Emy_pwr Psychanalyse d'une bête à cornes Un affront de plus

Un affront de plus

Le regard de l'animal soutient le sien. Elle déglutit. Le cou tendu, la vache approche le museau de son visage pour humer l'air. Elle expire un grand coup. Christelle sens des gouttelettes atterrir sur ses joues. Dégueu !

– Aller, casse toi, murmure-t-elle avec un léger signe de la main.

– Je crois qu'elle vous aime bien, finalement ! annonce Julia en s'approchant.


La jeune femme fait glisser sa main le long de l'échine de la génisse jusqu'à son arrière-train. Elle se laisse volontiers gratter le dos. Puis elle tourne la tête, agite ses oreilles d'avant en arrière et secoue la tête.

– Je sais que tu adores ça, Albertine, mais va rejoindre les autres maintenant. Heï, Heï ! scande-t-elle.

D'un pas tranquille, la vache s'éloigne, non sans une dernière œillade en direction de Christelle qui la regarde disparaitre au milieu des autres.

– Merci pour le coup de main. Ça n'était pas si compliqué que ça finalement !

– Je dois avouer que je n'étais pas tranquille.

– Vous pouvez me faire confiance, vous savez. Je sais ce que je fais.

– Permettez-moi de douter. On ne se connait pas suffisamment pour que je vous suive aveuglément.

– Et pourtant, votre initiative de ce matin n'a pas été couronnée de succès.

– Hmmm. Et je crois que mes fringues sont fichues.

– La tenue n'était pas vraiment adaptée.

– Je vous rappelle que je n'étais pas censée me retrouver en camping à la ferme ! À l'heure qu'il est, je devrais être à la plage en train de siroter un bon verre de rosé sur un transat, à l'ombre d'un parasol, un livre entre les mains.

– Et vous vous baignez aussi en escarpins ? demande-t-elle moqueuse.

Elle baisse les yeux, suivant le regard rieur de Julia sur ses pieds.

– Ce ne sont pas des... Oh ! Et puis merde! conclut-elle vexée.


Elle laisse Julia hilare derrière elle et rejoint la cour. Le soleil l'éclaire d'une belle lumière. Elle y a repéré une petite table agrémentée de deux chaises. Elle sort le bouquin glissé le matin même dans son sac à main. Ça ne sent pas les embruns, mais ça fera la mère zinzin !


***

– De quoi parle votre bouquin ?

Christelle relève le nez, la bouche entrouverte. Le temps de quelques chapitres, elle s'est laissée transporter dans un univers plus paisible. Un coup d'œil à sa montre lui indique qu'elle est assise ici depuis près d'une heure.

– Merde !

– Quoi encore ?

Elle tend le bras pour lui montrer le bracelet en cuir taché de bouse avec une moue exagérée. Elle va devoir quémander pour l'usage du robinet.

– Je vous propose de nettoyer cette vilaine tâche et si vous le souhaitez, je peux vous conduire chez Gérard. Il a dû mettre votre précieuse voiture sur le pont à l'heure qu'il est.

– Je n'ai rien de mieux à faire, de toute façon, acquiesce-t-elle en se levant.


Le garage n'est qu'à quelques kilomètres. L'air est irrespirable dans l'habitacle du SUV. Christelle ferme les yeux pour tenter de visualiser la mer, la brise de la côte, le chant des mouettes, l'odeur du rosé frais, le rire de ses amies. C'est la déprime. Quant elle les réouvre, au lieu du bleu azur à perte de vue, l'enseigne du Garage de Praden trône à l'horizon.


– Vous n'avez pas la clim dans votre voiture ? reproche-t-elle en descendant.

– Ça n'est pas très écolo.

– Forcément, grommelle-t-elle en levant les yeux au ciel.

– Vous tombez bien ! clame Gérard en les voyant. C'est bien ce que je craignais. Le radiateur est à changer et le cardan avant droit aussi.

– Et alors, ça va coûter combien cette histoire ?

– Personne ne va pouvoir répondre à cette question avant demain. C'est férié aujourd'hui ma p'tite dame ! Mais d'expérience et compte tenu de la valeur du véhicule, je pense pouvoir vous réparer ça pour moins de mille deux cent euros, tout compris.

– C'est hors de prix, laisse-t-elle échapper.

