste pas moins un sportif de haut niveau et c’est très loin d’être mon cas. La première fois que je suis sortie faire un footing, j’ai cru mourir. J’avais les poumons en feu et mon cœur battait si vite que j’ai cru qu’il allait lâcher, mais j’ai recommencé le lendemain et j’ai commencé à aimer ça, au bout d’une semaine je n’avais plus la sensation d’être ridicule quand je courrai et un mois plus tard je n’arrivais plus à me passer de mes footings hebdomadaires.
Plus nous avançons, moins le chemin que nous empruntons m’est familier et je finis par ne plus du tout savoir où nous nous trouvons. Peu importe, nous allons devoir faire demi-tour pour arriver à l’heure pour les sponsors.
– Elion, on devrait retourner vers le club.
– Ok baby Al, mais avant on va faire la course.
Elion s’élance et aucune de mes protestations ne parvient à le convaincre de ralentir. Il me distance rapidement en bousculant quelques personnes au passage.
— C’est pas drôle !
Pour lui, si visiblement, il rit aux éclats. Il s’amuse comme si son destin ne se jouait pas aujourd’hui. Un enfant dans le corps d’un homme.
Je ne prends aucun risque pour le suivre donc il me distance rapidement, heureusement il est freiné par la circulation. Les voitures affluent en face de nous et il se retrouve coincé entre la route et moi. La seule échappatoire qu’il peut trouver est un muret derrière nous, qui mène à un terrain privé et sans doute sécurisé. Il n’hésite pas une seconde avant de courir vers le mur et de s’élancer au-dessus. Je le regarde avec un mélange de consternation et de colère. Je refuse de le suivre, et je me retrouve seule en plein milieu d’un lieu inconnu, le cœur lourd.
Je décide d’envoyer un message à Joe dans l’espoir qu’il puisse venir me chercher.
Je devrais sûrement plus me préoccuper de cette drôle de relation qu’entretiennent mon frère et mon amie d’enfance, mais ce n’est pas ma priorité actuellement.
Génial.
Je finis par retrouver mon chemin en demandant de l’aide à des passants. Le métro est bondé, je me retrouve serré entre une vieille dame qui tente désespérément d’obtenir une place assise et un jeune garçon avec une trottinette. Ça aurait pu être pire.
Quand j’arrive au club, la voiture de nos sponsors est déjà garée sur le parking. Seth est devant en train de fumer une cigarette.
– T’as raté le meilleur ma jolie.
– C’est à cause d’Elion, ce lâche est parti en courant. Il avait qu’à le dire s’il ne voulait pas gagner les sponsors.
Seth m’écoute en hochant la tête d’un air compatissant, un sourire amusé étire cependant le coin de ses lèvres.
– Il est en train de combattre Marcus. Les sponsors m’ont viré parce qu’apparemment je « connais » l’une de leurs filles. Tu devrais détendre Baby Al, ton protégé s’en sort très bien.
Elion n’est pas mon protégé. Et puis c’était quoi ce plan foireux ? Il avait prévu ça depuis le début, il a accepté de courir avec moi seulement pour pouvoir m’éloigner du club.
Furieuse, je passe la porte prête à en découdre avec lui, mais c’est alors que tout le monde se tourne vers moi.
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