Fyctia

Tous les regards se tournent instantanément vers moi et les messes basses sont maintenant généralisées dans tout le groupe. Certains vont même jusqu'à éclater de rire... Une partie de moi fulmine à présent de colère, une autre est morte de honte, mais la majeure partie de moi est tellement habituée à ce genre de réaction que je reste simplement immobile et silencieux à observer le groupe qui s'évertue à se moquer de moi pendant ce qui me semble une éternité. Une seule personne reste aussi silencieuse et immobile que moi : la gothique. Nous allons même jusqu'à échanger un regard et j'aperçois même un petit sourire poindre à ses lèvres... Étonnamment, ce sourire n'a rien d'une moquerie à mon égard, j'en suis étrangement certain.

Après une brève interruption suite aux moqueries à mon égard, le professeur reprend l'annonce des présences. Le groupe est assez grand et j'attends avec une certaine impatience qu'il nomme le nom de la jeune femme en noir.

- Mme Tremblay. Sa... Samara Tremblay.

- Ouais...

Donc son nom est Samara. Je me demande pourquoi le professeur a hésité avec son prénom? Mes pensées sont toutefois interrompues par la reprise des conversations à voix basse.

- Tu as vu cette fille?

- On dirait qu'elle est tout droit sortie d'un film en noir et blanc!

- Elle se prend pour un vampire...

- C'est quoi l'idée de s'habiller ainsi à son âge...

- On n'est pas dans une convention de manga ici!

Les commentaires désobligeants fusent de toutes parts mais Samara reste totalement indifférente, ne regardant personne. Personne sauf moi en fait. Une fois de plus, elle me regarde avec un minuscule sourire en coin, voyant que je ne participe nullement aux babillages stupides qui se poursuivent un moment avant que le professeur reprenne les annonces pour les présence.

S'ensuit un cours de trois heures sur les bases de la médecine, cours qui se termine avec l'annonce d'un examen dès la fin de la semaine prochaine. Un examen qui porte sur les cinq premiers chapitres de l'Encyclopédie Générale de la Médecine. Cinq chapitres !? C'est presque cent pages de textes chacun plus lourd que le précédent... Moi qui n'aime pas devoir mémoriser des notions... la joie! Mais bon, c'est ça la médecine...

J'attends que la classe se vide avant de prendre mes affaires et je remarque que Samara fait de même. Nous sommes apparemment deux à avoir appris le truc : mieux vaut attendre que la masse de notre classe se disperse avant de se mélanger aux étudiants...

Alors que je termine de mettre mes affaires dans mon sac, je vois du coin de l'œil que Samara s'est brusquement levée avant de sortir de la classe à toute vitesse. Bon, il semble au final qu'elle ne m'attendait pas et qu'elle ne souhaite pas plus me parler à moi qu'aux autres... Pas grave, j'ai l'habitude.

Je me dirige à mon tour à la sortie de la classe. Dès que je mets le pied dans le corridor, je reçois soudainement une grande quantité de liquide au visage et sur tout le haut de mon corps. Surpris, je ne réalise pas immédiatement ce qui se passe, mais une violente brûlure aux yeux me jette à genoux sous les rires des quelques étudiants groupés autour de moi.

- Prends ça le virus! Ça dit que ça élimine 99% des virus en moins de 30 secondes...

Les rires fusent tout autour de moi alors qu'une douleur incroyable me traverse le corps. Je reconnais maintenant l'odeur puissante de l'alcool isopropylique. Ces imbéciles viennent de me vider une bouteille d'alcool dans les yeux! Cette fois, la plus grande partie de moi est envahie par une colère fulgurante, proportionnelle à la douleur dans mes yeux. Alors que les rires se poursuivent, je me relève d'un coup et agrippe la première personne près de moi que j'entends rire bruyamment. D'une main, j'agrippe mon t-shirt imbibé d'alcool, je l'étire, puis je l'écrase avec force dans le visage de la personne que je maintiens de mon autre bras. Je prends bien soin d'essorer mon vêtement et de le frotter sur ses yeux avant de le relâcher.

Parfaitement silencieux de mon côté malgré la douleur, ce sont à présent les cris de ma victime qui emplissent l'air, effaçant les rires de ses compagnons. Mes yeux toujours fermés à cause de la douleur, je ne perçois malheureusement pas les deux personnes qui s'approchent de moi, les yeux furieux.

- Tu penses que ça va arrêter là le virus. Tu sembles plus résistant que prévu. On va arranger ça!

Je sens alors une poigne puissante se resserrer autour de moi et on me soulève de force pour que je me tienne debout. Un coup de poing puissant dans l'estomac me coupe alors le souffle, puis je sens une main me saisir les joues pour me forcer à ouvrir la bouche. Alors que je suis maintenu ainsi, quelqu'un insère le goulot de la bouteille d'alcool dans ma bouche. Je sens dès lors le liquide envahir ma bouche en grande quantité. Un deuxième coup de poing au ventre vient compléter la torture, me forçant à avaler la quasi-totalité du contenu de la bouteille. Presque étouffé par l'ingestion subite du liquide, je retombe au sol et me retrouve étendu à leurs pieds. Non satisfaits de ce qu'ils m'ont fait subir, les deux furies me donnent plusieurs coups de pieds dans les côtes avant de partir à la course, me laissant immobile au sol.

Sonné par les coups, les yeux encore fermés par la brûlure de l'alcool, je reste étendu un moment et c'est un professeur qui vient me donner son aide. Ce dernier ne semble toutefois pas avoir vu que les étudiants m'ont fait avaler de l'alcool isopropylique, du moins je l'espère...

- Ça va?

- Oui... Ça va aller.

- Que s'est-il passé ici?

- Ce doit être mon initiation... J'ai été aspergé d'alcool...

- Mais ils viennent de vous frapper non?

- En effet, ils y sont allés un peu fort...

- Vous voulez que je vous aide à aller à l'infirmerie?

- Non, je vais m'en remettre tout seul. Merci. Juste me guider vers la salle de bain la plus proche pour que je puisse me nettoyer les yeux...

- D'accord.

Le professeur me guide donc dans le corridor jusqu'à une porte que j'ouvre à tâtons. À l'intérieur, je peine à ouvrir les yeux mais je parviens à percevoir la forme du lavabo à quelques pas devant moi.