Fyctia
#6 - Repas de famille
Carlotta terminait de préparer le repas. Une bonne odeur de bourguignon envahissait la cuisine. C'était un plat qu'elle affectionnait tout particulièrement de préparer. Elle s'éloignait souvent de la recette originelle, aimant jouer avec les saveurs et les couleurs quand elle cuisinait, mais elle en gardait le principe du mitonnage à feu doux et du vin comme ingrédient essentiel.
Ce matin, elle avait sorti les derniers morceaux de viande qui restaient dans le congélateur, les avait disposé sur une assiette et avait placée celle-ci sur le rebord de la fenêtre pour qu'ils décongèlent naturellement aux rayons doux de ce soleil printanier.
Elle avait pris l'habitude de cuisiner ces plats ancestraux lorsque son mari, grand chasseur, avait commencé à lui ramener de la viande après ses battues. Il vidait et éviscérait les carcasses dans le garage avant de lui passer les différents morceaux qu'elle redécoupait pour les congeler.
Les flammes léchaient les contours de sa cocotte en fonte dans laquelle elle avait mis à fondre une bonne dose de beurre, avec un peu d'huile pour éviter qu'il ne roussisse. Lorsque le mélange commença à sentir la noisette, elle y jeta ses morceaux de viande pour les dorer légèrement. Lorsqu'elle jugea leur couleur parfaite, elle ajouta un peu de farine. Cet ingrédient, astuce transmise par sa grand-mère en son temps, aidait à lier la sauce et à lui donner une belle texture fondante sans recourir à des artifices industriels.
Elle sala, poivra et ajouta une petite pointe d'un mélange d'épices - curry, cannelle et cumin - qui magnifierait son plat. Les épices était sa petite note personnelle, celle qui sublimait ses préparations. Ce jour-là, elle avait choisi du cidre pour accompagner son mitonné. Ces morceaux, plus goutus, se marieraient bien avec cet alcool plus doux, qu'elle versa entièrement dans la cocotte.
Lorsque le liquide ambré commença à montrer les premiers signes d'ébullition, elle baissa le feu, couvrit son plat et régla la minuterie sur 45 minutes.
Pendant ce temps, elle prépara les mojettes qu'elle avait mis à tremper la nuit précédente. Après les avoir égouttées, elle les plaça dans une casserole, y ajouta quelques rondelles de carottes et une boule à thé emplie de thym et de laurier. Elle mouilla le tout avec un peu de sauce de l'estouffade et compléta avec un peu de bouillon qu'elle préparait elle-même avec les morceaux les moins nobles des proies de son mari.
-- Timothée ! Vient mettre la table ! cria-t-elle à son fils aîné qui jouait dans le jardin.
Timothée, sans rechigner, pour une fois, répondit au premier appel de sa mère et vint placer les quatre assiettes, couverts et verres sur la table extérieure.
Le repas fin prêt, la famille s'installa pour savourer ce plat dont l'odeur laissait présager un festin. D'ailleurs les estomacs des uns et des autres commencèrent à émettre les sons caractéristiques de la faim et la salive affluait dans les bouches impatientes.
- Bon appétit à tous ! chantonna-t-elle après avoir servi son bourguignon revisité à chacun.
Le repas était ce moment qu'elle appréciait parce qu'il regroupait toute la famille. Elle tenait particulièrement à ces échanges sur tous les sujets qui ne manquaient jamais d'être lancés. Les enfants n'étaient jamais exclus des discussions auxquelles ils pouvaient apporter leur avis. C'était également l'occasion pour eux d'aborder des sujets plus délicats du quotidien. Entre deux mastications, elle entendit son plus jeune fils - Thibaut - marmonner.
- J'aime pas grand-père moi !
Cette remarque l'interpella, pourtant son père était un homme remarquablement tendre. Il est vrai qu'au fil des mois, il était devenu plus dur et elle pouvait comprendre que cela ne plaise pas toujours à ses enfants.
- Bah pourquoi Thib' ? essaya de comprendre Timothée
- Moi non plus je ne l'aime pas beaucoup, t'as raison Thib', confirma leur père. Il ne s'est vraiment pas bonifié avec le temps.
- Ah tu vois Maman, ya pas que moi qui l'aime pas ! repris Thibaut grisé par l'intervention de son père.
N'y tenant plus, vexée de ces remarques déplaisantes, elle s'emporta:
- Eh bien si vous ne l'aimez pas, laissez-le sur le côté et ne mangez que les haricots, bon sang !
___________________________________________________________________________
Et la blague d'origine:
(à la fin pour ne pas gâcher le plaisir de la lecture ;) )
-Maman, maman, j'aime pas grand-père!
-Ça ne fait rien: pousse le sur le bord de l'assiette et mange tes haricots
6 commentaires
Coralie D
-
Il y a 5 ans
Crystaldelune
-
Il y a 5 ans
Jean-Marc-Nicolas.G
-
Il y a 5 ans
Crystaldelune
-
Il y a 5 ans
Spreutel
-
Il y a 5 ans
Crystaldelune
-
Il y a 5 ans