Fyctia
Chapitre 9 - Liam (1/2)
La conversation que j’ai eue avec Jade il y a deux jours tourne en boucle dans mon esprit. Il m’est impossible de songer à ouvrir mon cœur à qui que ce soit. En réalité, je crains plus pour la femme qui partagera ma vie que pour moi. Je crains de faire du mal à quelqu’un qui s’approcherait trop près des barrières que j’ai érigées.
Je sais que Jade n’a pas tort et je comprends son point de vue, mais je suis terrorisé. En effet, même quand je commence à envisager l’idée d’une vraie relation, l’image d’Angie s’impose dans mes pensées, altérant mon jugement.
Angie, la seule femme que j’ai jamais aimée, celle qui a bouleversé mon existence, la femme pétillante qui fédérait tout le monde autour d’elle. La femme que j’ai tuée, car j’étais insensible, inconscient. Son regard vert émeraude hantera mes pensées pour le restant de mes jours. Elle était tout, et à cause de moi, elle n’est plus. Rien que de l’imaginer, mon cœur se serre. Je secoue la tête pour reprendre mes esprits et chasser son image : je ne mérite même pas de penser à mon amour de jeunesse.
Face au miroir de ma salle de bain, je me ressaisis et m’asperge le visage d’eau fraîche. Ce soir, c’est repas de famille. Mon frère rentre de Bordeaux où il travaille comme coach sportif. Nous le voyons très peu, mais il vient d’être promu Directeur de sa salle de sport et mes parents l’ont presque supplié de rentrer à Paris pour fêter cette promotion.
Je ne suis plus proche de lui : d’une part parce qu’il déteste la « vie de riche » que nous menons, comme il l’appelle, mais surtout parce que les événements que nous avons partagé dans notre jeunesse nous ont séparés. Nous nous sommes éloignés après le drame. Il est le seul à savoir exactement ce qui s’est passé avec Angie et ne me le pardonne pas, tout comme je suis incapable de me pardonner à moi-même. Alors je le laisse me blâmer et j’encaisse sans broncher, conscient que je mérite cette hostilité.
Mes parents, quant à eux, ne sont pas au courant de mes erreurs passées. Ils ne comprennent pas sa haine envers moi et tentent par tous les moyens de nous rapprocher. Alors régulièrement, avec l’espoir de nous réunir, ils nous invitent tous les deux, comme si tout était normal. Ce soir, nous allons nous retrouver tous les quatre, comme au bon vieux temps, dans leur appartement proche de Montmartre. J’ai déjà peur de l’issue de cette soirée, mais je n’ai pas le choix.
Je monte dans un taxi, et passe tout le trajet plongé dans mon téléphone, jusqu’à ce que la voiture s’arrête. Je règle et donne un généreux pourboire au chauffeur, puis je m’extirpe de l’habitacle sans grande motivation. Je monte jusqu’à l’appartement où ma mère m’accueille, tout sourire. Aurélie Williams est une belle femme, brune aux yeux verts, avec de petites rides au coin des yeux lorsqu’elle sourit. Elle me prend dans ses bras et je respire cette douce odeur de fruits rouges qui la caractérise.
– Bonjour maman, ça me fait vraiment plaisir de te voir.
Je resserre mon étreinte autour d’elle, m’imprégnant de ces effluves qui m’apaisent. J’ai toujours été très proche de ma mère, et elle est la personne que je souhaite rendre heureuse coûte que coûte. C’est la raison pour laquelle je me trouve ici ce soir, malgré mon appréhension.
– A moi aussi, mon grand. Tu m’as manqué.
Elle m’ébouriffe les cheveux :
– Viens, ton père et Eliott sont déjà à table.
Je passe trop peu de temps ici. Je vois mon père au quotidien, mais ma mère, qui ne travaille pas, ne vient pas souvent au bureau. Aussi, je me promets de venir lui rendre visite plus régulièrement.
