Cara Loventi Pop-Corn ! Avec, ou sans paillettes ? 22. La loi de Murphy / Maxine

22. La loi de Murphy / Maxine

Cette journée est éreintante et elle est loin d’être terminée. J'ai galéré à me concentrer tout le reste de l'après-midi, inquiète que mon plan de sauvetage s'avère en fait, complètement foireux. D'où je me trouve, je n'ai rien entendu de préoccupant, mais vu la position de mon bureau ce n'est pas un gage de succès.


Je regarde ma montre toutes les deux minutes. La réunion s’éternise et je vais louper mon train. Je n’ose pas le faire remarquer, car Amanda est sur les nerfs. Le lancement de l’App est programmé pour ce week-end et il y a encore de gros bugs. À vrai dire, je n’y peux pas grand-chose, ça concerne les développeurs à ce stade. Mais Amanda préfère que toute l’équipe soit là et vu le prix qu’elle me paie, je m’y plie.


Tant pis, je dormirai chez Sam, même si ce n’était pas prévu. Tant pis, même si ça m’emmerde réellement parce que je voulais commencer aux aurores demain. J’ai tellement de retard avec mes autres clients… Sans compter tous les sites que je n’ai pas pu maintenir à jour ni toutes les « urgences » qui se sont accumulées cette semaine. Des « urgences » dont ils auraient pu me prévenir il y a un mois, mais qu’ils ont juste zappées. Mais bien sûr, le client est roi et c’est à moi de me démener pour rallonger des journées qui ne font que 24 h.


Mais c’est ma faute. À mes débuts, je tenais tellement à être exemplaire que je répondais « oui » à tout, à n’importe quelle heure, dimanche inclus. Maintenant, je paie le prix de cette mauvaise habitude. Ma boîte de réception déborde d’e-mails non lus, et je dois encore achever les posts promotionnels pour Amanda avant de partir. Ce pour quoi j’étais venu aujourd’hui à la base !


Le pique désagréable, mais désormais familier me tiraille la poitrine depuis une heure. J’ai beau le masser avec mes doigts, rien n’y fait, il me lance sans cesse.


Respire Max.


Ça m’apprendra à accepter trop de projets. J’aurais dû mieux anticiper.


Mon portable n’arrête pas de vibrer depuis un moment. Sûrement les colocs qui continuent d’envoyer des vidéos de la soirée d’hier. Soirée que je regrette amèrement avec cette journée qui s’allonge. Dans le doute, je jette tout de même un œil à l’écran et mon estomac se soulève.


Trois messages vocaux d’un de mes plus gros clients et une tonne de SMS. Mon rythme cardiaque s’emballe et j’ai une sueur froide. Leur site a planté. En pleine campagne cross-canal. Ils dépensent une fortune en pub pour attirer des prospects… vers du vide. Leur e-shop est HS.


Quelle merde !


Évidemment, ce genre de tuile arrive toujours en fin de journée, quand ton cerveau est déjà en bouillie.


Je m’excuse rapidement et quitte la salle de réunion, presque en apnée. Je me précipite sur le toit, mon ordinateur sous le bras. J’ai besoin d’air. Je m’installe dans le coin salon, et consulte immédiatement le site pour le réparer. Mais la tâche s’annonce encore plus compliquée, même le back-office(1) est inaccessible.


C'est la cata.


***


Il fait nuit noire quand mon écran s’éteint, faute de batterie. Tout est presque rentré dans l’ordre, il me reste quelques manipulations minimes pour éviter que ça ne se reproduise. Je descends pour brancher mon MAC et finir à l’agence.


Avec tout ça, j’ai loupé le dernier train et je n’ai toujours pas demandé à Sam de m’héberger et il est déjà 21 h. Je lance l’appel, en espérant qu’il n’a rien de prévu.


Messagerie. Direct.


Ça n’augure rien de bon.


J’enclenche la poignée, mais elle reste bloquée. Le bureau est fermé. Tout est silencieux. Ce palier, la cage d'escalier... ma tension remonte d’un cran. J’insiste comme une forcenée à m’en faire mal aux mains. Je sonne. Encore et encore. Rien. Ils sont tous partis. Alors que toutes mes affaires sont coincées derrière cette porte. Vu l’épuisement de l’équipe, ils n’ont même pas dû les remarquer. Je cogne mon front contre la porte.


