Livia Tournois Pour un sou La rançon de la fortune

La rançon de la fortune

"Voici mon marché, poursuivit la maligne. Tu me rends mon sou et en contrepartie j'exauce un de tes souhaits.

-Vous exaucez les souhaits? s'étonna Siméon. N'est-ce pas la faculté des fées?

-J'ai de nombreux pouvoirs, répondit-elle un brin vexée. Dis moi ce que tu désires et tu l'obtiendras.

-Très bien, si nous devons vraiment faire affaire, je vais réfléchir à votre proposition."


Le collectionneur se creusa les méninges de longues minutes. Une collection plus grande? Une pièce plus belle que les autres? Une plus grande maison pour son trésor? Une vision plus perçante pour débusquer les richesses? Qu'allait-il demander?

Il songea à ce qui le dérangeait le plus dans sa vie, une idée lui vint alors à l'esprit.


"Je sais ce que je veux. Je voudrais un endroit sûr pour entreposer ma collection, un endroit dans lequel moi seul pourrais entrer."

Là dessus il se leva, sortit le sou de sa poche et le rendit à regret à sa propriétaire.

"Sois exaucé!", s'écria la vieille femme en ricanant.

Elle s'empara du râteau avec lequel Siméon rassemblait les feuilles mortes, l'enfourcha, et s'envola dans les airs, toujours hilare.


Siméon suivit sa course dans le ciel, elle devint toute petite, un minuscule point à l'horizon, et elle disparut de sa vue. Venait-il de se faire berner?

Il se retourna vers la maison. Enfin ce qui avait été la maison, car à présent se trouvait devant lui un bâtiment inconnu : un grand cube lisse, froid et gris.


Il sentit les larmes lui monter aux yeux, mais comment allait-il pouvoir entrer dans ce coffre fort! Il essuya ses larmes d'un revers de patte. Des pattes!? Il porta ses doigts griffus devant ses yeux. Le cœur battant il tâta son visage. Il était couvert de poils! Il sentit de longues moustaches et un museau pointu. Et ça derrière, mais oui, c'était une queue! Une queue de souris!


Quel est ce maléfice? se lamenta-t-il intérieurement en tournant autour du cube pour en trouver l'entrée. Une porte minuscule se trouvait sur l'une des faces. Il la poussa du museau et pénétra à l'intérieur. Un *clic* sonore lui indiqua que la porte s'était verrouillée derrière lui. La sorcière avait exaucé son souhait en suivant ses directives, il possédait un lieu impénétrable pour entreposer ses pièces et il était le seul à pouvoir y entrer. Mais à quel prix? Il était devenu une souris.


Il passa les jours suivants enfermé dans sa forteresse. Des meurtrières laissaient entrer la lumière du jour dans le cube, Siméon plaçait ses pièces sous les rayons du soleil et les regardait longuement. Il pouvait les admirer de près, de ses propres yeux, en embrasser tous les détails. Ses réserves de nourriture étaient plus faciles à gérer, une souris, ça mange bien moins qu'un humain. Quelques fraises des bois et un quignon de pain, voilà un repas de roi pour un rongeur solitaire. Tout dans le cube était à sa taille: une petite couverture, un petit oreiller, une petite serviette de bain, une petite savonnette...il ne manquait de rien.


Il commença pourtant à s'ennuyer du dehors et sortit un beau jour se promener dans le village. Il était beaucoup plus facile d'inspecter la route quand on se trouvait au ras du sol. Mais une fois chargé d'une pièce, il fallait rentrer, car des pattes de souris ça ne peut pas tenir beaucoup de sous. Et puis, tout était si grand pour lui à présent, il fallait être malin et se faufiler dans les petits trous. Et surtout, malheur si son chemin croisait celui d'un chat! Les habiles félins surgissaient de partout! Ils tentaient de l'attraper entre leurs pattes griffues.


Un jour qu'il ne faisait pas attention, un matou silencieux surgit d'une ruelle sombre et se jeta sur lui. Au moment où il vit la gueule remplie de dents pointues s'ouvrir pour le croquer, il fut sauver in extremis par deux petites mains.

