Aline Puricelli Quand les feuilles tomberont Chapitre 4 - Olivia

Chapitre 4 - Olivia

Je n’ai finalement pas voulu rentrer directement, par peur de l’ambiance qui allait régner à la maison. A la place, je me suis arrêtée dans un petit café à proximité du Jardin des Tuileries pour m’acheter un latte que je suis allée boire sur un banc en laissant libre court mes pensées. Ces moments de calme sont sacrés pour moi, et ce jardin est mon refuge. Je m’y sens bien, heureuse et sereine. Je me connais : après le sermon de Louis à l’hôpital, j’avais besoin d’un moment pour me détendre avant de me retrouver confrontée à mes parents.


Une fois mon café terminé, je me rends compte que même si l’air s’est réchauffé par rapport à ce matin, je ne suis pas assez vêtue pour la saison. En effet, j’ai toujours la tenue que je portais à la soirée hier soir, avec une paire d’escarpins. Mes jambes sont nues sous ma longue robe bleue et je me surprends à frissonner.


Prête à affronter mes démons, je me décide enfin à rentrer chez moi. Arrivée en bas de l’immeuble, je prends l’ascenseur. J’aime beaucoup l’appartement que nous partageons tous les trois, mais il est vrai que j’aspire à plus d’autonomie. Je rêve d’avoir enfin mon propre chez-moi, de pouvoir écouter ma musique pour cuisiner, pouvoir lire un livre sans être dérangée, ne pas voir le regard réprobateur de ma mère me suivre partout où je vais. Malheureusement, j’ai beau avoir demandé maintes et maintes fois et donné tous les arguments à mes parents pour emménager seule, c’est quelque chose qu’ils ne veulent pas envisager pour le moment, pour des raisons que j’ignore. Je pense qu’ils préfèrent me garder auprès d’eux afin de pouvoir me façonner à l’image et l’avenir qu’ils ont prévu pour moi.

J’ai suivi des études en immobilier car c’est la voie qu’ils m’ont choisie, mais ça n’a jamais été mon ambition. Dans mes rêves les plus fous, je suis styliste pour une grande maison de Haute Couture. J’ai toujours espoir de réussir à leur faire entendre raison, bien que je sache au fond de moi que ça n’arrivera jamais.


Lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrent, je me dirige directement vers ma salle de bain. Après ma nuit à l’hôpital, je sens que j’ai besoin de me rafraîchir. Je traverse le salon pour aller jusqu’à ma chambre, située à l’opposé de l’appartement. La pièce de vie est décorée avec soin dans des tons clairs, rehaussés par des meubles en bois, ce qui donne un côté chaleureux à l’environnement.

Alors que j’avance dans l’appartement à pas feutrés, j’entends mon père dans son bureau situé au bout du couloir, en pleine conversation avec un homme. La discussion a l’air houleuse des deux côtés, mais je ne reconnais pas la voix de la personne qui l’accompagne. Je suis étonnée, car mon père ne reçoit jamais aucun rendez-vous professionnel à la maison. Il s’arrange toujours pour être dans ses bureaux lorsqu’il rencontre des clients, des fournisseurs ou des investisseurs. Je ne pensais pas que la situation pouvait être aussi critique.

J’essaie de m’approcher pour comprendre la raison de sa colère, mais à peine ai-je fait un pas dans sa direction, que ma mère sort de son propre bureau, situé au plus proche de l’entrée :


– Olivia. Où étais-tu ?


Chaleureux accueil, à ce que je vois.


– Bonjour. Je suis allée boire un café au parc.


– Bien. Qu’a dit Louis ?


Elle s’adresse à moi la bouche pincée et le regard sévère. Je sais qu’elle le fait uniquement pour maintenir un semblant de communication et que ma réponse ne l’intéresse pas le moins du monde. Mais aujourd’hui, je n’ai pas envie de me taire une fois de plus, alors je lui réponds, sarcastique :


– Il m’a dit que je devais faire attention. Etonnant, n’est-ce pas ? D’ailleurs, je tiens à te remercier d’être venue me soutenir hier soir et ce matin, maman.


Je crache ce dernier mot, qui laisse un goût amer dans ma bouche.


– Ma chérie, si je venais à chaque fois que tu fais un malaise, je passerais ma vie à l’hôpital. Tu sais bien que j’ai d’autres choses à faire que de m’occuper de ça, dit-elle en me désignant d’un geste de la main. Si tu prenais ton traitement correctement et que tu arrêtais tes simagrées, tu perdrais moins de temps à te morfondre dans les hôpitaux.