Mais quelle conne !


Je remonte et m’effondre comme une brique sur le canapé, les larmes aux yeux. J’inspecte mon téléphone. Mes 5 % de batterie ne me rassurent pas. Je retente de joindre Sam. Répondeur. Dans un infime espoir, je tente Loulou.


Répondeur. Encore et encore.


Je m’apprête à laisser un message, mais c’est étrangement silencieux. J’écarte l’appareil de mon oreille et découvre avec stupeur l’écran noir qui me fait un gros doigt d’honneur. Plus de doute, la loi de Murphy(2) s'acharne sur moi.


« Tout ce qui est susceptible d'aller mal ira mal.»


Un vertige me retourne les entrailles. Je n’ai plus de batterie, pas de chargeurs, pas de thunes. Pas même un putain de pull.


Le sentiment d’être seule au monde me prend aux tripes. Personne ne m’attend nulle part ce soir, personne ne va s’inquiéter et venir à mon secours. Je devrais me secouer pour me sauver moi-même comme je le fais toujours, partir en quête d’un chargeur dans un bar peut-être… Mais j’ai les jambes coupées, je me sens vidée. Et à quoi bon ? Tous ceux qui pourraient m’aider sont indisponibles !


Le pique dans ma poitrine me lance de plus en plus fort. Je ressasse toute cette journée, encore et encore, en essayant de changer la fin de l’histoire. Celle où ce site n’aurait pas planté. Celle où je n’aurais pas laissé mes foutues affaires, celle où j’aurais fait attention à l’heure, celle où je ne serais pas monté ici pour bosser.


Mais quand je rouvre les yeux, je suis toujours là, seule sur cette terrasse et la rosée des nuits d’automne tombe comme une chape de plomb sur mes mollets et mes épaules nues. J’ai froid. La nausée me submerge, je craque. Seule, l’explosion de mes sanglots perce le silence assourdissant qui m’entoure. Ma respiration devient chaotique… je suffoque. Je tente d'inspirer, de souffler, mais c'est douloureux. Un nœud me tord le bide et j’ai la sensation qu’un éléphant s’assoit lentement sur mon torse. Les vertiges s’intensifient, tout tourne autour de moi…



(1) Interface permettant l’administration d’un site web.

(2) La loi de Murphy, élaborée par l'ingénieur aérospatial américain Edward A. Murphy Jr., est un adage qui affirme que : « Tout ce qui est susceptible d'aller mal ira mal. »



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14 commentaires

Juliette Delh

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Il y a 3 mois

Zut ! On n'assistera donc pas à la scène d'Eden qui se déguise en livreur uber eats pour éviter les paparazzis ? Dommage, car ça a dû être très drôle ! Sinon... pauvre Bichette :-( Je croise les doigts pour que Eden débarque tel un super héros et lui sauve la mise ! J'ai beaucoup apprécié cette dernière partie que j'ai trouvé très réaliste et particulièrement bien décrite. On est tout de suite immergé dans l'instant ! Bon, par contre je me demande un peu comment la batterie de son MAC a tenu aussi longtemps sans être branchée x)

Louisa Manel

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Il y a 3 mois

Edeeeeen !!! Raboule tes fesses (et tout le reste d'ailleurs) !!!

EvaBerry

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Il y a 4 mois

Oh la pauvre, j'ai trop envie de lui faire un câlin 🥺

lili41

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Il y a 4 mois

Ce pour quoi jetais venue. Je ne serais pas montee ici... Le pic?

laurence.auderlin

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Il y a 4 mois

La pauvre...😟Mais que fait Eden ???

Cara Loventi

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Il y a 4 mois

Peut-être qu’il n’est pas loin… 🫠

IvyC

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Il y a 4 mois

Je continue, j aime bien. N hésite pas à passer sur la mienne 😍

TammyCN

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Il y a 4 mois

La pauvre 😢

Emma Chapon

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Il y a 4 mois

Oh là là j'ai tellement pitié d'elle, bichette. On comprend bien son angoisse dans cette situation. Une intervention miraculeuse d'Eden, peut-être... ?

Cara Loventi

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Il y a 4 mois

Quasi du vécu cette situation ! 🤪 Peut-être… 🫠
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