Fyctia
Chapitre 9 : Ana 🥪
Vendredi 25 octobre 2024
Je scrolle les derniers CV que j’ai reçus. Tous les ans, il y en a de plus en plus, preuve que le message passe entre les étudiants : je suis une excellente maîtresse de stage. Je ne réprime pas le sourire qui flotte sur mes lèvres, celui-ci n’appartient qu’à moi, ce plaisir d’être reconnue à ma juste importance.
Le dernier en date est celui de… je remonte en haut de la page. Ah oui, Mélanie. Il est plutôt intéressant, elle a déjà fait un stage d’observation de quelques jours dans un IME l’année précédente - ça, ça sent le piston - et du bénévolat pour une association apportant de l'aide aux personnes âgées. Si j’en crois les notes qu’elle obtient dans ma matière, c’est de surcroît une bonne élève. Et puis, il y a ce petit truc quand elle est venue me voir à la fin du cours hier. Cette franche admiration dans le regard, peut-être une sorte d’ambition aussi. J’aime ça. Il faut également dire qu’elle est plutôt jolie à contempler. La photo sur son CV ne rend pas hommage à son corps menu, ses traits délicats et ses yeux d’un bleu gris.
— Eh Ana !
Cassandra passe sa tête blonde par la porte entrouverte de mon bureau.
— Tu viens déjeuner avec nous ?
— Faut que j'aille à la boulangerie, j’ai pas eu le temps de me préparer quelque chose.
Elle pousse la poignée pour faire entrer sa silhouette ronde.
— Je dois y aller, je te prends un truc si tu veux.
Psychomotricienne à la clinique, Cassandra est une des rares collègues avec qui j’apprécie de manger le midi.
— Je veux bien oui.
— Bagnat au thon ?
— Oui, merci !
Elle sort avec un clin d'œil amical. Je choisis toujours la même chose et elle le sait.
Je reporte mon attention sur le CV de Mélanie. J’ai déjà accepté de prendre Ludmilla comme stagiaire sur mes deux jours de présence à la clinique, mais je pourrais leur accorder une journée à chacune. Avoir deux stagiaires à la place d’une, c’est plus de travail pour moi, mais ça pourrait être très plaisant. Ce sera elle ou Antoine je-sais-plus-comment. Il vient d’une autre fac que Paris Cité, mais est plutôt pas mal à regarder aussi. Un homme, ça changerait. Pourquoi pas.
Je referme les dossiers contenant son CV et sa lettre de motivation. Dans le corps de son mail, entre les formules révérencieuses, Mélanie m’a indiqué son numéro de portable alors qu’il est déjà présent dans ses fichiers. Conscienciosité ou coup de stress ?
L’écran de mon téléphone en silencieux s’allume et attire mon attention. Caroline. Je fais dérouler la notification pour lire ce qu’elle m'envoie sans ouvrir le message. Mon sang se fige. Non. Non, c’est pas vrai. Une étudiante retrouvée morte. Une photo de ladite étudiante. Je la reconnais immédiatement. C’est une de mes L3. Je lui ai parlé hier. C’est pas possible, pas elle. Mon regard se perd sur le mail toujours affiché sur mon ordinateur. Mon esprit tourne en accéléré. Pourquoi elle. Pourquoi encore un mort. Pourquoi encore une personne que je connais. Une personne que je connais directement. Si une seule occurrence peut relever du hasard, ce n’est plus le cas quand ce genre d'événement se produit à deux reprises. Pas avec des paramètres aussi similaires. Pas alors que j’ai la sensation de devenir un dénominateur commun.
Une vague nausée me gagne, propulsée dans tout mon corps par mon sang qui pulse avec violence. Je claque l’écran de mon PC, verrouille mon téléphone. Qui. Putain, qui ?
6 commentaires
Alsid Kaluende
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Il y a 7 jours
Gottesmann Pascal
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Il y a 2 mois