Fyctia

« Un leader est un sauveur qui a l’humilité de ne pas le crier sur tous les toits. » (Patrick Louis RICHARD)

Les élèves envahissent les couloirs et j’entends déjà la voix nasillarde de Baptiste, le plus gros trou du cul que la terre ait connu.

- Alors grosse vache, toujours la première à squatter devant la salle ?

J’encaisse, comme d’habitude.

- Qu’est ce tu notes dans ton pauvre cahier ?

Je le serre contre moi, pour le protéger et me protéger.

- Ça ne te regarde pas, je lui dis.

Mon assurance me surprend parfois. A l’intérieur, je suis en train de mourir.

- On fait la rebelle ? Tu vas le regretter !

Il m’arrache le cahier des mains. Les autres élèves de la classe rient. J’ai les larmes aux yeux. Je repère Charline qui me sourit tristement. Je ne lui en veux pas, que voulez-vous qu’elle fasse ? L’effet de groupe est toujours plus fort.

- Rends-le-moi ! dis-je en essayant de l’attraper.

- Raté ! dit-il en mettant le cahier au-dessus de son mètre soixante-huit. Essaie encore, ça te fera faire du sport gros sac !

Je connais bien ce mélange de honte, de colère et de tristesse qui monte en moi. Je me sens incroyablement seule. Baptiste ouvre mon cahier et lit mes paroles de chanson. Mon trésor. Il me dévisage :

- Tu écris des chansons, toi ?

- Oui, je murmure.

Il s’esclaffe, tout comme le reste de la classe.

- Tu veux devenir une star, Ariana ? Tu sais que les hippopotames passent mal à la télé ?

Cette fois, les larmes coulent, je ne peux pas les retenir. Il détruit mes rêves en une seule phrase. Je ne pense qu’à m’enfuir mais mon corps semble incapable de bouger.

- Rends moi mon cahier, c’est mon anniversaire…

Je ne le dis jamais à personne d’habitude, mais j’espère qu’aujourd’hui ça empêchera un malheur.

- C’est ton anniversaire ? me dit Baptiste. Alors, je ne vais pas déchirer ton cahier. Je vais juste…le fracasser contre le mur.

Il le lance et toutes les feuilles volantes s’en échappent. Je sens mon petit cœur exploser. J’essaie d’ordonner à mes jambes de bouger pour aller le ramasser. Quelqu’un me devance. Je ne l’ai pas vu arriver. Personne ne l’a vu arriver.

- Qui t’es toi ? lui demande Baptiste.

Je relève la tête pour remarquer le plus beau garçon que je n’ai jamais vu. Avec mon physique et les cons qu’il y a au collège, je ne me suis jamais vraiment intéressée aux garçons. Mais celui qui se tient devant moi est vraiment beau. Teint bronzé, yeux bleus tirant sur le gris, cheveux bruns légèrement longs. Sa présence impose le respect surtout qu’il nous dépasse tous d’une tête. Lentement, il se baisse pour récupérer mon cahier et ses feuilles.

- Laisse ça par terre, lui dit Baptiste. Ce gros tas n’en vaut pas la peine.

Je ne supporte pas qu’il me mette la honte devant ce garçon, qui semble être un nouvel élève. Il ne l’écoute pas et s’approche de moi.

- Je pense que c’est à toi, me dit-il d’une voix grave.

- Euh…oui. Merci.

Il me tend mon cahier.

- Garde-le précieusement, me dit-il. Et ne laisse personne lire ce que tu écris. Ça n’appartient qu’à toi.

Je reste bouche bée, tandis qu’il passe devant moi pour entrer dans la classe que le prof a ouvert entre temps. Je retrouve un semblant de voix pour lui demander :

- Qui es-tu ?

Il se retourne et me sourit :

- Je m’appelle Jacob. Je suis nouveau.

Il entre dans la classe. Les autres élèves ne bronchent pas et le suivent. Baptiste me lance un regard mauvais mais ne dit rien. Charline s’assoit à côté de moi. Elle s’excuse de ne pas être intervenue. Elle s’excuse à chaque fois, mais je ne lui en veux jamais.

- Quelqu’un l’a fait, cette fois, dis-je en me retournant pour regarder Jacob.

- Il est incroyable, dit mon amie en le regardant elle aussi.

- Oui ! Et tu as vu la tête de Baptiste ? Lui et les autres n’ont rien pu dire. Ça fait du bien.

Le cours commence. A la fin, Jacob passe près de moi et me glisse un papier dans la main. Je le déplie et lit : « Joyeux anniversaire 😊 ». Mon cœur bat plus fort et je serre le papier contre moi. Ces six derniers mois au collège vont peut-être mieux se passer que prévu finalement.