Fyctia
Chapitre 12.1 - Laura Aubertin
La gorge serrée, je suis suspendue à ses lèvres comme si Sidney allait m’apporter la solution. Les secondes défilent, et seul son silence me répond. Je ne saurais dire s’il cherche la meilleure manière de m’aider ou de me renvoyer sur les roses.
Mon cœur, lui, bat la chamade. Le stress induit par les émissions en direct, associé à la façon corrosive qu’à Sidney de s’adresser à moi me rend dans l’incapacité la plus totale de retenir mes réactions. Comme de lui poser cette question. Elle explicite mon inaptitude à gérer ce qui nous attend.
Alors que je m’apprête à faire machine arrière, il se racle la gorge.
— Rien n’est inné, finit-il par dire. Il faut sans cesse aller chercher au fond de soi.
J’ouvre la bouche, puis la referme, ne sachant pas comment rebondir. Mon regard fuit le sien, tant son explication me remue.
— Je n’ai pas cette force de caractère là.
Bon sang, mais tais-toi, ma fille !
— Pourtant tu te débrouilles bien, affirme-t-il. Tu vas trouver des informations pour ne pas être prise au dépourvu. Beaucoup d’animateurs seraient incapables de mentionner le couteau filet de sole.
Nous échangeons un sourire timide.
— Je ne considère pas avoir du mérite avec une simple recherche sur le net. Et, s’instruire, ce n’est pas bien compliqué…
— Cela dépend pour qui ! me coupe-t-il sèchement.
Je mords l’intérieur de ma joue, conscience de ma boulette. Ce n’est un secret pour personne : Sidney Gordon était un cancre à l’école, avec des notes catastrophiques. Jusqu’à ce qu’il débarque en France pour son apprentissage.
— Pourtant, pour en arriver là où tu en es, tu as appris.
Il me fixe d’un air surpris.
— Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle.
Le regard dans le vague, j’ai la sensation qu’il prend la mesure de son parcours. Comme chaque individu sur cette Terre, il est parti d’un endroit et a construit son savoir-faire. Il n’est pas moins méritant parce qu’il n’a pas entrepris des études d’ingénieur.
— Se défendre, ou se battre pour ce en quoi l’on croit, c’est viscéral, poursuit-il en captant mon attention. Si l’on agit avec le cœur, on parvient à tout.
La conviction dans ses mots résonne avec justesse. J’ai l’impression qu’ils les prononcent autant pour lui que pour moi, et ils me donnent matière à réfléchir. Cependant, Sidney ne m’en laisse pas le temps.
— Quel est ton rêve, Laura ? me questionne-t-il.
— Être libre de faire un métier qui fait sens. Petite, j’aspirais à devenir éleveuse de chèvres dans le Larzac, confié-je, tout en redoutant sa réaction.
Pourtant, là où je me préparais à le voir rire, il conserve un faciès sérieux.
— Ce n’est plus le cas aujourd’hui ?
— J’ai depuis longtemps abandonné l’idée de contrarier mon père, avoué-je avec une pointe de honte.
— Et bien, sache que je ne lui ressemble pas du tout sur ce point-là. Mon fils Ewan est aussi énergique que moi. J’espère l’aider à trouver une voie qui lui convient comme j’ai découvert la mienne.
— Quel âge a-t-il ?
— Cinq ans. Et Mike, mon petit dernier, en a trois.
— Cela doit être difficile de travailler autant, tu ne dois pas les voir aussi souvent que tu le voudrais.
Les mâchoires de Sidney se contractent, au même titre que le vert de ses yeux s’assombrit.
— Et comme mon ex-femme, tu vas me dire que je suis un mania du contrôle, qui devrait déléguer une partie de mon boulot pour passer plus de moments avec eux ?
Je n’ai pas le temps de répondre à sa pique qu’il poursuit.
— C’est l’objectif de ce concours : donner la gestion de l’un de mes établissements en cours de rénovation. Je comptais faire grandir ce restaurant qui a un potentiel de clientèle incroyable. Mais étant donné que Daphné m’a tout pris entre mon fric et mes fils, je n’ai pas d’autre choix que de m’en séparer.
Face à son explication, je reste silencieuse. Je connaissais le prix à remporter, mais j’ignorais l’origine de cette décision.
Le bruit de l’eau me ramène à la réalité. Visiblement à vif, Sidney nage jusqu’à ce qu’il ait pied, puis sort de la piscine. La vue sur ses fesses fermes me fait déglutir. Je secoue aussitôt la tête pour chasser cette image de mon esprit, et m’emploie à regagner la terrasse à mon tour.
— Pourquoi as-tu cherché à l’acheter au départ ?
— Je n’ai pas envie de poursuivre cette discussion.
— Je ne suis pas là pour te juger. En tant que co-animatrice, plus j’en connais sur toi, plus nos interactions seront faciles. Cela se verra forcément à l’écran et pourra te rendre plus sympathique.
Je retiens pour moi un « y a du boulot » afin de ne pas risquer l’incident diplomatique.
Sidney m’observe de haut en bas, s’arrêtant un instant au niveau de ma poitrine, puis il plante son regard dans le mien. Un frisson me parcourt, tout comme une chaleur s’éveille dans mes joues, lorsque je réalise être en maillot deux-pièces devant lui. Loin d’être mal à l’aise dans mon corps, il va sans dire que le chef est un bel homme. Plus âgé que moi, certes, mais un bel homme quand même.
Son souffle me sort de mes pensées.
— Laura, c’est très gentil à toi, mais…
— Je suis trop jeune pour comprendre ce genre de situation, parce que je n’ai vécu aucune histoire amoureuse stable. Je connais la musique.
Elsa ne cesse pas de me répéter ce discours lorsqu’elle vient chez moi, après une engueulade avec son mec.
— Disons que ma vie personnelle ne regarde que moi. Les journalistes, déclare-t-il en appuyant sur le mot, y ont provoqué assez de dégâts comme ça.
— Je ne fais pas partie des rats de la presse à cancan ! m’insurgé-je.
Piquée au vif, je pose les poings sur ma taille et le fixe avec aplomb. Si je n’apprécie pas mon métier, je n’appartiens pas non plus à cette bande de vermines en quête de potins pour faire vendre. J’ai une certaine éthique, en dépit de l’image de la potiche avec son sourire que je renvoie.
— Allons chercher ta serviette, tu frissonnes, annonce Sidney.
Il ne m’attend pas, et se dirige vers l’endroit où j’ai posé mes affaires. Je rêve où il clôt cette conversation ?
Je le suis, prête à en remettre une couche afin qu’il saisisse bien la différence, mais il ne m’en laisse pas le temps.
— Toute ma jeunesse, on m’a rabâché que je ne ferais rien de ma vie, parce que j’étais, et suis toujours hyperactif, m’explique-t-il en s’asseyant sur un transat.
Comprenant qu’il est sur le point de m’en confier davantage, je m’enroule dans ma serviette sans dire un mot, et m’installe sur le bain de soleil en face du sien.
— Faire des gâteaux avec ma grand-mère m’a sauvé, poursuit Sidney. Cette activité anodine en apparence a permis à ma famille de savoir comment me canaliser. Mes parents achetaient la nourriture, tandis que je m’exerçais en leur concoctant des plats. Ils m’ont aidé sans relâche pour trouver un apprentissage.
Dans sa voix filtre de la nostalgie, oscillant entre tristesse et fierté. Elle me fait ressentir le poids de son passé, et éveille en moi une certaine curiosité. J’ai envie d’en savoir plus sur quel homme est vraiment Sydney Gordon, au-delà de son statut de chef étoilé.
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N. DGarcia
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