Fyctia
C11 Nakamura me l'avait dit
J’ai promis de ne pas la couper et je suis quelqu'un de mature, je ne lâche donc aucun commentaire -hommage à mon premier Skyblog tmtc.
— Chris s’est affalé sur le bar, a commandé un Martini, puis, sans raison visible, s'est mis à pleurer à chaudes larmes. Vraiment. De grosses larmes d’enfant. J'ai demandé ce qui n’allait pas. S'il avait besoin de vider son sac. Je lui ai dit que les barmaids étaient comme des psys non conventionnés, il m’a répondu qu’il ne pouvait pas en parler. La minute d’après, il prenait mon bar pour un confessionnal. J'ai eu le droit a toute sa frise chronologique. Entre les pleurs, les hoquets et le fil aléatoire de sa pensée, c’était sportif à suivre.
« En gros, pour résumer, de ce que j’ai capté, le gars se sentait mis de côté dans sa propre famille, pas pris au sérieux. Gros manque d’affection, de confiance en soi, besoin de reconnaissance, blablabla. Il s'interrompait juste le temps de picoler son Martini coupé aux larmes.
J’ai essayé de le consoler avec les moyens du bord. C’est-à-dire de l’alcool et un peu d’empathie... L'empathie. C'est ce qui m'a perdu.
« Quand il a vu qu'il tenait mon attention, il ne s'est plus arrêté.
Il a enchaîné sur sa mère. Combien elle désespérait de le voir célibataire. Lui prétendait que le souci venait de son père. Son papa comme il dit. Que pour trouver une femme qui convienne à son géniteur, c’était la croix et la bannière, et que de toute façon, les filles, pour lui, c’était pas facile, facile. Là, il en a eu marre d’articuler, son visage a juste fondu, et rebelote. Chialade. Il tenait une broche de lion entre ses doigts qu'il n'arrêtait pas de tripoter quand il évoquait ses parents. Je crois que c’est un peu le blason de sa famille. Tous les mecs avec qui il traîne portaient cet insigne »
— Volco n’en avait pas, si ?
— Pas fait gaffe. Sur le moment, j'étais trop mal, je me sentais totalement désarmée. Pis ça faisait un moment qu'il me confondait avec le mur des lamentations ! J'ai cherché un moyen d’abréger ses souffrances et les miennes. Et c’est là que j’ai un peu déconné.
« Il était en boucle sur les femmes, les relations, les pressions de sa famille à ce sujet. Il a fini par prétendre que jamais personne ne voudrait se marier avec un mec dans son genre. Que c'était trop compliqué. J’ai prétendu l'inverse, idiote que je suis. J'ai dit qu’il était trop jeune pour désespérer ainsi, qu’il y avait masse profils de nanas susceptibles d'être intéressées par un jojo dans son genre.
Le piège s'est refermé quand il m’a demandé : "Ah bon ? Qui ?"
Comme je suis pourrie lorsqu'il s'agit de fournir des exemples, j’ai bégayé, j'ai paniqué, et j'ai répondu... moi. Ava la conne. Que dans un autre contexte, une autre situation, ça se trouve, on aurait pu..
Alors que même seuls sur Mars avec une combi, je le touche pas ce gars !
Là, le mec s'est redressé sur sa chaise, il a bombé le torse ! Tu l'aurais vu, il était fier comme le Roi Soleil, c'était lunaire.
Moi, je pensais tant mieux, que ça n’irait pas plus loin. Chacun allait reprendre le cours de son existence... que nenni !
Il était tellement refait, il a invité tout le personnel de l'hôtel en boîte. Il a pas trop la notion des horaires de travail. Moi, avec son speech, j'avais déjà débordé sur mon service et j'avais pas d'autres plans, plus des galères à oublier. Et surtout, ça me permettait de me rincer le gosier au frais du prince à mon tour ! Alors j’ai accepté. Encore.
On s'est retrouvé à deux, avec une collègue, à le suivre. Ma pote s'est mise à jouer aux Princes de l'amour avec les types qui accompagnaient Chris. Moi, je profitais juste. La musique était bonne, les boissons étaient bonnes et d'ailleurs, si ma mémoire l'est aussi, Volco était présent à ce moment-là.
C’est dans ce club, durant un morceau d'Aya Nakamura, que Chris m’a proposé le fameux rendez-vous galant en terrasse. Il voulait qu’on se rencontre « dans un autre contexte ». J’ai pas saisi la note d’intention. Alors qu'Aya me répétait à l'oreille qu'y'a pas moyen Djadja, moi j'ai dit, oui, oui, bien sûr. Parce que les spritz sont à 12 degrés 5 et que j’étais pas loin d’en avoir sifflé autant. J'ai même paumé mon portable à un moment de la soirée tellement j'étais à l'ouest.
C'est Chris qui me l'a rapporté. Il m’a demandé d’oublier ce qu’il m'avait raconté au bar, qu'on découvrirait "nos vrais nous" lors de notre rendez-vous.
Moi, tant que mon verre était plein, je ne voyais pas le problème... »
Ava a relevé la tête vers moi. J’ai noté qu’elle tenait toujours la bouteille de mousseux contre son chemisier crème.
Pour la première fois de la soirée, j'ai lu de la détresse dans son regard.
— Je suis la reine des connes, Mirek. Je pensais y aller pour la forme, et basta. J’aurais dû le voir arriver avec ses complexes à vif et son égo de fils unique. Normalement j’ai un sonar pour ça. Mais là, j’sais pas. Manque de lucidité. Tête ailleurs.
— Spritz.
— Spritz ! Moral de l'histoire : il faut toujours écouter Aya ! Ce type, c'est un bébé cadum ! Ce qu'il veut, c'est pas une petite copine, c'est une pouliche obéissante qui lui permet de bien se faire voir par papa, une dinde bien éduquée qui l’ouvre moins que Marlène Dietrich.
Portable, Google, barre de recherche : Marlène Dietrich
"Égérie du cinéma muet."
Ok, j’ai la vanne.
Ava hausse un sourcil :
— Je t'ouvre les tréfonds de mon âme et toi tu checkes ton portable.
— Je vérifie les Uber disponibles.
Bim. Soupir d'Ava. Balle au centre.
Te voilà prêt pour les Rap Contenders mon vieux Mirek !
Bon. En tout cas, le pourquoi du comment est plus clair. Pas rassurant mais plus clair. La question suivante, et elle va faire plaisir à personne :
On fait quoi maintenant ?
34 commentaires
Paige
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Il y a 2 ans
John Wait
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Il y a 2 ans
WildFlower
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Il y a 2 ans
John Wait
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Coeur fondant
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John Wait
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Rose Foxx
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Anna Wendell - Élodie Faiderbe
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clecle
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petitemr
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Il y a 2 ans