E.S Line Reflection FLASHBACK

FLASHBACK

Marketing, commerce international, mathématique, mes cours s’enchaînent sous mes yeux fatigués. Cela fait un mois que je suis plongée dans mes révisions et je n’arrive pas à voir le bout. Mes examens sont dans moins d’une semaine et une fois passés, à moi la liberté ! Finis les cours, finis mon mémoire et bonjour ma nouvelle vie !


Nathalie, ma référente de stage, m’a proposé un poste comme assistante commerciale alors que je n’ai pas encore mon diplôme en poche. Étant une start-up, les possibilités d’évolution sont rapides si le boulot fournit est de qualité. Idéal pour moi qui vise les plus hauts galons. Je commence juste après mon dernier partiel, mais pour l’heure, je dois m’assurer de le réussir.


Les conditions ne sont pourtant pas idéales. La température est anormalement élevée pour un mois de juin. Logeant dans un petit appartement sous les toits de Paris, notre cocon s’est vite transformé en four. Les deux ventilateurs placés autour de moi ne suffisent pas à empêcher des auréoles de se former sous mes bras. Les Klaxons ne cessent de se faire entendre à cause des bouchons incessants qui se forment en bas de chez moi. Je ne vais jamais y arriver. Une petite pause ne me fera pas de mal.


Alors que je me laisse aller contre le dossier de ma chaise, la porte d’entrée s’ouvre avant de claquer. J’ouvre les yeux pour voir avancer Dan dans le salon, habillé de son éternel bermuda et d’un t-shirt à l’effigie d’un groupe que je ne connais pas. Lui a fini ses examens la semaine dernière et profite de son nouveau temps libre pour se trouver du boulot. Il dépose ses clés et son portable sur la console avant de venir vers moi, déposant un baiser sur le sommet de mon crâne.


Au début, je trouvais ce geste mignon. Aujourd'hui, il m'énerve. Après avoir bafouillé un bonjour, il s'assoit face à moi et pianote ses doigts sur la table. Je ne dis rien même si je vois bien qu'il cherche à me dire quelque chose. Ça aussi ça m'énerve. Quand je l'ai rencontré, ce qui me plaisait le plus chez lui était sa spontanéité, ça manière de toujours dire ce qu'il pense sans se censurer. Depuis quelques mois, il pèse chacun de ses mots comme s’il appréhendait ma réaction.


—-J’ai appelé un ami de lycée, lance-t-il au bout de longues minutes. Il m’a parlé d’un poste qui se libérait dans sa boîte.


Et voilà. Daniel a passé toute son enfance au Canada avant de débarquer à Paris pour redémarrer un cursus scolaire en commerce international. Une envie de découvrir une nouvelle culture, parler une autre langue et vivre dans la capitale française. Une envie qui s'est dissipée au fil des ans lorsque que l’excitation du début est retombée en même temps que les désillusions sont arrivées. Il ne cesse de parler de repartir au Canada depuis un an.


—C’est un poste bien payé avec une possibilité d’évolution quasi garantie. Ce serait génial !


Au ton de sa voix, je vois bien qu’il est excité. Moi pas. Qu’en est-il de mes projets et mon envie de construire ma propre carrière ? L’agacement me guette, pourtant, je me contente de le fixer sans rien dire. A quoi bon, je sais comment ça va se finir. Comme les dix dernières fois, en dispute mêlant cris et reproches. Il veut partir, moi pas. Il veut commencer à construire un foyer, je veux me construire une carrière fleurissante.


J’ai à peine 23 ans, les couches et le vomit de bébé ne sont pas mes priorités. Je pousse un long soupire et m’apprête à ouvrir la bouche lorsqu’il me coupe en reprenant de plus belle.


—-Non non attends. Ce serait une bonne opportunité pour nous deux ! On vivrait dans un bel appartement en centre-ville, je gagnerais un bon salaire qui nous garantirait un train de vie plus que correct ! Il y a même de bonnes garderies si tu envisages de prendre un boulot !


—-Si j’envisage de...


Je le regarde atterrée avant de me lever plus violemment que prévu. Ma chaise tombe sur le carrelage, provoquant un boucan à la hauteur du grondement qui monte en moi. La question des enfants ne cesse de revenir sur le tapis et j’ai beau lui dire que ça ne fait pas partit de mes projets pour le moment, il ne cesse de revenir à la charge. L’entendre en parler comme si cela allait arriver dans un avenir proche me retourne l’estomac.


