Fyctia
Chapitre 2
Je recule le plus doucement possible : je veux fuir et vite parce que j'ai très bien compris que l'intrus c'est moi et que Brutus est là pour me trouver. Envie pas forcément partagée.
L'homme au talkie-walkie donne un coup à Brutus :
-Bouge toi !
La créature mi-homme, mi...chose grogne à nouveau et sors les dents ou plutôt les crocs. La menace du fusil le fait bien vite taire. Il renifle bruyamment et je continue de reculer. Mon pied heurte un rocher et un caillou dévale la pente pour s'écraser avec un bruit sourd dans l'eau. Tous mes muscles se contractent et je risque un regard vers les trois hommes. Brutus s'est figé, le nez en l'air et les oreilles dressées. Au bout d'un moment qui me paraît durer une éternité, les deux hommes le poussent dans la direction opposée à moi. Je lâche un soupir de soulagement et fais demi-tour. Malheureusement, je me cogne en descendant du rocher et un gémissement de douleur m'échappe. Cette fois-ci Brutus a entendu, il fait volte-face et se met à courir dans ma direction. La scène est irréelle : cette chose court vers moi presque à quatre pattes, suivie par deux hommes armés. Tellement iréelle que je mets quelques secondes à me souvenir qu'ils ne veulent pas m'attraper pour me proposer un café mais pour autre chose et je n'ai vraiment aucune envie de savoir pourquoi.
Mon corps réagit enfin et mes jambes se mettent à courir le plus vite possible. Il y a peine une heure je courais pour fuir mes problèmes familiaux et maintenant je cours pour échapper à une créature non identifiée. À choisir, la première option est quand même meilleure pour la sauvegarde de ma vie. Je suis déjà de l'autre côté de la clairière du ruisseau quand ils commencent à escalader mon rocher de toute à l'heure. J'ai de l'avance sur eux et ça me permettra peut-être de m'enfuir.
Note mentale : ne jamais crier victoire trop vite.
Les deux hommes perdent bien du temps à escalader le rocher mais Brutus est déjà en haut et je le vois prendre une grande impulsion sur la pierre avant d'atterrir à l'endroit où je me tenais seulement quelques instants avant. Il se rapproche de plus en plus et même si j'accélère, il va toujours beaucoup plus vite qu'un humain ne le pourrait. J'entends le bruit de ses pieds nus qui s'enfoncent dans la terre et la martèle de coups forts et secs. Mais j'entends surtout son souffle régulier quand le mien trahit l'effort intense que je suis en train de fournir. J'entends soudain un coup plus fort sur le sol et puis plus aucune impulsion. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qu'il a bondi en l'air. Mon cerveau a à peine le temps d'assimiler l'information qu'un poids heurte mes jambes et me fait tomber à la renverse. Je hurle de douleur en sentant ses griffes s'enfoncer dans ma chair. Il est maintenant sur moi et je sens son souffle chaud s'abattre sur ma nuque. Je lutte de toutes mes forces et réussis tant bien que mal à me retourner. Ses yeux d'un jaune luisant et effrayant fixent ma gorge : il cherche à me mordre. Au moment où il amorce le mouvement pour planter ses crocs dans mon cou, une détonation retentit et Brutus s'effondre sur moi. Je me mets à remuer sous lui pour tenter de le pousser sur le côtés, sans succès : il est trop lourd pour moi. Chaque mouvement que subit son corps a une répercussion sur moi car ses griffes sont toujours plantées dans mes jambes et au niveau de mes épaules. Ma vue est bouchée mais j'entends parfaitement les deux hommes qui s'approchent en courant. Ils soulèvent Brutus, je sens les griffes sortir lentement de mon corps et je gémis de douleurà côté de moi. Il est tellement immobile qu'il paraît mort mais je ne vois aucune trace de sang sur lui, les fusils doivent seulement être équipés de balles paralysantes.
-Bouge pas.
-S'il vous plaît laissez-moi partir.
Je tremble de peur : qu'est-ce qu'ils vont me faire ?
-Tais-toi. Celui qui semble être le chef sort sa radio :
-Ici équipe Delta, intruse interceptée, qu'est-ce qu'on en fait ?
-Bien reçu équipe Delta, Brutus a été utilisé ?
-Oui, c'est lui qui l'a attrapé. Le silence se fait et je me mets à prier pour qu'ils me laissent partir.
-Ramenez-la à la base.
-Entendu, on se met en route. Il range sa radio et je recommence à les supplier :
-Je vous en supplie, laissez-moi partir, je ne dirai rien à personne.
-Tu en as déjà trop vu.
-S'il vous plaît, je n'ai rien fait, je... Le chef me colle une baffe et hurle :
-Maintenant, tu la fermes, si tu l'ouvres encore, je te le ferais regretter. COMPRIS ?
J'obéis et il reprend :
-Bien, je vais chercher le fourgon, surveille-les. Il n'attend aucune réponse et s'éloigne déjà. Je me retrouve au sol, sous la menace de l'arme du deuxième et je ne tente même pas de m'enfuir, il me rattraperai tout de suite à la moindre tentative :
-S'il vous plaît, je vous jure que je n'en parlerais pas, vous n'entendrez plus jamais parler de moi.
-Ta gueule ! Lui aussi se met à hurler et c'est encore plus angoissant que le regard qu'il pose sur moi depuis toute à l'heure. Si je continue,il va aussi me frapper, je sens encore le coup précédent. J'obéis et je me tais. Des larmes coulent à nouveau sur mes joues, mais cela ne lui fait absolument rien et il continue à me toiser méchamment. A peine quelques instants plus tard, le fourgon se gare à côté de nous et le chef en sort, il ouvre les portes arrière. Plusieurs cages y sont empilées.
Il se tourne vers moi :
-Monte là-dedans ! Je te préviens si tu n'obéis pas, j'emploierai la manière forte.
Je secoue la tête frénétiquement :
-Non, non je vous en supplie. Je tente de m'éloigner en rampant au sol mais il s'approche de moi et me colle une autre gifle avant de me soulever comme si je ne pesais rien. Je me débats contre lui en hurlant mais il ne réagit même pas. Il finit par me balancer dans une cage. Mon dos heurte la grille du sol et la douleur explose dans tout mon corps. Je gémis de douleur, la porte est refermée bruyamment. Le chef passe un cadenas sur le verrou et range la clé dans sa poche. Un peu après, Brutus est lui aussi balancé dans la cage d'à côté. Les portes du fourgon se referme, le moteur se met en route et le véhicule se met à rouler. Je me retrouve seule, dans le noir, mes sanglots brisent le silence. J'entends à peine le bruit des roues sur le sol qui heurtent parfois des cailloux.
Après ce qui me semble une éternité, le fourgon s'immobilise mais le moteur tourne toujours. J'entends l'écho de voix sans pouvoir comprendre ce qui se dit. Un grand bruit se fait entendre et le fourgon avance encore de quelques mètres. Il s'immobilise enfin définitivement, le moteur s'arrête. J'entends des portes métalliques se refermer non loin de moi. Je n'entends plus les voix, je n'entends plus la nature autour de moi. Juste mes sanglots et ma respiration étouffée. La peur me fait trembler et je voudrais n'être jamais partie de chez moi. Je ne sais pas où je suis et comment me sortir de là.
Je n'ai qu'une certitude : Je viens d'entrer en enfer.
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