Fyctia

Un nuage de vapeur s’envole de ma bouche. Il fait un froid de canard dehors, c’est souvent comme ça début novembre par ici, puis, les températures se radoucissent jusqu’à janvier où là, l’hiver commence véritablement.

Je n’aime pas trop cette période d’ailleurs, ce blues qui survient après l’euphorie des fêtes de fin d’année et le trop plein de chocolats. On a l’impression que le printemps, les fleurs, le soleil, ne reviendront plus jamais. L’hiver devrait être une pause dans nos vies, comme pour les ours ou les écureuils. Quant au lycée, il devrait obligatoirement fermer pendant que les élèves hiberneraient devant Netflix, les joues et le ventre remplis de popcorns.

Dans ces conditions-là, okay, je pourrais sans doute tolérer l’hiver.

Frigorifiée, j’enfonce le bout de mon nez au chaud dans mon écharpe en mohair, nouée autour de mon cou. En fait, c’est l’écharpe de mon père, que je lui ai piquée en triant ses vêtements la semaine dernière. Enfin, en essayant de trier ses vêtements, car j’ai fini par fondre en larmes et tout rejeter dans les tiroirs de sa commode que j’ai refermée avec fracas. Depuis, ni moi ni ma mère n’osons nous en approcher, tel un sanctuaire sacré, un lieu interdit, qui sent bon la lessive et l’adoucissant.

Je soupire. Un autre nuage blanc, très gros cette fois, s’envole au dessus de ma tête. Je cache mes mains gelées dans les poches de mon manteau, tout en avançant droit devant, jusqu’au petit café situé dans la seule rue piétonne de ce village. Je vois alors Luc de l’autre côté de la vitrine, assis à une table, et lui souris. C’est un sourire qui s’envole littéralement de mon cœur.

Parce que Luc, c’est comme le printemps en plein hiver, je l’ai attendu longtemps.