– Dit la Parisienne qui se balade avec une caisse à cinquante mille, marmonne-t-il. Y'en a au moins pour six cents euros de pièces et plusieurs heures de travail, vous savez. Mais je vous invite à contacter d'autres collègues pour comparer si vous voulez. Je pense qu'ils seront tous ouverts dès lundi, taquine-t-il.

– Pas la peine, soupire-t-elle dépitée. Allons-y comme ça.

– Mon oncle n'est pas un escroc, si c'est ce que vous sous-entendiez, lui chuchote Julia.

– Pardonnez mon scepticisme mais...

– Oui, je sais, coupe-t-elle, les garagistes et les assureurs ne sont pas vos amis !


D'un simple regard, Christelle lui signifie son exaspération. Il est temps qu'elle cesse de lui en vouloir pour ses réflexions, elle a tout de même fini dans le fossé ! Dès demain, elle compte bien se barrer de ce trou. Et puisqu'elle y songe, elle profite du réseau pour rappeler son assurance.


– Non, vraiment, je ne sais pas pourquoi je vous paye ! hurle-t-elle depuis le bord du chemin. Comment ça pas de taxi avant samedi ? [...] Ça n'est pas mon problème ça, c'est le vôtre ! [...] Me calmer ? Vous rigolez j'espère ! [...] On voit que ça n'est pas vous qui êtes coincée chez les bouseux à l'autre bout du pays ! [...] Démerdez-vous comme vous voulez, mais je veux rentrer chez moi, bon sang ! [...] Me rappeler ? Non, non, non, vous allez me donner une solution immédiatement. Allo ? Allo ?


Lorsque son téléphone touche le sol, il vole en éclats. La tête entre les mains, elle retient des larmes de rage. Personne sur cette foutue planète ne se préoccupe donc de son sort ? Pas même ceux qu'elle paie pour ça ? C'est une honte, un scandale ! Passant devant Julia, elle comprend que sa conversation n'est pas passée inaperçue. Tant mieux, pense-t-elle, après tout, la faute à qui ?

– Votre foutue vache m'a bien mise dans la merde ! lui crache-t-elle en passant.

Aux yeux écarquillés de la jeune femme, elle comprend sa consternation. Ce qui est consternant, c'est surtout l'inefficacité des gens !

– Bon, puisqu'il semble que je doive me débrouiller pour à peu près tout, puis-je vous confier ma voiture jusqu'à ce que je revienne la chercher ? Je vous laisse me contacter pour le devis que je serais obligée de valider de toute façon, annonce-t-elle au garagiste sur un ton sec.

– Si vous comptez venir la chercher dans trois mois, je ne vais pas pouvoir la garder. Dans le cas contraire, je vais lui trouver une place dans le parc auto. Disons, deux semaines.

– Faites-moi plaisir, ne la mettez pas au milieu des tas de ferraille que je vois là-bas, désigne-t-elle. J'aimerais qu'elle soit garée à l'intérieur.

– Hein ? demande-t-il d'un air halluciné.

– C'est possible de la stationner à l'intérieur, oui ou non ? s'énerve-t-elle.

– Elle ira où je pourrais la mettre ! répond-t-il sous le choc. Et si ça ne vous plait pas, vous n'avez qu'à la reprendre, sermonne-t-il en lui jetant les clés qu'elle n'essaie même pas d'attraper au vol.

Cette fois, c'est au tour de la télécommande de se fracasser sur le sol bétonné.


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14

14 commentaires

Lyaminh

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Il y a 4 ans

Sa vraie nature revient comme un cheval au galop ! Ou une vache dans le pré, comme tu veux 🙊🤦 Elle va en bouffer de la campagne, ça va lui faire les pieds 👣 !😃😃😃 Récit toujours aussi savoureux et enjoué, du bon Feel good !

Angèle G. Melko (ColibriJaune)

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Il y a 4 ans

un pas en avant, trois pas en arrière...

Cendre Elven / Mary Ann P. Mikael

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Il y a 4 ans

Elle est insupportable

Emy_pwr

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Il y a 4 ans

🤣

cedemro

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Il y a 4 ans

Petit +3 pour te donner un coup de pouce !

Sabrina A. Jia

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Il y a 4 ans

Coup de pouce

Emma Hermosa

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Il y a 4 ans

Petit coup de pouce

Aziliz Bargedenn (Melocoton)

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Il y a 4 ans

Je la déteste vraiment cette Christelle !

Rébecca Langer

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Il y a 4 ans

Aïe aïe aïe ça ne s’arrange toujours pas 😂
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