J’essaye de ne pas penser à la drôle de sensation qui m’envahit, a cette sensation d’avoir un petit être humain qui grandit en moi. Non, ne pas y penser. Pas maintenant. Pas devant lui. Je vais pour poser la main sur mon ventre, mais me retiens au dernier moment. Je me contente de secouer la tête et tourner les talons sous la supplication de Dan.


—Talia...


—Non ! je me retourne brusquement, un doigt accusateur pointé vers lui. Y a pas de "Talia!!!" qui tienne !


Ma voix prend un ton grave et supplicateur pour imiter toutes les fois où il a essayé de me prendre par les sentiments. Se disputer en anglais est toujours un exercice périlleux, mais j'ai malheureusement gagné en facilité ces derniers mois.


—Tu ne te soucie pas de savoir ce que moi je veux ! Un super boulot m'attend, de bonnes opportunités pour moi sont à portée de main. Pourquoi est-ce que j'abandonnerais tout et partirais à l'autre bout du monde ?


—Et pourquoi pas ? T'as rien qui te retient ici. Tu parles à peine à ta famille, t'as pas d'amis et un boulot, tu pourras en trouver n'importe où ! Je ne t'ai jamais rien demandé depuis le début de notre relation. Je te demande juste un sacrifice, un seul et tu parles d'un sacrifice !


A présent debout face à moi, il hurle plus qu'il ne parle et gesticule dans tous les sens. De là où je me tiens, je vois son cou rougir, preuve de sa colère. La mienne continue de faire chauffer mes veines.


Pour lui, que je lui suive sur un autre continent coule de source. Un acte basique qui ne demande aucun effort. Même si je n'ai plus d'attaches en France, je ne me vois pas déménager à l'autre bout du monde, dans un pays que je ne connais pas et avec une langue que je ne maîtrise à peine.


Mais plus que tout, ses mots me blessent. Son absence de considération envers mes projets me blesse.


—Mets-toi en tête que je ne veux pas déménager, je lui lance entre mes dents serrées.


Il secoue la tête et ramasse son portable posé sur la table pour le fourrer dans sa poche avant de me dire d'une voix étrangement posée, contradictoire avec les mots tranchants qu'il prononce.


—Souvent je te regarde et je me dis que je suis l'homme le plus chanceux pour être tombé sur une femme à la fois belle, déterminée et intelligente. Et parfois, je te vois et je me dis que tu peux être la plus égoïste des personnes.


Sans plus de cérémonie, ses mots flottants encore entre nous, il tourne les talons pour quitter notre appartement. Le bruit de la porte résonne quelques secondes dans ma tête alors que le silence fait place autour de moi, seulement brisé par les ventilateurs qui continuent de tourner.


Mon cœur se serre. Ma gorge se noue. Mes mains tremblent sous le coup de l’adrénaline. S’il savait à quel point il voit juste.

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4 commentaires

E.S Line

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Il y a 7 ans

Merci beaucoup, ton commentaire me touche et me fait sourire! J'espère que la suite te plaira autant!

funckygirl

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Il y a 7 ans

Chapitre splendide !! J'adore l'ambiance de ce chapitre et repassé entre Dan et Talia que tu nous décris avec beaucoup de subtilité et de facilité ! J'aime vraiment et j'ai hâte de lire la suite

E.S Line

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Il y a 7 ans

Oh merci! Ca me fait super plaisir de lire ça! C'était le but de ce chapitre, montrer un peu plus Dan, le quotidien qu'il avait avec Talia, leurs disputes récurrentes et donnait un peu d'indices sur ce qui a bien pu se passer entre eux deux! Pour ce qui est d'Elyes, rien n'en est moins sûre! ;) Je poste le chapitre rapidement maintenant que je suis revenue par ici! :)

Caro Handon

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Il y a 7 ans

Je suis toujours bluffée de la façon dont tu décris tes scènes! Je m'y vois complètement, la chambre sous les toits, les ventilos, la chaise, leur dispute... Vraiment j'adore. Ce flashback est important, ça se sent. Il nous permet de mieux cerner Dan, personnage qui, jusqu'à maintenant était "flou". On découvre un peu son caractère, ses envies et les raisons qui font qu'il n'était pas aussi parfait que le pensait sa famille. Je suppose que son frère connaissait cette version de lui? Hâte de lire le chapitre suivant ;)
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