Fyctia

Un peu plus tard dans la soirée, tandis que nous dégustons une bonne pizza bien calorique accompagnée de bière, je raconte à Marc notre journée et ma nouvelle rencontre avec Gabriel. J’adore Rose, mais ça fait du bien de pouvoir discuter avec un ami qui ne va pas aller chercher à comprendre pourquoi je réagis de telle ou telle façon. Après s’être royalement moqué de moi, il me pose une question simple mais dont mon cerveau ne semble pas vouloir formuler la réponse.

- Honnêtement Cam, tu préfèrerais vraiment ne plus jamais le revoir ?

Je reste bloquée.

- Je n’étais pas là, contrairement à Rose, quand vous avez vécu votre histoire et que ça s’est mal terminé. Donc je n’ai pas le regard d’ensemble qu’il conviendrait d’avoir sur la situation actuelle. Mais je te connais un peu maintenant et je peux te dire que je ne t’ai jamais vu t’animer de cette façon quand tu parles de quelqu’un comme tu le fais quand tu parles de lui. Quelque chose me dit que s’il est à nouveau sur ta route, il faut que tu saisisses l’opportunité pour, je ne sais pas, vider ton sac. Tu ne penses pas ?

- Tu as probablement raison mais là je pense surtout qu’il me faut une autre bière. Tiens, au fait ! J’ai réussi à convaincre Rose de nous présenter Romain avant mon départ.

- Et comment as-tu réussi ce coup de maître ?

- Oh tu sais, chantage affectif tout ça, tout ça.

- Bravo ! Entre Rose et toi il n’y en a pas une pour rattraper l’autre. Et je constate dans la foulée que tu es tout à fait aussi douée qu’elle pour dévier les conversations.

- Merci, je le prends comme un compliment. En tout cas je pense que s’il lui cache quelque chose, nous nous en rendrons facilement compte en le rencontrant. Et sinon, toi…

- Quoi moi ?

- Y aurait-il quelqu’un que Rose et moi devrions rencontrer histoire de jauger son niveau d’engagement et de sincérité envers toi ?

- La seule raison que j’aurais de vous présenter quelqu’un serait de vouloir mettre un terme à cette relation.

- Ouch.

- Non t’y es pas Cam. Imagine toi deux secondes à la place de cette potentielle femme.

- Ok…

- On s’entend bien, je suis un gars sympa et j’assure côté.. Enfin d’un certain côté.

- Ton côté prude… Que c’est attendrissant.

- Sois sérieuse et arrête de vouloir me mettre mal à l’aise.

- Pardon, c’est plus fort que moi. Une montagne comme toi, introvertie et prude, on n’en fait plus tu sais ?

- Ouais, ils ont cassé le moule. Bref, donc ça se passe bien et on passe aux présentations. Je t’emmène là où je vis. Tu rencontre Rose pour la première fois. Et au passage, sa meilleure amie est en train de squatter le canapé.

- Rose…suis-je en train de réfléchir à haute voix. Rose, magnifique brune d’un mètre soixante-dix, aux courbes dangereusement affriolantes et à l’esprit libre, vive et intelligente, avec qui tu vis. Et moi, que tu mattes à poil.

- Cam !

- Pardon ! Pardon ! Oui effectivement ça peut tuer dans l’oeuf une relation et refroidir certaines personnes mais bon, je suis désolée mais si la nana te veut et te connait elle saura qu’elle n’a rien à craindre de Rose. Encore moins de moi de toute façon je ne suis que de passage. C’est pas comme s’il s’était passé quoi que ce soit entre nous ni entre Rose et toi. Pas de sous entendus, pas de risque de dérapage. Et… C’est quoi cette tête ?

Marc a la bouche tordue et évite mon regard. Ça fait tilt tout de suite.

- Oh non ! Crié-je en me levant. Oh mon Dieu !

Je pointe ensuite un doigt accusateur sur mon ami.

- Comment avez-vous osé ne pas m’en parler ? Nan mais j’hallucine quoi.

- Rose va me tuer.

- Non elle ne va pas te tuer parce que je m’en serai chargé avant ! Marc !! Mais qu’est-ce qui vous a pris ?

- Calme toi… C’était rien, une soirée un peu trop arrosée, une énième déception amoureuse pour Rose, une chose en entrainant une autre…

- Mais… quand ? Où ? Non ! Je ne veux pas savoir où… Mais, pourquoi ? Et votre amitié ?

- Tu peux ralentir le débit de questions là ?

- Ok, j’entends et comprends Rose. Déception amoureuse égale besoin de consolation. Mais toi, c’est quoi ton excuse ?

- Faiblesse humaine typiquement masculine ?

- Ça ne prend pas. T’es pas sujet à ce genre de faiblesse, je te connais. T’es droit dans tes bottes et tu n’es absolument pas du genre à vadrouiller à droite à gauche. Toi, quand tu couches avec une fille c’est que tu ressens… Oh. MON. DIEU !!

- Cam baisse d’un ton.

- Oh putain. T’es. Putain. Amoureux. Putain. De Rose ??

- C’est fou ce que vous êtes vulgaires vous les parisiens…

- Réponds !

- OK ! OK ! Oui, je l’ai longtemps été. Mais j’ai compris après cette soirée qu’il n’y aurait jamais rien entre Rose et moi.

- Pourquoi ? C’était nul ? Vos corps n’ont pas… matché ?

- Quoi ? Non c’était génial, c’était…

- Oui ?…

- Nan mais c’est dingue ce que tu peux être curieuse. Je parle pas de ça, lâche l’affaire.

- Dommage, j’aurais essayé. Bon, sérieusement, dis-moi en quoi ça t’a fait prendre conscience que Rose et toi ce ne serait pas possible ?

- Parce qu’elle s’en fout. Parce que j’ai dépassé mon quota de patience envers elle. Je n’ai pas envie de l’attendre et qu’elle se tourne vers moi par dépit parce qu’elle n’aura pas trouvé mieux ailleurs comme elle l’a fait ce soir là.

- Rose sait que tu as des sentiments pour elle ?

- Avais. J’avais des sentiments.

- Si tu veux.

- Non, pas si je veux. Oh ! Ce que tu peux être agaçante c’est dingue. C’est terminé. Ça a eu lieu y’a plus d’un an, l’eau a coulé sous les ponts. Rose ne sait pas ce que je ressens et c’est très bien ainsi sinon tu la connais, il aurait fallu en parler et je ne pense pas que je m’en serais remis.

- J’avoue que tu as évité une discussion dangereuse pour votre amitié.

- Voilà, je préfère favoriser notre amitié. Et ça me va, franchement Cam, honnêtement, ça me va parfaitement. Rose est mon amie, ma meilleure amie même. Je l’aime et je l’aimerai toujours, mais seulement en tant qu’amie.

- T’es sûr de toi ?

- Parfaitement ! Je suis passé à autre chose.

- Très bien… Du coup, tu as eu combien de relation depuis Rose ?

- Tu me soules.

J’ai éclaté de rire mais je me suis dit qu’il méritait que je le laisse un peu tranquille et nous avons terminé la soirée à parler de son boulot et sa patronne coincée.