Fyctia
Hazel 4.2
Je n’attends pas qu’il réplique quoi que ce soit et tourne les talons pour retrouver rapidement mon antre. Je m’assois dans mon fauteuil et me cache le visage de mes mains. Mon esprit est en ébullition. Cependant, je tente autant que faire se peut de recouvrer un semblant de calme. Je dois désormais faire abstraction d’hier soir. Joshua est dorénavant un simple collègue et c’est peut-être mieux ainsi.
Toc Toc
Je découvre Emma sur le seuil de ma porte, deux tasses de café à la main.
— Tu as l’air d’en avoir besoin, dit-elle en s’approchant et en m’en tendant une.
— Merci, je souffle.
— Tu le connais ?
Je reconnais bien là sa franchise et sa perspicacité.
— On peut dire ça, je marmonne, n’ayant que peu envie de m’épancher sur la question.
— Mais encore ?
Je soupire et me renfonce dans mon siège, tout en buvant une gorgée du liquide brun.
— C’est le grand frère d’une amie de Maddie.
Emma pivote légèrement pour observer vers le bureau de Joshua. Il n’est pas loin, de l’autre côté du couloir à deux bureaux d’intervalle.
— Tu crois que je peux aller me présenter ?
Sa question m’interloque et cela doit se peindre sur mon visage, car elle poursuit :
— Sauf si c’est chasse gardée, bien sûr, mais il faut dire qu’il est absolument divin à regarder.
Je ne peux pas la contredire. Que ça soit en costume ou en jeans, Joshua dégage du charisme et une prestance qui m’a attirée dès la première fois où je l’ai vu. Mais c’est fini tout ça.
— Non, aucune chasse gardée ici. Surtout qu’il est plus dans ta tranche d’âge que la mienne, je déclare.
Je ne sais pas ce qui me pousse à dire ça. Avoir Joshua en tant que collègue ne va déjà pas être facile à vivre tous les jours, mais, si en plus il sort avec Emma, j’ignore comment je vais réussir à gérer ça. Même si je dois bien avouer que tous les deux formeraient certainement un très beau couple. Beaucoup plus réaliste que Joshua et moi. Qu’il n’y aura jamais de toute façon.
La silhouette de l’homme, qui avait fait battre mon cœur à tout rompre encore hier soir, apparait derrière celle d’Emma.
— C’est bon, je suis installé.
Sa voix rauque résonne dans la petite pièce. Nos yeux s’accrochent dans une danse silencieuse de regrets et de désirs non résolus pour ma part. Le silence s’établit, lourd et étouffant. Je détourne le regard vers des documents posés sur mon bureau, cherchant désespérément une échappatoire.
Emma se racle la gorge, me sommant muettement de reprendre contenance.
— Bien, allons-y, dis-je en me levant.
Lorsque je passe auprès de Joshua, je tente de maîtriser mon palpitant et mes mains tremblantes. Il me suit dans un silence toujours aussi inconfortable. Arrivés face à l’open space réservé aux graphistes et toute l’équipe Design, je le présente au groupe. Tous les regards sont tournés vers leur nouveau manager. Certaines et certains sont en pâmoison devant le charisme qu’il dégage.
— Je vous laisse avec Joshua pour vous présenter chacun votre tour. Joshua, nous nous retrouvons cet après-midi avec les autres chefs d’équipe pour te décrire nos projets en cours.
Encore une fois, je n’attends pas qu’il réplique pour m’éclipser rapidement.
— Hazel !
Je me fige dans le couloir, trop consciente de sa proximité. Néanmoins, je me tourne pour lui faire face.
— Ça va se passer comme ça entre nous, désormais ?
Son ton est doux, prévenant, à l’image de ce qu’il était hier soir avec moi après le départ d’Owen. Je tente d’enfouir ce genre de souvenirs.
— Oui, Joshua. Nous ne sommes que collègues.
— Alors hier soir…
Je le stoppe en levant la main et en hochant la tête de droite à gauche.
— Non, il n’y a plus d’hier soir. Fais comme si tu ne me connaissais pas et je ferais pareil. C’est mieux ainsi.
Je tente de prendre une voix froide, mais celle-ci tremble légèrement. Je serre les poings pour éviter de triturer mes doigts et qu’il décèle de cette façon tout ce que je m’efforce de cacher.
— Pour qui ?
— Pour tout le monde, je bredouille.
— Pas pour moi, murmure-t-il.
Un morceau de mon cœur s’effrite et s’écrase quelque part dans ma poitrine. Je n’en ressortirai pas intact, mais il mérite mieux que ça.
— Tu t’y feras, dis-je avant de tourner les talons pour me réfugier dans les toilettes les plus proches.
Je m’enferme dans une cabine et m’adosse contre la porte, puis me laisse glisser jusqu’à ce que mes fesses touchent mes chaussures.
Comment vais-je pouvoir travailler avec lui après tout ce qui s’est passé ? Aussi court, ce fut très intense. La façade professionnelle que j’essaie de maintenir depuis son arrivée menace de s’effondrer à chaque instant partagé avec Joshua. J’inspire une nouvelle fois, puis retourne dans mon bureau.
À cet instant précis, je maudis notre employeur d’avoir voulu des bureaux vitrés de toute part, ne nous offrant aucune intimité. J’ai tellement de pain sur la planche que je ne peux pas me permettre de prendre ma journée ni ma matinée et encore moins de la passer dans les toilettes.
Je sais que je dois trouver un moyen de naviguer dans cette nouvelle dynamique sans perdre pied. Mais pour l’instant, je me contente de respirer profondément et d’espérer que ma façade tienne bon jusqu’à la fin de la journée. Ce n’est pas gagné.
Emma fait de nouveau irruption dans mon bureau, des dossiers à la main cette fois-ci.
— Contrairement à ce que tu as voulu me faire croire tout à l’heure, je n’ai pas intérêt à approcher Joshua, s’exclame-t-elle d’un ton détaché.
— Qu’est-ce que tu racontes ? je feins en saisissant un dossier que j’ouvre précipitamment, ayant pour conséquence de faire voler des feuillets à travers la pièce.
Emma se baisse avec moi pour les ramasser tout en poursuivant :
— Il n’a cessé de te dévorer des yeux, ici, en te suivant et après lorsque vous vous êtes parlé dans le couloir, puis quand tu es partie.
Ces parois vitrées sont vraiment une très mauvaise idée.
— Ne dis pas n’importe quoi, je marmonne. Je suis bien trop vieille pour lui, tu es plus à même de le conquérir.
Emma pose sa main sur la mienne m’obligeant à arrêter mon geste et à relever les yeux vers elle.
— J’ignore ce que tu me caches, mais je suis là. Je ne te jugerai pas.
— Il n’y a rien à dire, Emma. Je ne sais pas ce que tu t’imagines, j’énonce d’une voix à peine audible.
Un raclement de gorge nous fait sursauter toutes les deux. Nous nous relevons de concert pour trouver Joshua dans l’embrasure de ma porte.
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