Fyctia

« L’acceptation de soi nous libère des opinions des autres. » (Louise HAY)

Nous y sommes enfin. J’ai l’impression d’avoir redouté autant que j’ai attendu ce moment tout l’été. Le concert piscine. J’ai l’impression que ce concert va, à lui seul, décider de l’avenir. Pour notre groupe, il peut être un accomplissement après des années d’insultes et de moqueries ou, au contraire, nous faire retomber dans les méandres de la colère et de la honte de soi. Je n’ai jamais été aussi stressée et je ne suis pas la seule. Bruno se ronge les ongles et Justine ne cesse de toucher ses cheveux. Christophe enlace enlacer sa chérie et lui répète que tout ira bien.

- Sérieux Ariana, dit Bruno, pourquoi n’as-tu pas accepté l’offre de Marc ? Il a proposé d’annuler le concert piscine et d’en donner un classique à l’intérieur.

- C’est très étonnant de sa part, et pour tout te dire j’ai été tentée d’accepter. Il y a quelques jours, j’aurais dit oui sans hésiter. Mais je veux me prouver, nous prouver, qu’on peut le faire. Ce concert, c’est notre renaissance. Vous réalisez le chemin parcouru depuis ce concert de l’enfer devant ces connards boutonneux ? Nous pouvons être fiers de nous, aujourd’hui. Peu importe ce qu’il se passe après. Moi, je suis fière de vous.

Mes trois amies me regardent, un sourire aux lèvres. Même Bruno. J’espère que Valentin regardera la vidéo d’aujourd’hui, il était là lors de ce concert catastrophe.

- Tu dis ça pour te convaincre ou nous convaincre ? me demande Bruno.

- Les deux.

Il me sourit d’un air complice et ça me fait chaud au cœur.

- Tu penses que tu arriveras à me pardonner, un jour ? je lui demande.

Il soupire. J’ai le fol espoir que lui et moi arrivions à retrouver cette belle amitié, si chère à mon cœur.

- Ça prendra du temps, Ariana. Je t’aime et ça ne disparait pas comme ça.

- Mais tu vas essayer ?

- Oui, je vais essayer, dit-il en me prenant la main.

Je souris et l’enlace. La voix de Marc retentit et c’est l’heure d’y aller. Je resserre ma robe bustier violette autour de moi et pense à Jacob et à notre entraînement dans la serre. Ça me parait remonter à une éternité. J’espère qu’il sera là. La foule nous applaudit et nous montons sur la scène improvisée devant la piscine. Il fait bon en cette lumineuse soirée d’été, le soleil est encore bien présent. J’ai l’impression qu’il y a plus de monde que d’habitude. Le stress monte d’un cran. Je pense à mon maillot de bain parme et je prie pour qu’il soit bien ajusté et ne se détache pas.

- Bonsoir à tous, merci d’être si nombreux, dis-je d’une voix que je veux assurée. Ce concert est très important pour nous, car c’est le dernier de l’été et c’est aussi le plus…original. Avant de commencer, nous tenons à remercier Marc Boudoir, David et le personnel de l’hôtel pour nous avoir permis de vous faire danser tout l’été. Nous n’aurions pu rêver mieux comme opportunité.

Je trouve Marc dans la foule, à côté de sa femme et il… sourit ? C’est la première fois que je le vois sourire ainsi. Je cherche Jacob du regard et mon cœur se serre quand je ne le vois pas. Je sens mon courage s’envoler. Pourquoi n’est-il pas là ? Je réalise que le public attend qu’on commence et je tente de me ressaisir.

- Nous allons commencer par une nouvelle composition, spécialement créée pour l’occasion.

Les notes rythmées de la chanson résonnent sur la guitare de Bruno et je commence à chanter. C’est la chanson que Jacob a eu l’occasion de découvrir en avant-première. Je me laisse porter par la musique mais au moment où nous avons prévu de dévoiler nos maillots de bain, l’angoisse s’empare de moi. La chanson n’arrive plus à me porter et je transpire, mes mains tremblent sur le micro. Je me tourne vers Bruno qui m’interroge du regard. Je prends conscience de tous ces gens devant moi, dont la plupart ont leur téléphone en main. Tout ça va finir sur les réseaux…mes formes affichées en plein jour, mes poignées d’amour, mes vergetures…non, je ne peux pas…J’essaie de rester concentrée sur le rythme de la chanson mais c’est difficile. J’ai l’impression de suffoquer. Bruno vient à mon secours en chantant avec moi mais ça ne suffit pas. C’est fichu, j’ai les mains serrées sur le bustier de ma robe mais je ne parviens pas à le baisser…je suis en train de gâcher les chances du groupe. Quand tout espoir semble perdu, je l’aperçois. Il avance parmi la foule pour se placer devant la scène. Jacob. Il me regarde de ses beaux yeux bleu gris et me sourit. Le poids qui m’accablait s’allège et mon cœur s’apaise. Je lis sur ses lèvres :

- Tu peux le faire, Ari.

Je me redresse et recommence à chanter avec plus d’entrain. Je reste concentrée sur lui et retire ma robe bustier pour dévoiler mon corps. Le groupe en fait de même et nous finissons la chanson. Le public danse mais je ne regarde que lui. Ce que je lis sur son visage me rassure et me donne l’envie de me dépasser. Il n’a plus l’air en colère, il me regarde avec tendresse et fierté, en souriant. La chanson se termine et le public nous applaudit. Je respire de nouveau. Les téléphones sont toujours braqués sur nous mais c’est plus supportable. Quand il est là, j’ai l’impression de pouvoir tout affronter. Nous enchainons sur une autre chanson rythmée et je remarque deux personnes derrière Jacob…mes parents ! Ils ne sont pas clients de l’hôtel, mais ils sont là. Je suis tellement contente ! Ma mère me regarde avec fierté et amour et les yeux de mon père brillent d’admiration. Derrière eux, je remarque également un groupe de jeunes femmes qui tiennent des pancartes. Jacob suit mon regard et se décale pour que je puisse lire ce qu’il y est inscrit. Je sens les larmes affluer quand je lis « Balance ton poids ». Ce sont des abonnées de notre page Instagram ! Je me tourne vers Justine qui me sourit, émue. A cet instant, je ne pense pas à mon anonymat, tellement je suis heureuse et fière de chanter devant elles en maillot de bain. J’ai envie de prouver à ces femmes que tout est possible et qu’elles peuvent tout affronter. La chanson se termine. Je prends la parole, la voix enrouée par l’émotion :

- Merci de votre enthousiasme, cher public. Je remercie chaleureusement certaines personnes d’être là ce soir. Elles se reconnaîtront.

Je sais que ces femmes ne souhaitent pas que j’attire l’attention sur elles, tout comme mes parents qui sont pudiques.

- La prochaine chanson est a capella et s’adresse à une personne en particulier, en guise de cadeau et d’excuses. Je l’ai écrit pendant une semaine idyllique, après un instant sur une coiffeuse.

Le public ne va pas comprendre mais le principal, c’est que lui comprenne.