Fyctia
41. Une réussite / Eden
22 h. J’erre comme un lion en cage dans ma suite. Toujours aucune nouvelle de Bradley ni de son plan. Je prie pour que sa magie opère encore une fois et que Max ne s’évertue pas à me maudire sur les dix prochaines générations.
Quelles seront les conséquences pour elle ? Pour moi ? Pour nous ?
Mon téléphone sonne, mon pouls s’emballe et je me jette dessus. Mes épaules s'affaissent quand je m’aperçois que ce n’est toujours pas mon agent.
— Salut frangin, je soupire.
— T'as une sale tête.
J’acquiesce en silence et me laisse tomber sur le canapé d’épuisement. Ce sentiment d’impuissance me bousille. J’ai le cerveau en bouilli. Les séquences interminables de lutte, de courses et de cascades qui se sont enchaînées sur le tournage n’ont pas suffi à évacuer toute ma frustration. Je suis tendu comme un arc et mes muscles me font souffrir. L’unique chose qui pourrait m’apaiser, serait de trouver une solution pour réparer ce bordel.
À travers l’écran, je reconnais la chambre de Noah en arrière-plan et sa panoplie jaune et bleu de membre des Bruins. Je fronce les sourcils. C’est étrange qu’il ne soit pas en cours à cette heure.
— Comment ça se passe à la fac ?
— Je te vois venir, Eden. Ne culpabilise pas pour moi. T'y es pour rien.
Un sourire en coin se dessine sur son visage, alors que mon pied s’agite contre le parquet.
— Un peu quand même… je souffle. Chacun de mes faits et gestes se répercute sur toi, je suis désolé.
— Laisse tomber, j’étais le premier à t’encourager. Et je fais partie des sportifs, j’ai l’habitude qu’on me mate comme une bête curieuse ! Ça m’entraîne pour ma future carrière.
Il me lance un clin d’œil, pas l’air perturbé pour un sou. Son super pouvoir de « Tout me glisse dessus » est activé. Là, tout de suite, je l’envie encore plus que d’habitude.
— D’accord. Tant mieux alors.
— Et sinon, Max… il toussote, ça va ? Comment elle le vit ?
Mon ventre se serre au ton hésitant qu’il emploie. Lui non plus n’a pas oublié son mantra.
— Si je le savais… je fourrage dans mes cheveux.
— Hein ?
— Elle a désactivé tous ses comptes et son numéro n'est plus attribué. Bradley est sur le coup.
Je me mords la joue alors que le visage de mon frère se tord dans une grimace.
— J’ai loupé un épisode ?
Ma tentative pour faire bonne figure échoue, je me relève comme une flèche en recommençant mes cent pas dans le salon.
— Je comprends rien, Noah ! je m’emporte. Samedi, tout était parfait, comme chaque fois qu’on se voit, la soirée, la nuit… tout a été incroyable !
— Et ?
— Et dimanche matin, je la surprends en train de s’échapper en douce ! Encore. Alors, je cherche à découvrir pourquoi, et petit à petit, je m’aperçois que cette fois, elle comptait carrément me ghoster. Du coup, j’insiste pour comprendre pourquoi et là, bim ! Elle me sort qu’elle et moi, ce n’était que de la baise avant de se tirer sans un regard !
— Merde, Eden, c’est… dur.
— Pire. Noah, je sais reconnaître une baise. Ce n’était pas juste une baise ! Je ne suis pas dingue.
Ses lèvres pincées m’indiquent que cette fois, aucune solution miracle ne jaillira de son chapeau magique.
— Je veux bien te croire, sur les photos, vous aviez l'air…
— Je sais.
— C'est ce que tout le monde pense ici en tout cas, il ajoute.
Je cligne des yeux.
— Comment ça ?
— Ben… les bruits de couloir. J’ai entendu toute la matinée « Oww ! They're so cute, han han han », il imite d'une voix de petite fille.
Je hausse une épaule. Qu’est-ce que je peux dire ? Que moi aussi je nous trouve parfaitement assortis ? À quoi ça servirait ?
