Fyctia
Chapitre 7 - JACOB
« Une femme pardonne tout, excepté qu’on ne veuille pas d’elle » (Alfred DE MUSSET)
Quel idiot ! Je me suis vraiment comporté comme un goujat avec Ariana. J’ai été un piètre dragueur et un vrai con. Pourquoi je n’arrive jamais à faire les choses comme il faut ? J’ai la soudaine envie de frapper, de me frapper. Je ne peux plus me supporter quand je suis comme ça. Le groupe remonte sur scène et la voix d’Ariana m’hypnotise de nouveau. Sa chanson parle d’un amour ancien qui lui a fait du mal et d’une colère teintée de tristesse à cause d’un homme. Je me sens comme un imbécile…est-ce de moi qu’elle parle dans cette chanson ? En tous cas, elle me fixe. Je relativise en me disant que cette histoire date du collège. Si je suis concerné, c’est un peu bizarre et je ne pensais pas que ça l’avait autant atteint. A l’époque je sortais avec Charline, sa meilleure amie (et actuelle principale du collège). J’avais plus ou moins compris qu’Ariana était amoureuse de moi. Je l’ai toujours défendu face aux moqueries des autres car je détestais les moqueries, surtout sur le physique. Je déteste toujours sauf que maintenant je frappe ceux qui se moquent. Ariana ne m’attirait pas à l’époque, c’est certain, alors que maintenant, je n’arrive pas à détacher mes yeux d’elle. Je veux parler avec elle, je veux la sentir près de moi…et plus si affinités. Mais pour ça, il va falloir que je m’y prenne autrement. Le groupe enchaîne sur plusieurs chansons. Ils sont bons et leur musique est vraiment entraînante. Quand le concert se termine, je me faufile discrètement derrière l’estrade dans ce qu’on pourrait appeler des coulisses. Je trouve Ariana assise sur une chaise, son pseudo garde du corps de tout à l’heure à côté d’elle.
- Qu’est-ce que tu fous ici ? me dit-il. Tu n’as pas le droit d’être là.
- Les règles et moi, on n’est pas copains. Je veux juste parler à Ariana.
- Je crois qu’elle n’a pas envie de te parler.
- Je crois qu’elle peut s’exprimer elle-même sur ce qu’elle veut.
Bruno regarde Ariana qui hoche la tête.
- Je ne suis pas loin. Appelle si tu as besoin.
Il me dévisage et sort, sans fermer la porte.
- Tu as cinq minutes Jacob, me dit-elle.
- C’est ton copain le rottweiler ?
Je crois apercevoir l’ombre d’un sourire sur ses lèvres.
- Ce n’est pas un rottweiler et ce n’est pas mon copain…pas encore.
Une frustration soudaine m’envahit. Il faut que je me calme. Je n’ai aucun droit sur elle et ses relations. Je m’assoie sur la chaise près d’elle.
- Je suis désolée, Ariana. J’ai été un vrai con.
- Décidément, on ne se voit pas pendant neuf ans et en une soirée, ça fait deux fois que tu t’excuses.
- Je le ferai encore pour te montrer que je suis sincère. J’ai vraiment du mal à contrôler ce que je dis et à gérer mes émotions.
Elle me regarde et je remarque que ses yeux sont magnifiques. Ils sont en amande, verts émeraude avec une pointe d’or en son centre. D’habitude, je ne m’attarde jamais sur ce genre de détails.
- Tu as changé Jacob. Je me souviens de toi comme un garçon doux, gentil et toujours prêt à défendre la veuve et l’orphelin. Je ne me souviens pas d’un garçon en colère et hautain. Mais tu n’avais que quinze ans à l’époque. Le temps a passé.
Je soupire. On ne se connait pas assez pour que je lui raconte mes problèmes de famille. Je ne veux pas qu’elle ait pitié de moi. Pour moi, rien n’est pire que la pitié.
- Il s’est passé beaucoup de choses en neuf ans, lui dis-je simplement.
Elle ne cherche pas à creuser plus et je l’en remercie. Je suis pris d’une envie soudaine et prends sa main dans la mienne. Elle a la peau très douce et ce simple contact provoque une vague de chaleur en moi. Et je me sens bien. Je la regarde de nouveau et je remarque qu’elle rougit. Je ne la laisse pas indifférente. Je décide d’en profiter.
- Ariana, j’ignore si nos chemins se croiseront de nouveau, même si j’aimerais beaucoup. Mais si ce n’est pas le cas, accepte de passer le reste de la soirée avec moi. Je te montrerai que je peux encore être le garçon gentil et attentionné que tu as connu.
On m’a souvent dit que j’étais un beau parleur mais, pour une fois, tout ce que je viens de dire est sincère. Je peux sentir son hésitation.
- Je ne sais pas trop. J’ai promis au groupe de fêter cette réussite ensemble.
- Tu pourras le faire demain et tu as toute la vie pour le faire. Alors que ce sera peut-être la dernière fois qu’on se verra. Tu vis toujours à Montpellier ?
- Non, le groupe et moi, on vit en colocation à Marseille. On avait besoin de s’éloigner un peu de cette ville. Et toi ?
- Oui, je ne vis pas loin de chez mes parents. S’il te plaît, lui dis-je en serrant plus fort sa main. Tu ne le regretteras pas.
- Ça tu n’en sais rien.
- Non mais comme le dit si bien Helen Rowland, « Les folies que l’on regrette le plus sont celles…
- …que l’on n’a pas commises quand on avait l’occasion, » finit-elle. Monsieur est un littéraire ?
- Possible, dis-je en riant, je retiens surtout les proverbes qui ont du sens pour moi.
Je vois dans ses yeux que je l’ai convaincu. Elle se lève et je suis déjà nostalgique de son contact.
- D’accord, Jacob. Une seule soirée et après on ne se voit plus.
- Plus du tout ?
- C’est sûrement débile et bizarre, mais c’est très dur pour moi de te voir aujourd’hui et que tu me « courtises ». Cela remonte à longtemps mais tu as vraiment été le premier garçon pour qui j’ai eu de vrais sentiments, même si je n’étais qu’une adolescente. Je crains que tu ne t’intéresses à moi que parce que j’ai perdu du poids et que tu me fasses souffrir de nouveau. C’est comme ça. Alors c’est une seule soirée ou rien.
Ses paroles me bouleversent et même si ça ne me plait pas, je vais accepter cette condition.
- D’accord, il peut se passer beaucoup de choses en une soirée.
Je l’aide à enfiler son gilet blanc. Son odeur de rose emplit mes narines et j’ai beaucoup de mal à résister à la tentation de me rapprocher d’elle. Je ne sais pas si c’est voulu, mais elle enfile très lentement son vêtement, le faisant remonter délicatement sur ses épaules.
- Merci, me dit-elle, où veux-tu aller ?
- Où le vent nous portera, lui dis-je d’un air mystérieux.
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