Fyctia
Lewis & Son
La suite de l’appel vidéo est brève. Ce sont les seules bribes de souvenirs demeurant dans la mémoire de Joseph Simons. Le reste n’a jamais existé ou a été effacé par les 40 années passées. Et par sa volonté à ne pas se souvenir. Nous raccrochons avec sa promesse qu’il nous appellera si quelque chose de nouveau lui revient à l’esprit.
Il est presque 11h. La luminosité a diminué dans la cuisine. Le ciel, si bleu tout à l’heure, s’est rempli de gros nuages gris. Je ne pense pas qu’on échappe à la pluie. Je me tourne vers Harry, pensif depuis que l’appel est terminé.
- Vous en pensez quoi, Harry ?
- J’en pense qu’on n’est pas vraiment plus avancé. Pire, on se retrouve avec plus de questions qu’avant.
- Oui, mais c’était à prévoir.
- C’est sur, poursuit-il. Joseph Simons n’avait que 5 ans en août 1974. Certaines personnes peuvent se souvenir d’événements survenus quand ils avaient 3 ans, mais selon certains chercheurs l’âge clé se situerait autour de 7 ans. Je ne suis pas sûr qu’on puisse se fier à tout ce dont se rappelle Simons. D’autant plus que ces souvenirs à lui ont pu être corrompus par les 40 ans qu’il a passé à essayer de ne pas se remémorer les événements.
- Moi, c’est surtout cette histoire de cri qui m’a interpellée. D’après l’entreprise de nettoyage industriel qui est intervenue au début des rénovations, seules quatre chambres du bâtiment principal étaient occupées ce soir là et une seule suite du rez-de-chaussée.
- La 101, c’est ça ?
- Oui, c’est ça. On pourrait imaginer que la personne qui a crié, se trouvait dans une des chambres de l’étage mais pourquoi seulement un seul cri.
- En fait, la vrai question, enchaine Harry, est de savoir comment un seul homme a pu tuer autant de personnes, sans que certaines d’entre elles n’alertent les autres…
- Oui, c’est exactement là où je voulais en venir. Je n’arrive pas à imaginer comment cela peut être réalisable. Bon, je veux bien croire que tuer quelqu’un avec une hache doit être assez rapide mais 45 personnes… Il faut être précis et vif à chaque fois. Et dans le cas des chambres doubles ou quadruples, avoir la chance que les autres occupants ne se réveillent pas.
- Tu mets le doigt sur quelque chose de vraiment intéressant, Charlie. Ajouté à ces voix entendues par Simons, on peut se poser des questions. Evidement, les voix pourraient être celles du Shérif et de ses adjoints. On peut supposer qu’il a perdu la notion du temps dans sa garde-robe. En attendant, on n’a aucune réponse et surtout rien qui nous permette de comprendre pourquoi tu reçois ces cartes, et qui te les envoie.
- Oui, c’est quand même ce que je voudrais savoir. Et de toutes façons, nos théories ne valent pas grand chose tant qu’on ne sait pas comment l’enquête a été conduite au départ. Peut-être que la thèse d’un complice a été envisagée, pour ce qu’on en sait.
- Demain, je te propose d’aller à Muskegon, à la cours de justice du comté. On demandera à consulter le dossier criminel au greffe.
- Ok, acquiescé-je. J’ai besoin de savoir de toutes façons. Apprendre ce qui s’est passé exactement dans cet hôtel que je suis en train de rénover. Exorciser les fantômes. En attendant, on passe chez le photographe ?
Harry hoche la tête pour marquer son approbation. Je range mon ordinateur portable et en me dirigeant vers la porte, je lance une recherche sur mon iPhone pour connaître l’adresse de la boutique. Je trouve un « Lewis & son » à Heaven Harbor. Ça doit être lui. Je démarre le GPS pendant que je m’installe du côté passager de la voiture de Harry.
