Fyctia

Joan

Dehors, la pluie redouble. On se demande comment autant d’eau peut tenir à l’intérieur de simples nuages.

J’observe Lou de dos, qui rejoint Lily, et une jeune fille attablée avec elles.

Trop jeune pour être leur amie. Une cousine ? Une nièce ?

Cette jeune femme est très belle, et elle semble inaccessible. De grands yeux verts en amande, une magnifique chevelure bouclée dans laquelle on a envie de passer ses doigts. Ses lèvres pulpeuses et son joli petit cul que je contemple à l’instant la rendent vraiment irrésistible. Elle n’a pas l’air sensible à mon charme. C’est curieux, habituellement je plais à toutes les femmes, quel que soit leur âge.

Je souris d’un air de défi.

Ce que la belle Lou ignore, c’est que j’adore quand on me résiste. C’est la même sensation en montagne, quand je dois franchir une arête difficile, ou atteindre un sommet qui exige beaucoup d’efforts, assortis d’une grosse prise de risque. Je n'aime pas les victoires faciles.

Je ne vais pas la laisser rentrer chez elle sans lui rappeler encore un peu ma présence.

Je me rapproche de la table où se trouvent mes amis de l’ONF, en me plaçant face aux trois jeunes femmes, et j’essaie de capter quelque chose qui pourrait me permettre de leur parler.

C'est difficile. Les voix graves de mes compagnons couvrent les leurs, et je ne comprends pas grand-chose. Je profite d'une accalmie dans notre conversation, et intercepte quelque chose d'intéressant de leur côté.

La plus jeune, qui me paraît avoir à peine atteint la puberté, répond d’un air à la limite de l’insolence en regardant Lou.

— Oui mamaaaan !

J’en suis stupéfait ! Cette petite est sa fille ! Pas croyable ! Elle a été mariée de force à 12 ans ou elle ne fait pas du tout son âge ! Je suis tellement surpris que je ne peux m’empêcher de les interrompre.

— Maman ! Je pensais que cette jeune fille était votre petite cousine, ou votre sœur ! Vous vous ressemblez beaucoup.

Lou se tourne vers moi et me jette un regard noir, enfin plutôt vert sombre, ou vert sapin.

Je pourrais même dire que ça sent le sapin pour moi ! Elle a l’air très en colère.

C’est vrai que ce que je viens de dire est nullissime. C’est tout moi ça ! Je ne réfléchis jamais avant de parler. J’aurais pu attendre de trouver mieux pour les aborder, c’est sûr. Allez Joan, sort les rames !

Heureusement, Lily ne perçoit pas le malaise de son amie, et me répond en riant.

— C’est vrai qu’elles se ressemblent terriblement ! On dirait la même personne, mais avec une génération d’écart.

— Une courte génération alors !

J’assortis mon compliment d’un clin d’œil à la maman pour tenter de l’amadouer un peu.

Elle me fait un sourire forcé lèvres pincées, et soupire.

Elle a l’air de penser très fort « lâche moi les baskets gros lourd ! ».

Je ne baisse pas les bras.

— Quel est le prénom de cette jolie jeune fille ?

Lou se tourne vers elle et lui demande d’un air sarcastique :

— Le monsieur demande comment tu t’appelles chérie. Il n’est pas dangereux. Tata Lily le connaît. Tu peux lui dire.

La jeune ado daigne interrompre le va-et-vient de ses couverts entre son assiette et sa bouche pour me répondre, la bouche pleine.

— Bonjour, je m’appelle Mila. Et vous ?

— Joan. Enchanté Mila. Je vais vous laisser terminer votre repas !

Je fais un grand sourire à Lily, qui a l’air d’être la seule à apprécier ma présence, et je m’éclipse avant de ruiner totalement mes chances.

Je retourne vers le bar.

Il faut que Mimi m’en apprenne plus sur cette jeune femme pour que je paraisse moins bête la prochaine fois que je lui parlerai.