Je la suis dans le vestibule et entre dans la pièce à vivre. Mes parents vivent dans un appartement de type haussmannien, avec ses parquets en bois, ses hauts plafonds et ses moulures décoratives. Tout a été pensé par ma mère afin de faire de ce lieu un endroit chaleureux. Je salue mon frère, que je n’ai pas vu depuis des mois. Il se ferme à mon arrivée et me regarde à peine.
– Salut, fait-il du bout des lèvres.
– Comment tu vas ? Comment va la vie à Bordeaux ?
– Bien.
Il ne m’a pas regardé une seule fois pendant cette brève conversation. J’attends qu’il me retourne la question, mais il n’en fait rien. Cela m’attriste. A vrai dire, je ne sais pas à quoi je m’attendais : tant que nous n’aurons pas une discussion franche et sincère, nous n’arriverons jamais à retrouver un semblant de complicité. Et même si je ne sais pas si je suis réellement prêt à discuter de ce soir-là, s’il me confrontait, je sais que je lui répondrais : pour que mon petit frère comprenne enfin que c’était un accident.
Pendant l’apéritif, mes parents essaient d’animer la conversation en posant des questions sur la vie bordelaise de mon frère, mais celui-ci ne répond que par monosyllabes. Je prends très peu part à la discussion, un peu refroidi par l’attitude de mon cadet depuis mon arrivée. Pourtant, ma mère tente par tous les moyens :
– Tu as rencontré quelqu’un ?
– Non.
– Tu te sens toujours bien dans ton appartement ?
– J’ai déménagé.
– Ah bon ? Où ça ? Et pourquoi ? Et ton nouveau boulot, il te plaît ?
– Ouais.
Je constate que ma mère retient ses larmes, et ça me rend fou de la voir tout donner pour un fils qui ne veut pas d’elle. Alors qu’elle s’apprête à poser une nouvelle question inutile, je pose ma main sur son bras pour l’en dissuader.
– Et si nous passions à table ?
Elle se lève pour aller chercher le plat à la cuisine, accompagnée de mon père. En temps normal, je les rejoindrais pour les aider, mais j’ai des comptes à régler avec Eliott. Je plante un regard dur dans le sien :
– Tu souhaites faire pleurer maman avant la fin du repas ?
Il ne cille pas en répondant :
– Je préfèrerais te faire pleurer toi.
– Eliott, si tu veux me faire payer pour cette nuit-là, tu peux. Mais laisse papa et maman en dehors de ça.
J’ai essayé de baisser la voix pour éviter que mes parents ne nous entendent depuis la cuisine. Mon cœur bat la chamade : je ne suis pas prêt à ce qu’il me parle d’Angie, mais je sais qu’il le faudrait.
– Je ne veux pas parler de cette nuit-là. Tout comme je ne veux rien avoir à faire avec toi.
– Et bien, soit. Je ne viendrai plus quand tu es là ! Mais laisse maman en dehors de ça. Elle t’aime, bon sang, qu’est-ce qu’il te faut de plus pour que tu daignes la traiter comme ta mère ?
– Je n’ai pas envie d’être associé à cette famille, crache-t-il. Vous n’êtes que des individus bourrés de secrets. Les parents ne te connaissent même pas réellement, et ils agissent comme si tu étais l’enfant prodigue. Tant que tu rapportes du business, tu pourrais tuer toutes les Angie du monde, tu resterais toujours leur préféré !
Ses paroles me donnent l’impression d’une balle en plein cœur. Je n’ai même pas le temps de répondre qu’il se lève, jette sa serviette sur la table, et quitte l’appartement. J’entends ma mère fondre en larmes dans la cuisine en entendant la porte d’entrée claquer. Et je ne peux que m’en vouloir, car je me sens responsable de cette situation.
73 commentaires
Anaïs Tehci
-
Il y a 2 mois
Aline Puricelli
-
Il y a 2 mois
_Celestya_
-
Il y a 2 mois
Mad May
-
Il y a 2 mois
Aline Puricelli
-
Il y a 2 mois
Hello_Darling
-
Il y a 2 mois
Aline Puricelli
-
Il y a 2 mois
Krissa Danos
-
Il y a 2 mois
Aline Puricelli
-
Il y a 2 mois
mima77
-
Il y a 2 mois