Fyctia
C25 Pour le pire
Je me cale dans l’axe de Volco & Cie puis m’élance dans le vide, dans la fumée, dans le chaos.
Quoiqu’il arrive, cette nuit se finira en soins palliatifs ou en séance de psy.
Très vite, la gravité me rappelle à elle.
Ma réception est laborieuse.
Ma voute plantaire encaisse 80 kilos de Mirek dans les dents à peine ai-je touché le sol.
J’entends mes pieds gémir, une décharge de douleur me traverse les os jusqu’aux genoux et me tétanise un instant.
Choqué, mais pas déçu, j’en profite pour faire un tour d’horizon.
Et mon Dieu, quel bordel. L’impression de m’être parachuté dans une mêlée de rugby en pleine tempête -sauf qu’une équipe est clairement avantagée par rapport à l’autre en attaque ET, en défense.
Les marcheurs sont frappés de plein fouet par l’atmosphère, plus chargée en piment qu’en oxygène. Ils enfouissent le museau au creux de leur coude, d’autres protègent leur tête sous une écharpe et se lancent à la recherche d’une issue de secours. La majorité se contente de douiller sa race en pleurant. Les flics, eux, en profitent pour charger.
Déesse Angèle soit Louée, son masque de plongée vissé sur mon nez m’évite le gros du désagrément et me permet d’évoluer sans encombre au cœur de l’anarchie. Malgré les trajectoires aléatoires du troupeau saisi de panique, j’essaie de garder ma direction.
Mais soudain, je me fige sur place.
Un type en costard -descendant direct d’un dos argenté vu sa carrure- fonce vers moi.
Cousu sur la poche de sa veste noire, une broche dorée à l’effigie d’une tête de lion. Le sigle des Montini.
C’est un homme de Volco ! Il m’a repéré malgré tout ! Il va m’attraper, m’étriper, rentrer chez lui et postuler au badge d’employé du mois !
Malgré les larmes qui inondent ses yeux injectés de sang, il ne dévie pas de sa cible : moi. Il approche. S’il tendait les bras, il pourrait me chopper, le monde flotte autour de moi l’espace d’une seconde et, nada. L’homme me dépasse, sans me porter un gramme d’attention. Je le suis du regard, il poursuit sa cavalcade en ligne droite, percutant celles et ceux qui ont le malheur de se trouver sur son passage. En réalité, il réagit comme tous les autres. Il fuit pour s’extirper de ce maelström.
Une fois encore, la police à fait reculer le crime.
Je déglutis. Au moins, ça valide une chose. Je suis sur la bonne voie.
Il suffit d’une poignée de seconde pour voir mon intuition se confirmer. Volco, Ava et le second gorille costarisé apparaissent devant moi, aux prises avec des nuages de fumigènes tellement épais qu’ils en paraissent palpable. Volco a placé son chapeau devant son nez, révélant l’odieuse balafre sur son front. Ava et le gorille doivent se contenter de leurs bras pour seule barrière contre le déferlement de fumée épicée. Ils n'échappent pas au mood général. Ils sont complètement désorientés et progressent à l'aveugle. Mon plan -bon, ok, c’est un bien grand mot- à marché ! Le débordement Made in Bibi les à pris par surprise.
Je dois agir. Maintenant !
Je m’avance sur la pointe des pieds -réflexe débile vu le contexte-
Ava me tourne le dos. Je suis si proche d'elle. Ma main frôle ses longs cheveux, se pose doucement sur son épaule. Elle pivote aussitôt vers moi, des flammes plein les iris, croyant sans doute avoir affaire au primate de service. Mais ce dernier est trop occupé à s’égarer dans le nuage de fumée, direction les matraques de CRS, genre colin maillard de l'extrême.
Un voile se lève sur les yeux -gonflés- d'Ava quand elle me reconnait. Ses deux émeraudes s’illuminent. Un début de sourire se dessine, vite balayé par la stupéfaction.
— Mirek ? Qu’est-ce que tu fous là ?
Je pose un doigt sur sa bouche et jette un coup d’œil vers Volco. L’homme de main se débat avec une quinte de toux qui doit lui récurer la trachée. Parfait. S’il pouvait vomir dans son chapeau par la même occasion.
Malgré l'index sur ses lèvres, Ava ne se laisse pas silencier :
— T’es complètement taré ! Si Volco te voit, il va te buter !
Je plonge mes yeux dans les siens. Le mix "surprise-angoisse" mâtiné de larmes - ses glandes lacrymales donnant tout ce qu'elles peuvent pour calmer son irritation- est plutôt déroutant et brouille un chouille ses sentiments.
— Tu devais rester loin de moi !
— Je sais mais il paraît que t’as un super handspinner !
Elle fronce les sourcils en repoussant ma main.
— C'est vrai, il est top. En plus, il tourne vraiment très vite !
— Faut vraiment que tu me l'montres. Et j'me suis souvenu de plein d’autrices féministes que j't'avais pas citées !
— Oh !
— De plein de blagues relous que j’t’ai pas encore raconté !
— T'es vraiment con, pouffe-t-elle en reniflant.
— Ava.
— Oui ?
— On se barre ?
Je sens ses doigts s’enrouler autour des miens.
— Évidemment qu’on se barre.
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Jill Cara
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Il y a 2 ans
Paige
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Il y a 2 ans
John Wait
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clecle
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WildFlower
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John Wait
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Il y a 2 ans