Fyctia
Pa fè m'sa (3)
— Mon inconnue R.
Je suis censée lui répondre « ma solution D », un peu comme avec les équations mathématiques. C’est de cette façon que nous nous sommes désignés à la supérette d’Angela, parce que joueuse, je n’ai pas voulu lui donner mon prénom, bien qu’ayant accepté son numéro de téléphone. Sauf que cela ne m’est plus permis. Il ne s’appelle pas Dwayne, est fiancé, père et dorénavant, m’apporte plus de douleur que de douceur.
Je tremble quand les effluves virils et délicieusement sauvage de son corps forcent l’entrée de mes narines. Ils trainent avec eux un courant électrique de haute tension. Difficile de ne pas céder. Impossible de ne pas pleurer.
— Des nuits sans importances, hein Rockalili ? Tu trembles. Tu trembles comme au premier jour.
Le cerveau embrumé par toute cette déferlante d’euphorie, je perds même mes facultés les plus élémentaires. Il presse le poignet et nous pousse à l’intérieur du bureau, me plaque contre sa porte et se jette sur mes lèvres, affamé et féroce. Et là, tout se calme en moi. Fin du supplice, fin de la saison sèche, fin de la soif. Je revis, ressuscitée par le goût de menthe givrée que portent ses lèvres charnues, onctueuses, juteuses. Je gémis contre celles-ci, accrochée à son t-shirt comme à une bouée de secours, torturée autant par sa langue experte que ses mains agiles et habiles.
Dwayne… cri mon cœur, meurtri, soulagé, retourné. Mais ce n’est pas Dwayne, et ce simple rappel me ramène haletante et belliqueuse, sur terre… Malheureusement.
— Non, tu ne peux pas faire ! Tu ne peux pas me faire ça ! Bon sang, qu’est-ce que j’ai fait ? sangloté-je finalement, en martelant son torse de ridicules coups de poings. Va-t-en ! Tu es déjà sorti de ma vie, alors sors d’ici !
— Rockalia…
— Ça t’amuse de savoir que tu me fais toujours de l’effet, n’est-ce pas ? Tu es venu réparer ton égo, pas vrai ? Voilà, c’est fait, maintenant tu dégages !
J’ai de l’eau en ébullition plein les yeux, la honte plein la tête. Je vois trouble, m’interdis de penser.
— Je suis peut-être facile, mais je ne couche pas avec les fiancés des autres ! Fiche le camp ! Fiche le camp d’ici !
Il finit par me maintenir sous contrôle, les paluches refermées autour de mes bras ballants. Ses cornées éjectées de sang entourent ses iris éteintes, me décochent un pincement au cœur, lorsqu’il me supplie de lui prêter attention.
— Je ne t’ai jamais vue de cette manière.
— Pourtant c’est bien comme ça que vous appelez tous, une fille qui se laisse défoncer le cul le premier soir. C’est aussi pour ça que tu n’as eu aucun remord cracher sur ta promesse et à me mentir tout en me regardant droit dans les yeux. Je suis célibataire, je suis mécano et j’habite à L.A, et où je te retrouve ? (Je renifle la morve en train descendre à l’intérieur de mon nez) Je ne me leurre pas. Je sais très bien à quel type de femmes on réserve ce genre de traitement…
— Laisse-moi t’expliquer Rockalia.
— D’abord tu me lâches ! Tu me répugnes.
Il grimace, j’ai été suffisamment méchante. Il s’exécute par la suite, frotte ses grandes mains sur visage, puis réajuste son blouson d’aviateur de la même couleur que son t-shirt noir. Je me sens très vite dominée par sa prestance féline et recule d’un pas pour m’en soustraire.
— Tu es en colère, et tu en as tous les droits. Mais…
Toute ma haine m’explose à la figure. Je ne m’étais pas rendue compte de l’ampleur de celle-ci. Il aura apparemment fallu qu’il tente de s’excuser pour que tout remonte en surface. Mais c’est comme je l’ai décidé, je ne veux plus pleurer.
— Nicole, c’est ta fiancée, pas vrai ?
— Oui, mais…
— Tu es père, n’est-ce pas ?
— Aussi, confirme ce dernier, mais…
— Rien du tout Dwayne… Tu ne t’appelles même pas Dwayne, gémis-je une fois de plus, malgré moi. Tu t’appelles Addis, inspiré-je avant de me couvrir brièvement la bouche, dans l’espoir de retrouver de la contenance. Tu as une famille, alors respecte-toi. Respecte-moi. Et si parce que mon comportement dans le passé t’a laissé l’image d’une fille de petites mœurs, tu n’y arrives, dans ce cas respecte Billy. Tu comptes pour lui, tu es vertueux d’après ce qu’ils disent tous ici. Ne salit pas cette image-là et laisse nos erreurs dans le passé.
— Je ne t’ai pas oublié Rockalili.
Et ses yeux se plissent de ferveur. Et mon cœur bondit, ça aurait plus être la plus belle déclaration au monde, en d’autres circonstances, sous d’autres cieux. À l’instant, je n’y vois que du baratin, de la moquerie, de la cruauté.
— Une année s’est écoulée. Seize fichus mois ! beuglé-je en tirant sur chaque mot, défigurée par mon chagrin. Tu es quand-même sacrément culoté d’être là à me tenir ce genre de discours. Et si je n’étais pas venu
D’un geste nerveux il retire sa casquette de son crâne, puis avale sa lèvre inférieure. Il semble en détresse, j’ai peur de m’y fier.
— Je t’aurais retrouvé. Je te le jure. Rien de tout ça n’était prémédité, bégaie-t-il soudain, je n’ai jamais pensé que je tomberais sur toi. Tu n’as pas été un coup d’un soir pour moi, ni une passade, je l’ai su au premier regard. J’allais revenir, je te le promets. Ça a compté notre histoire.
Les foudres de l’amour atteignent à nouveau leur cible, des lueurs d’espoirs clignotent. Mais ma peine est plus grande encore, ma peur, monstrueuse et ma rancœur, himalayenne. Comment aimer après une telle trahison ? Comment refaire confiance ? Par-dessus tout, comment briser une famille, quand j’ai pleuré toute ma vie le départ d’un père ? Moi qui je saigne encore du cœur de le voir heureux auprès de celle qui n’est pas ma mère et d’une autre qui n’est pas moi ?
— C’est trop tard Addis. Beaucoup trop tard. Je ne suis même pas sûre que tu sois prêt à quitter ta femme pour moi, mais même ça je ne te le demanderai jamais. Et puis, comme je te l’ai dit la dernière fois, je ne suis plus disponible. Le mieux c’est que tu n’en ailles.
— Accorde-moi une chance.
Je secoue la tête et entame la marche arrière, brisée d’avance de devoir dire adieu cette fois à mon amour perdu, quoiqu’en réalité, je ne l’ai jamais eu. Qu’il est beau ! Au milieu de tout ce luxe, je ne vois que lui de précieux, (une belle erreur !) avec sa mâchoire carrée légèrement pilleuse, son nez camus rendu unique par la cicatrice dans le creux de sa narine gauche, son front barré à jamais de deux rides d’inquiétudes, ses yeux d’une noirceur splendide, et ses lèvres boudeuses, de la couleur sa peau ébène au-dessus, violacée en dessous —mon péché, j’ai de quoi le justifier.
— Mwen rennemou men li pa itil. Ou pa pou mwen. Ou pa janm fè pati de mwen, murmure ma bouche comme lui recommande mon cœur, sur ma raison qui l’emporte au final, puisque j’ouvre aussitôt la porte et coure comme une dératée loin de là, de lui.
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Lordd
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