Fyctia
Chapitre 9* - JADEN
Mais dans quoi je m'embarque ?
Quand Cal m'a ramené à la maison dimanche, il a eu la bonne idée de raconter en détail ce qui nous est arrivé. La discussion a vite tourné autour de l'accident de Skye et des conséquences pour elle et son élevage. Mon cousin ne s'est pas privé de préciser que tout était de ma faute. Bien sûr, ma mère et Nana se sont rangées de son côté.
Ils m'ont fait un foutu procès sans me laisser en placer une. Qu'aurais-je bien pu répondre ? Leurs arguments étaient béton. Et honnêtement, quand Nana a pointé son index près de mon visage, j'ai eu peur pour ma vie. La sentence est donc vite tombée : aider Skye au chenil.
Ce qu'ils ignorent, c'est la position délicate dans laquelle je me trouve. J'aurais dû parler du projet à Skye dès le premier jour, avant d'être coincé dans cette situation impossible, mais tout s'est enchaîné trop vite. La randonnée, mes émotions, l'accident. Tu as merdé.
Je mène toujours chaque projet avec le plus grand professionnalisme. Dans les affaires, il n'y a aucune place pour les sentiments. Mais depuis que j'ai mis les pieds à Banff... tout m'échappe. Je me sens pris au piège dans un engrenage qui ne peut que mal se terminer pour moi. Et pour elle.
Il est 5 h 45 quand je gare ma voiture devant Snowy Paws. Tout est calme et plongé dans la pénombre. J'observe un instant la maison, les mains dans les poches de ma doudoune. La fenêtre de la chambre de Skye se situe juste au-dessus d'un petit mur en pierres. Je ne compte plus le nombre de fois où je l'ai escaladé en douce au milieu de la nuit. On passait des heures allongés dans son lit, à se tenir la main et refaire le monde. Jeunes et insouciants.
La porte s'ouvre brusquement, me tirant de mes pensées. Skye apparaît dans l'embrasure et me fait signe d'entrer. En passant le seuil, les effluves de soupe tiède qui émanent de la cuisine me retournent l'estomac. Avant la balade matinale, les chiens ont droit à un bouillon protéiné. Une chose qui m'est restée en mémoire, tout comme cette odeur dont je me serais bien passé.
Je prends place sur une chaise, puis l'observe en silence. Vêtue d'un pull thermique près du corps, elle remue le contenu de la casserole sans me prêter attention. Mes yeux s'attardent malgré moi sur ses courbes. Ses épaules droites, le galbe discret de sa poitrine et son ventre ferme. Skye a toujours eu un physique athlétique, mais aujourd'hui, ce n'est plus une jeune fille. Elle a un corps de femme. Avec tout ce qu'il faut, là où il faut. Tu vas te calmer, abruti ?
Elle me jette un coup d'œil par-dessus son épaule et surprend mon analyse détaillée de son anatomie. Et merde...
— Tu as faim ? demande-t-elle.
— Pardon ?
Elle plisse les yeux. Mon cœur s'agite, mes émotions se bousculent. Reprends-toi !
— Tu veux manger un truc avant de commencer le travail ? précise-t-elle.
— Ah... non merci, l'odeur du bouillon m'a coupé l'appétit.
Une fois la préparation terminée, je remplis le bidon en retenant ma respiration, puis nous rejoignons l'enclos des chiens. Skye ne m'a rien dit sur le programme, mais je connais très bien cette routine, pour l'avoir suivie de nombreuses fois. Quand j'avais environ quatorze ans, je passais tous mes week-ends ici durant l'hiver.
Skye ouvre la barrière puis entre dans le parc. Les huskies sont déjà tous réveillés et se précipitent vers elle. Le tintement des colliers, les griffes claquant sur le sol, les odeurs de neige et de terre... cette ambiance particulière me ramène sans cesse à mes souvenirs. C'est déstabilisant.
J'observe la scène en silence, un peu en retrait. Skye les couvre de caresses, sourit et leur parle avec tendresse. Son visage reflète tout l'amour et la passion qu'elle ressent pour ses compagnons à quatre pattes. J'avais oublié à quel point elle est belle dans ces moments-là.
— Tu peux remplir les gamelles ? me demande-t-elle avant de s'éloigner au fond de l'enclos.
Les chiens me tournent autour, se poussent, reniflent l'air comme des affamés, et je manque plusieurs fois d'en renverser la moitié à côté. Je dépose ensuite le bidon vide dans un coin, puis rejoins Skye sous la partie couverte.
Elle est accroupie près d'un chien qui semble plus vieux que les autres. J'avance d'un pas hésitant, puis me fige en apercevant la tâche en forme d'étoile sur son flanc. Un courant d'émotion me traverse.
— Balto, murmuré-je.
Skye redresse la tête en même temps que le vieux chien.
— Tu te souviens de lui ?
La gorge nouée, je m'approche lentement en luttant contre les picotements dans mes yeux. Je pose un genou au sol et Balto s'empresse de me renifler en remuant la queue.
— Évidemment. Je pensais qu'il était mort, c'est incroyable de le revoir.
— Il a quatorze ans, c'est un vieux papi.
Mes doigts glissent sur son pelage rugueux. Son museau humide pousse ma joue, mon cou, puis il finit par se blottir tout contre moi. Ce contact inattendu me laisse complètement chamboulé.
— Mon père a fait de la compétition avec lui, ajoute-t-elle. Il était excellent en attelage.
— Et toi alors, tu n'as jamais voulu faire de course ?
Je me rappelle les récits de son grand-père. Skye et moi, on passait des heures à l'écouter, captivés par ses histoires incroyables. Les nuits glaciales, seul au monde avec ses chiens, sous un ciel éclatant d'émeraude et de magenta. La vitesse, l'adrénaline et l'extase lorsqu'il sillonnait les vallées à bord de son traîneau.
— Non, les contraintes de la compétition ne m'ont jamais donné envie.
Cette fille est un esprit libre, une aventurière rebelle. Elle l'a toujours été et mon admiration était sans limite. Skye me fascinait autant qu'elle m'attirait. Et je réalise que c'est encore le cas aujourd'hui.
Après avoir nourri Balto, nous rejoignons le hangar pour préparer le matériel. Skye vérifie le traineau, les attaches et les sangles avec attention.
— J'imagine qu'on va partir en balade, déclaré-je, rompant le silence.
— Sherlock est de retour ?
Elle n'en rate pas une. Cette fille est un vrai scorpion : quand elle se sent vulnérable ou en danger, elle pique. Une façon de se protéger, mais aussi de garder une distance entre nous. Le problème ? Plus elle s'éloigne, plus j'ai envie d'approcher. Un grand classique universel.
— Je n'ai pas conduit de traîneau depuis un paquet d'années.
— Et alors ? Tu as peur, Foster ?
J'ai beau ignorer ses répliques, elle continue de m'en balancer. Je change donc de tactique.
— Oui.
Comme je m'y attendais, elle est surprise par ma réponse et l'espace d'un instant, je retrouve l'empathie et la bienveillance dans ses yeux.
— Vraiment ? Je serai là, tout va bien se passer.
Skye attrape un harnais, puis s'approche tout en m'expliquant les bases du mushing. Au moment de me le tendre, nos mains se frôlent. Un contact anodin, un simple effleurement. Pourtant, un frisson me parcourt et mon pouls s'accélère. Nos regards se croisent, s'accrochent, tandis que l'air autour de nous devient électrique.
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mima77
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Il y a 9 jours
Ady Regan
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Sarael
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Ady Regan
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Mayana Mayana
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Ady Regan
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Marie Andree
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Soäl
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Ady Regan
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