Le trajet ne dure que quelques minutes, Heaven Harbor n’est pas une grosse ville. Harry stationne sa voiture devant la devanture. Une sonnette tinte à notre entrée. Un homme, la cinquantaine grisonnante, sort de l’arrière-boutique pour nous accueillir.
- Bonjour, que puis-je faire pour vous ?
- Bonjour Monsieur. Mr Lewis, je présume.
- Oui, c’est moi, me répond-il, avec une certaine curiosité dans le regard.
- Je suis Charlie Malone, la nièce de Prudence et Leslie Lockridge. C’est moi qui ai racheté le Pine Lake Resort. Et voici, Mr Preston.
Je pose sur son comptoir le carton de carte postale que j’ai pris dans la voiture avant d’en sortir.
- Ma tante m’a dit que c’est votre père qui réalisait les cartes postales à l’époque où elle tenait le Resort.
- Oui. Enfin, plus exactement, mon père prenait les photos et faisait directement affaire avec une imprimerie pour les cartes. Les commandes étaient livrées chez nous, avant d’être remises en main propre aux clients. Malheureusement, avec l’avènement d’internet et des impressions de cartes en ligne, ce n’est vraiment plus rentable pour nous de fonctionner comme dans les années 70. On ne parvient pas à s’aligner avec les tarifs du e-commerce. Mais je peux faire vos photos toutefois, ça rend toujours mieux sur une carte quand c’est fait par un professionnel.
- Je vais y songer, Mr Lewis, merci beaucoup. J’aimerais savoir si vous pouviez retrouver les informations concernant cette commande que ma tante a faite en 1973. J’aurais aimé savoir s’il y avait d’autres prises de vue que celles dans cette boîte. Je n’ai retrouvé aucun bon de commande.
- Si le bon n’est plus dans la boîte, je dois pouvoir trouver la trace de l’achat dans mes archives avec ce numéro juste ici, explique-t-il en désignant une série de chiffres imprimé en noir sur la boîte. Vous avez de la chance que mon père conservait tout de manière compulsive. Je vais voir ça, je vous demande une minute.
Pendant son absence, je jette un œil aux clichés exposés dans la boutique. Ceux des lacs sont magnifiques. Il faut vraiment que j’y pense pour Pine Lake.
- Voilà Mlle Malone, j’ai trouvé ce que vous cherchiez. Mais ce n’est pas une commande de 1973 mais de 1974. Août 1974 pour être précis. Elle a été remise en main propre par mon père à Pine Lake le 25 août. C’était une commande de 300 cartes exactement. Difficile de vous dire quelles prises de vue par contre. J’ai les numéros mais il faudrait que je fouille dans les négatifs et ça risque de prendre un peu plus longtemps.
- Non, laissez-tomber, ce n’est pas grave. Merci beaucoup du renseignement. Je vous recontacterai surement pour des photos quand les rénovations seront terminées. Au revoir, Mr Lewis.
- Mlle Malone. Mr Preston.
Mon carton sous le bras, je remarque que Harry est perdu dans ses réflexions. Sans doute les mêmes que les miennes. Il manque environ une centaine de cartes dans le carton mais au vu de la date de réception de la commande, on peut penser que ce ne sont pas les clients qui ont achetés toutes ces cartes. Alors qui ? Qui est en possession des cartes manquantes ?
La sonnerie de mon téléphone me sort de mes pensées. Le nom de Julian s’affiche sur l’écran tactile.
- Hé Julian ! le salué-je en décrochant.
- Bonjour Charlie. C’est Jen, la femme de Julian. Julian a eu un accident.
9 commentaires
Phoenix B. Asher
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Il y a 8 ans
Anisa A.
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Phoenix B. Asher
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LikeAMartian
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Phoenix B. Asher
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alexia340
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Il y a 8 ans
Anisa A.
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Phoenix B. Asher
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black_foxx
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Il y a 8 ans