Elle tourne les talons, me laissant clouée sur place, la bouche formant un « O » parfait. Même lorsque j’essaie de lui faire comprendre qu’elle ne remplit pas son rôle de mère, elle trouve le moyen d’avoir le dernier mot. Je déteste sa façon de me faire culpabiliser concernant mon état de santé. Je n’ai jamais demandé à naître, et encore moins avec cette maladie avec laquelle je dois composer depuis toute petite. Je sais qu’elle a beaucoup souffert pendant son accouchement et qu’elle ne peut plus avoir d’enfants à cause de moi, mais ce n’est pas une raison pour m’en vouloir. Je devrais avoir l’habitude, mais ses mots me blessent toujours autant.


Les épaules lourdes, je me dirige d’un pas traînant vers ma chambre. C’est une pièce vaste, qui comporte un lit, un bureau et une coiffeuse. A droite de l’entrée, une porte coulissante donne sur un dressing indécent. La salle de bain est située de l’autre côté de la pièce. J’aime beaucoup cet endroit, que j’ai pris le temps d’aménager à mon goût, avec une décoration que je change au gré des saisons. Je retire ma robe, la jette sur mon lit et entreprends de me glisser sous la douche. Alors que le jet d’eau brûlant ruisselle sur moi, je pense à tout ce que j’ai fait dans ma vie, et le constat m’attriste. J’ai peu d’amis, je n’ai eu qu’une relation qui me hante encore, mes parents ne tiennent pas à moi, mon avenir professionnel m’est imposé, et je suis destinée à mourir plus tôt que le commun des mortels. De quoi se réjouir.

Je reste encore un peu sous l’eau et lorsque j’en sors, je me sens déjà un peu revigorée. J’enfile un pantalon fluide rose pâle, un chemisier blanc, des baskets blanches et une veste en jeans. Il est à peine midi, le soleil brille dans le ciel, et malgré mon début de journée chaotique, je ne compte pas me laisser abattre !


Je file à la cuisine en espérant ne croiser personne et en profite pour me préparer une salade que j’engloutis en moins de cinq minutes. Je ne veux pas arriver trop tard au café, et j’ai hâte de passer du temps avec Diane. Je jette un œil à la pendule murale : 14h02. J’attrape mon sac, dans lequel j’ai glissé mon ordinateur et mes croquis de vêtements, et je m’éclipse de l’appartement sans un bruit.

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158 commentaires

EdeneMontagnol

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Il y a un mois

Tes descriptions sont incroyables, on est super bien immergé dedans ! Cette mère a l'air affreuse, même si elle ne peut plus avoir d'enfant, ce n'est certainement pas la faute de sa fille !

Dine79

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Il y a un mois

J'ai l'impression de lire un livre illustré tellement les scènes et l'environnement sont bien décrits. On sent qu'il y a beaucoup de nons dits et d'incompréhensions entre la mère et la fille. On a la sensation d'une mère froide et distante mais je suis presque certaines que c'est parce qu'elle refoule beaucoup de choses, voir, qu'elle dissimule quelques secrets de jeunesse...

La Plume d'Ellen

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Il y a un mois

Bon si je préfère ton héroïne c'est peut-être du fait de sa maladie et du contexte familial 😉

Aline Puricelli

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Il y a un mois

Peut-être que quand on se "retrouve" dans un personnage on s'y attache davantage <3

labibliothequedeflavie

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Il y a 2 mois

On se doutait que la relation avec ses parents n'était pas ouf mais voir le comportement de la mère... Certaines claques se perdent. Je comprend mieux le besoin de liberté et d'indépendance d'Olivia entre sa maladie et ses parents qui lui dictent tout sa vie. On espère que les choses vont changer.

Olympiaa

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Il y a 2 mois

franchement il y a pas grand chose a dire. ta plume est parfaite. tu es pro ? amatrice ? parce que ça sent l'expérience ^^

Aline Puricelli

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Il y a 2 mois

Alors ça c'est adorable ! Mais non, c'est mon tout premier roman <3 totalement amatrice !

Olympiaa

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Il y a 2 mois

et beh... j'aimerai savoir écrire comme toi !

_Celestya_

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Il y a 2 mois

Je déteste déjà la mère. Olivia me fait de la peine, j'espère qu'elle pourra aspirer à la vie dont elle rêve par la suite.

Natia Kowalski

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Il y a 2 mois

Quelle vie, quand même ! Olivia mérite carrément d'être aimée. Elle a du courage de vivre avec sa maladie et une famille telle que la sienne ! J'ai hâte de lire sa première rencontre avec Liam !
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