Fyctia

Blake

Elle m’a tendu la main, m’a offert un canapé dans son petit appartement du centre-ville, m’a forcé à manger, à dormir, à respirer. Elle m’a aussi trouvé un boulot quand tout ce que je voulais, c’était disparaître.

Donc oui. Quand elle parle, j’écoute.

Même si je déteste l’admettre.

—  D’accord, Blake. Récapitulons, elle lance d’un ton devenu plus sérieux. Ronan est un connard fini. Il t’a trompé, t’a brisé, puis il t’a abandonné en te faisant passer pour le psychopathe de service. Il t’a humilié publiquement, et aujourd’hui, il se pavane comme si c’était lui la pauvre victime. Jusque-là, on est d’accord ?

Ma gorge est nouée, mais je hoche la tête.

— Pourquoi tu continues de suivre ses conneries ?

Je serre les poings.

— Parce que c’est injuste, bordel ! Tout le monde l’encense alors qu’il m’a détruit ! Pourquoi personne ne voit qui il est vraiment ?

Livia pousse un long soupir, puis attrape ma paume et la maintient fermement.

— Parce que les connards s’en sortent toujours mieux. Mais toi, t’as autre chose à foutre que de ruminer ça.

Je passe une main tremblante sur mon visage. Elle a raison. Mais la rage ne disparaît pas comme ça.

—  Trop tard, il m’a déjà gâché ma fin d’année.

Livia se redresse, un sourire malicieux sur les lèvres.

— Heureusement pour toi, j’ai une solution.

Mes sourcils se froncent.

— Si c’est une séance de méditation ou un stage de développement personnel, je décline.

Elle rit.

— Mieux. Un contrat en or. Un mariage de luxe, le soir du réveillon, dans un domaine somptueux. Ils ont besoin d’un chef pour le banquet. Et devine qui j’ai recommandé ?

Je la fixe, suspicieux. Livia est wedding planner. Une des meilleures, si ce n’est la meilleure du Colorado. Je n’ai aucun mal à croire qu’elle ait décroché un contrat or. C’est juste que j’ai tellement un karma de merde, que je demande à voir.

— Liv… dis-moi que ce n’est pas un traquenard.

— Blake, voyons. Quand ai-je déjà essayé de te piéger ?

— Tu veux une liste chronologique ou un classement par ordre de gravité ?

Elle esquisse un sourire innocent.

— C’est très bien payé. Et ça te fera penser à autre chose qu’à Ronan.

Je lis le mail qu’elle me montre sur son téléphone. L’offre est alléchante. Mais un détail me fait tiquer.

— Où ça, ce mariage ?

Elle hésite, puis lâche enfin :

— Aspen. Domaine Beaumont.

Mon cœur rate un battement.

— Attends. LE Domaine Beaumont ? Comme les magasins Beaumont ?

— Celui-là même.

Je déglutis.

Un mauvais pressentiment me serre la poitrine.

— Liv. C’est qui, les mariés ?

Elle affiche un sourire trop innocent.

— Aucune idée.

Elle ment.

Je plisse les yeux.

—  Liv.

— Bon, d’accord ! Je sais juste que c’est une très grosse famille.

Mon estomac se tord. Mais mon compte en banque et mon ego hurlent en chœur.

Vas-y.

Avant que je ne puisse insister pour plus de détails, elle ouvre le mail de confirmation sur l’ordinateur et le tourne vers moi.

— Allez, beau gosse. Accepte et fais-moi rêver avec un menu cinq étoiles.

Je fixe l’écran. Je fixe Livia.

Un mauvais pressentiment me tord toujours le ventre. Mais mon compte en banque et mon orgueil hurlent en chœur. Go. Depuis que mon père a renié le fils indigne que je suis, je ne peux me permettre de chipoter.

— OK, tu as gagné. Je peux au moins accepter un rendez-vous préalable. Ça n’engage à rien.

D’un clic, je valide la demande.

Je vais le regretter.

Je le sens.