Naelly2023 Reasons why... Chapitre 3 ★ Maxym

Chapitre 3 ★ Maxym

La journée du lendemain passe à la vitesse d’un escargot. J’enchaine les matières. Je n’écoute qu’à moitié. Stella n’est pas là au premier cours. Ni au deuxième. Ni le midi. Ni au troisième. Ni au quatrième. Et mon cerveau s’agite. Qu’a-t-il bien pu lui arriver ? Est-elle malade ? A-t-elle eu un problème ?

La nuit, je ne peux m’empêcher de revoir son visage fermé quand elle a appris que j’avais une « copine ». Est-elle dépitée ? Vexée ? Ressent-elle quelque chose pour moi.

Et, forcément, mon cerveau de mec de dix-huit ans s’imagine des films. Des films dans lesquels elle m’avoue son amour. Des films dans lesquels je n’ai pas de blocages. Des films… que je ne devrais pas voir.


Le lendemain, elle n’est toujours pas là au premier cours. Du coup, je n’écoute pas. J’ai honte de le dire, mais quand elle est là, je me concentre, je veux lui montrer que je vais réussir cette année sans problèmes. Il y a un problème : elle n’est pas là. Elle arrive en art. Elle arrive, les yeux rouges, bouffis. Elle arrive, les joues écarlates. Elle arrive, les cheveux en pagaille. Elle arrive et s’installe à la table, silencieuse, les yeux baissés vers son dessin qu’elle n’a pas commencé. La professeur arrive et commence à discuter avec elle, à voix basse. Mais elle, elle se contente de hochement de tête. Elle ne prononce pas un seul mot.


- Dessine ce que tu ressens en ce moment, ce peut être de la joie, de la colère, de la tristesse, … Qu’importe. Si tu n’arrives pas à savoir tes sentiments, prends en un au hasard.


J’en oublie mon travail et observe le sien. Son crayon est à quelques millimètres de sa feuille. Sa main tremble. La pointe se pose sur le papier. Elle lève la tête. Je lève la tête. Nos regards se croisent. Et c’est comme si le temps s’était arrêté. Mon cœur bat à un rythme régulier, et je suis persuadé que le sien est calé sur le mien. Nos eux ne se quittent pas, ils ne le peuvent pas. C’est comme un gouffre dont j’essaye désespérément de sortir, mais les parois sont trop hautes. Je suis coincé dedans. Et sans me lâcher du regard, elle expire et trace les premiers traits. Elle me fixe, moi, pas sa feuille, et pourtant on dirait qu’elle sait parfaitement ce qu’elle fait. Une larme, puis deux, et trois, et quatre s’écrasent sur sa feuille. Elle n’y prête pas attention. Elle ne les essuie pas.


Lorsque je baisse mon regard sur sa feuille, ma bouche reste ouverte.


- Ferme la bouche, je peux te garantir qu’une bouche a pas bon goût du tout, me murmure-t-elle.


Mécaniquement, je la referme. Et je souri. Un vrai sourire. Elle sourit. Et je souri plus encore. Ses yeux se baissent sur sa feuille pour contempler les dégâts provoqués par son crayon. Les traits ont été tracés sans douceur, le craon est détruit. Des traces noires barbouillent la feuille, on pourrait croire un dessin pour enfant. Et pourtant, derrière, il y a ses sentiments, et je devine que la colère est là, la tristesse aussi. Des traits dans tous les sens, qui ressemblent à un visage. Un visage de fille.


Stella prends des crayons de couleur au hasard. Je m’imagine qu’elle va rendre son œuvre plus présentable, ajouter de la couleur. C’est un travail d’école après tout. Elle me regarde dans les yeux, avec un air de défi dans les yeux. Un air qui me dit qu’elle va le faire. Qu’elle va détruire son dessin. Et c’est ce qu’elle fait. Les crayons passent de haut en bas, de gauche à droite sur le visage. Ils massacrent l’œuvre. Du jaune, du orange, du bleu, du vert, du rose, du rouge. Beaucoup de rouge. Elle recouvre la feuille de couleurs, le crayon de papier disparait presque derrière cette avalanche. Le rouge recouvre tout. Elle en met plus. Encore et encore. Et finalement, elle repose les crayons. Elle les repose pour prendre du violet. Du violet qu’elle applique sur les bords, dans les coins. Un dégradé de violet. Mais pas au milieu.


Elle se lève lorsque la professeur arrive. Elle va chercher un papier mouillé. Et elle l’essore sur le dessin. Elle en vide l’eau et l’étale. Ses doigts deviennent ce mélange de couleur qu’elle a appliqué. Dans la classe, plus personne ne parle. Ils ont tous les yeux rivés vers elle.


- J’ai fini, annonce-t-elle en tendant son dessin.


Ce n’est qu’une feuille détruite, maintenant. Et je comprends. Cette feuille, c’est elle. Et je ne comprends pas. Détruite. Mais par qui ? Mais par quoi ?


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2 commentaires

Angel Guyot

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Il y a 3 mois

Ce chapitre est ultra déchirant. On ressent toute la détresse de Stella dans son dessin, et que ce soit vu par les yeux de Maxym rend juste le passage incroyable... Il la comprend, il met les mots, on en apprend plus sur ce qu'il ressent, j'ai hâte de lire la suite !
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