Depuis sa prison de doigts, tremblant, il ne pouvait plus rien voir. Il entendit une voix d'enfant s'écrier :

"Va-t'en, oust! Vilain minet, cette souris n'est pas pour toi."

Le chat cracha et rebroussa chemin.


La petite fille ouvrit ses mains.

"Tu n'as pas à avoir peur petite souris, le danger est parti."

La souris se redressa et observa le joli petit visage, couvert de tâches de rousseurs.

"Merci beaucoup, s'inclina Siméon avec reconnaissance.

-Oh! Mais tu parles! s'exclama la fillette.

-Oui, vois-tu, une sorcière m'a transformé en souris il y a peu de temps.

-Mais c'est terrible! Tu dois être bien malheureux!

-En vérité ça n'est pas si affreux, enfin, certaines choses me manquent, mais j'en découvre des nouvelles, je vois le monde différemment.

-Et que faisais-tu comme métier? Peux-tu toujours l'exercer? Et ta famille? Ne va-t-elle pas s'inquiéter?

-En fait je suis un collectionneur solitaire, je cherche partout les sous qui ont été abandonnés par leurs propriétaires.

-C'est fantastique! s'émerveilla l'enfant. Moi , mon papa et ma maman ont une horlogerie, mais personne ne vient plus acheter leurs belles horloges. Alors ils doivent les charger dans une remorque et les transporter aux marchés de la grande ville. Si je récoltais les sous par terre, comme toi, je pourrais certainement les aider."

Siméon fut touché par la bonté de la petite fille. Il lui demanda son prénom.

"Je m'appelle Lorette, répondit-elle gaiement.

-Moi c'est Siméon, dit le rongeur en faisant une nouvelle courbette. Lorette, que ferais-tu si tu avais des sous pour toi?"


La petite ne réfléchit pas plus une seconde, elle se rendit devant une boutique et pointa son doigt vers la vitrine.

"Tu vois ce beau livre de contes, c'est ça que je voudrais. J'adore les histoires, surtout le soir pour m'endormir. Je n'ai pas d'argent pour me l'offrir, alors chaque jour la gentille libraire tourne une page pour que je puisse continuer la lecture au retour de l'école. Mais j'aimerais tant qu'il soit à moi, que je puisse moi-même tourner les pages et regarder les belles images."


Ému, Siméon eut une idée:

"Rejoignons-nous ici, demain, quand tu auras fini la classe. D'accord?

-D'accord!", répondit-elle joyeusement.

Elle déposa la petite souris par terre.

"Oh! Attends! ", dit-elle en portant les mains à sa chevelure.

Elle sortit une épingle à cheveux de ses boucles rousses.

L'objet argenté avait des motifs ouvragés à une extrémité et un bout piquant à l'autre. On eût dit une épée miniature.

"Avec ça, tu pourras te défendre des chats", lui indiqua-t-elle, ravie.

Siméon la remercia et partit sur deux pattes, l'épingle à la main, prêt à en découdre avec le premier félin qui lui barrerai la route.

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9 commentaires

Arno Rozen

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Il y a 5 ans

Je viens de comprendre ce qui t'a inspiré : c'est habile, et bien imaginé !

Herrade_Riard

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Il y a 5 ans

Je crois que j'ai trouvé : la légende de la petite souris qui apporte des sous contre les dents de lait ?

Livia Tournois

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Il y a 5 ans

C'est exact! Le petit animal qui rassure les enfants qui grandissent avec la récompense de la pièce.

Khlo-hey

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Il y a 5 ans

Aaah bien joué !!!

Dr.Rd

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Il y a 5 ans

Coucou si tu veux jeter un coup d'œil sur mon histoire "la fontaine de jouvence", si c'est possible. merci

Dr.Rd

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Il y a 5 ans

Très bon chapitre !

Myriam Alexya

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Il y a 5 ans

Trop mignon, j'adore !! La magie est aussi dans les relations, et plus précisément dans celle entre ces deux-là !

Livia Tournois

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Il y a 5 ans

Les amis sont une richesse!
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