Je sursaute, mon téléphone me signale un double appel.
Enfin.
— Je te rappelle Bro, c'est Bradley.
Je switche dans la seconde.
— Alors ?
— Envoie-moi toutes les photos que vous avez prises samedi, s’il te plaît.
Si son calme apparent me désarçonne, sa demande encore plus.
Qu’est-ce qu’il raconte ?
— Comment ça ? je m’enquiers. Je t'ai dit que…
— Elle est d'accord, il me coupe.
Mon cœur s'arrête. S'allège. Repart. Je respire à fond pour la première fois depuis ce matin.
— Vraiment ? je m'emballe.
— Oui, tu l’as à ta disposition pour deux mois. Renouvelable.
De quoi il parle, putain ?
Mon sang se glace. Ma poitrine pèse à nouveau une tonne. J'ai peur de comprendre...
— Pardon ?
— Tu peux remercier notre ami Valois, tu t’en tires bien ! Ta gentille Max a cédé avec un chèque de seulement 150 000 €.
Je reste sans voix. De violents piques me transpercent de part en part alors que Bradley poursuit sa diatribe, plus enthousiaste que jamais.
— Tu as de la veine, elle est blanche comme neige sur le Net. Parfaite pour nos affaires !
Je suis trop abasourdi pour relever que je n’ai même pas donné mon aval pour un plan merdique de ce genre. Tout ce que je retiens, c’est qu’elle a finalement accepté de s’afficher. Pour un chèque.
— Elle a signé un contrat ? je me racle la gorge.
Il… il s’est trompé de Max, n’est-ce pas ?
— Bien sûr, pour qui tu me prends ?
Mon nez commence à me piquer, j’avale ma salive avec difficulté.
— Je veux le voir.
Bradley soupire, exaspéré. Je l’emmerde. Je le croirais quand je verrais son putain de nom écrit en toutes lettres sur ce putain de contrat.
— Il est déjà dans ta boîte mail.
Une sensation de chute libre me retourne l’estomac. Ma trachée se resserre encore d’un cran et mon pouls résonne dans mes tympans pendant que je vérifie le document, les doigts tremblants.
Maxine Malone.
Chaque courbe de son écriture me gifle.
« Lu et approuvé ».
Uppercut dans le ventre.
Sa signature.
Ma respiration se coupe.
Silence.
— Eden ?
— Je récupère les photos de la soirée sur le groupe tout de suite, accordé-je d’une voix étranglée.
— Impeccable. Je vais les transmettre à ton nouveau community manager. Je te tiens au courant pour la suite.
Il continue alors que je n’entends plus qu’un bourdonnement de fond.
— Ne fais pas d'autres conneries, il faut que les gens y croient pendant quelque temps. Au moins jusqu'à ce que tu rentres.
Je ne réponds que par monosyllabes, obéissant comme un robot. Mes doigts bougent, transfèrent toutes les photos que je reçois sans y prêter attention. Et enfin cet appel atroce se termine.
Affalé sur le canapé, je fixe le meuble en face de moi. Le souvenir de Max, joueuse, s’y superpose alors que je l’embrassais à pleine bouche. Je contiens tellement mes larmes que mes yeux semblent aussi douloureux que s’ils avaient été arrachés à la petite cuillère sans anesthésie.
Des bips m’agressent et m’extirpent de ma transe au bout de longues minutes, agissant comme un lancer de couteaux.
La diffusion du premier post.
Je refuse de regarder le mensonge qu’ils ont inventé et ouvre uniquement le message de mon frère.
Noah :
Le téléphone m’échappe comme s’il m’avait brûlé. Je le reprends avec rage et l’explose contre le mur d’en face.
Pari réussi. Tout le monde s’est laissé berner. Comme moi.
9 commentaires
Justine_De_Beaussier
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Il y a 2 mois
Juliette Delh
-
Il y a 2 mois
Louisa Manel
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Il y a 2 mois