Fyctia
EVAN
L’homme en noir détacha la corde et l’escorta à l’extérieur de la pièce. Evan agissait comme une marionnette, toutes ses facultés de conscience et de prise de décision avaient fondu depuis l’injection de ce produit, il se sentait vidé de sa substance. L’homme le précédait dans un interminable couloir au bout duquel une porte s’ouvrit. La lumière aveuglante éblouit instantanément Evan qui ferma les yeux. Lorsqu’il parvint à apercevoir le paysage, il s’aperçut qu’il se tenait sur une passerelle de bois face à l’océan. Il eut le temps de respirer l’odeur salée et d’apercevoir son immensité quand l’homme derrière lui le poussa brusquement. Les mains toujours menottées, Evan coula à pic.
Sans se débattre, il pensa à Énarué, Stefanie, sa mère, ferma les yeux pour ne pas avoir peur et laissa l’océan disposer de son corps et de sa vie.
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— Nous avons une alerte intrusion. L’intrus a été éliminé. Cependant un groupe de personnes a survécu sur le continent américain. Je vais relancer le protocole. J’en informe Saïn. Nous partirons ensuite remonter la piste des deux instrus et effacer les traces. Préparez-vous et attendez-moi à la navette !
Les cinq membres du parti obéirent instantanément et se dirigèrent en courant vers la zone de décollage.
De son côté, l’homme en noir entra dans une pièce vitrée pour informer Saïn des derniers événements.
— Saïn, nous allons devoir relancer le protocole sur le continent américain. Les colonies se sont rassemblées et nous avons une fuite de trois personnes. J’ai procédé à l’élimination d’un intrus il y a quelques minutes en le jetant dans l’océan, je vais maintenant m’atteler à effacer leurs traces.
— Nous ne pouvons pas prendre le risque d’une autre évasion, lança une voix douce et féminine. Je relance le protocole pour élimination définitive.
— Merci Saïn, je vous tiens au courant de l’évolution de la mission.
— Merci commandant Frost.
Le commandant Frost se hâta de rejoindre la navette. Il n’avait pas souvent eu l’occasion d’échanger directement avec Saïn, et la puissance qu’elle dégageait le bouleversait. Ses jambes ne cessaient de trembler durant tout le trajet vers le vaisseau, mais il s’efforça de retrouver son masque d’autorité au moment d’y pénétrer.
— Nous allons en Norvège, plus précisément à Tana Bru. Trouvez-moi la maison d’un nommé Gaspard, ordonna-t-il, le souffle coupé.
Quelques heures plus tard, le commandant frappa à la lourde porte de bois. Il était trois heures du matin quand Dorothy ouvrit la porte, le regard hagard. Les cinq membres du parti se déployèrent silencieusement dans la maison, tels des chats, pendant que le commandant tenait Dorothy en joue à l’aide de son W-Gun. Cette arme, inventée pour dompter les émeutes révolutionnaires des années 2500 avait grandement été améliorée au fil des années. Inconnue du grand public, elle n’était utilisée que sur l’île EILEAN pour assurer sa sécurité. Pas besoin de balles, uniquement de l’eau envoyée à très haute pression, ce qui en faisait un outil particulièrement économe, puisque les membres du parti pouvaient la recharger à n’importe quel point d’eau. La puissance des balles à eau pouvait être modifiée à tout moment et passer d’un simple coup de semonce à un tir mortel.
Le commandant avait actionné le niveau deux sur les quatre niveaux de son W-Gun, ce qui était déjà suffisant pour infliger une douleur terrible ainsi qu’une fracture. Lars, Eddy et Dorothy étaient menottés et bâillonnés sur le grand canapé turquoise. Le commandant Frost alluma une seule lumière et s’installa face à eux pendant qu’un membre du parti leur injecta le sérum de vérité.
— Je suis désolé de vous réveiller à cette heure tardive, mais voyez-vous, nous n’avons plus de temps à perdre. Je vais vous poser quelques questions. Soyez assurés que je vous laisserai la vie sauve si vous coopérez.
Avez- vous construit une navette sans la permission du gouvernement ?
— Oui, répondirent-ils tous en chœur.
— Avez-vous envoyé cette navette sur le continent américain ?
— Oui.
— Combien de personnes sont revenues du continent ?
— Trois personnes.
— Donnez -moi leurs noms !
— Énarué, Mérin, Evan.
— Où sont-ils à présent ?
— Nous savons qu’ils sont partis à Helsinki, chez notre contact Ans, répondit Lars.
— Avez-vous des nouvelles depuis ?
— Oui, mais ils ne nous ont pas donné leur localisation, répondit Dorothy.
— Très bien, je vous remercie de votre coopération, dit-il mielleux, en passant de la position deux à la position quatre et en tirant sur leur tempe à bout portant, projetant du sang sur les rideaux et le tapis.
— On y va ! hurla-t-il à son escouade.
La navette décolla à la verticale dans un fracas assourdissant, le vent tourbillonna autour d’elle et emporta les souvenirs des trois corps laissés seuls et sans vie sur le grand canapé turquoise. Le jour se leva pourtant, indifférent à la récente tragédie. Le soleil illumina le vaste salon ainsi que leurs bracelets qui clignotaient encore et indiqueraient pour toujours la même position géographique.
— On prend la direction d’Helsinki, lança-t-il.
Le commandant Frost alluma son HoloCom et composa le numéro de Saïn. Sa voix suave mais déterminée emplit la navette, tous les membres du parti cessèrent un instant de respirer.
— Nous avons terminé la phase une. Nous nous dirigeons actuellement vers Helsinki pour la phase deux. Nous nous rapprochons de l’objectif, je vous tiens informée.
— C’est noté, dit Saïn. Le protocole a été lancé et fonctionne de façon nominale de mon côté.
— Très bien, je vous rappelle au plus vite.
Il était sept heures du matin lorsque la navette se posa à quelques mètres de la maison d’Ans et Ursula. Quelques badauds s’arrêtèrent pour contempler ce gigantesque appareil descendu du ciel. C’était la première fois qu’ils voyaient une navette volante et la fascination se lisait sur leurs visages. Les membres du parti leur firent signe de s’éloigner et avancèrent en position serrée jusqu’à leur objectif.
Ursula laissa tomber sa tasse de thé sur le sol, qui se brisa en mille morceaux. Son sang se glaça sans qu’elle ne comprenne pourquoi, elle s’approcha de la baie vitrée et poussa un hurlement en apercevant les membres du parti. Ans courut vers elle pour la protéger de son corps, en vain. À peine une fraction de secondes plus tard, ils avaient brisé la grande baie vitrée et les avaient ligotés sur des chaises. Ursula eut quelques secondes pour se concentrer, faire le vide dans son esprit et se répéter un seul mot à destination d’Énarué : FUYEZ ! Elle parvint à visualiser précisément les airs d’Énarué, se focalisa sur son premier air et lui répéta ce mot comme un mantra. Quelques instants plus tard, le commandant Frost lui injecta le produit et le signal fut rompu.
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