Fyctia
16 - Confettis et cœur brisé
Je ne lâche plus l’écran des yeux, relisant plusieurs fois son message. Je sens bien que je ne peux pas m’empêcher de sourire. C’est un sourire qui s’étire un peu comme un chewing-gum, d’un bout à l’autre de mon visage et qui forcément, attise la curiosité de ma mère.
—C’est qui ?
Je rougis en verrouillant tout de suite mon téléphone. Le message disparaît, remplacé par un écran noir. Luc, c’est mon jardin secret, à moi, mon parterre de menthe qui ondule sous une brise rendant désormais ma vie plus légère.
—C’est personne.
Je fonce dans les escaliers qui mènent à l’étage avec ce besoin viscéral d’intimité, de couper le cordon. Ou en tout cas, de faire une pause, de me retrouver seule après cette journée un peu folle. Alors que j’entre dans ma chambre en trombe, j’entends ma mère crier depuis le rez-de-chaussée.
—En tout cas, cette personne t’a rendu ton beau sourire, ma chérie.
Je m’entrave dans le tas de linge que j’avais laissé en boule ce matin, de l’autre côté de la porte.
—Et tu mettras ton pyjama dans la panière de sale, hein, rajoute-t’elle, comme si elle avait vu, deviné la scène.
Je préfère ignorer ses deux remarques en refermant vite la porte derrière moi. Je soupire. Enfin tranquille. Je sers fort mon téléphone contre ma poitrine. Mon cœur bat plus fort encore. Mon sang pulse dans mes tempes. Mon sourire, incontrôlable, s’étire à nouveau jusqu’à mes oreilles en feu. Elles doivent être aussi rouges que mes pommettes parce que dans ma tête, c’est l’effusion, la fête.
Luc m’a écrit.
Luc a demandé mon numéro à Julie.
Luc ne va pas traîner avec Antoine et sa bande.
Luc a choisi son camp.
Son camp, c’est moi. Il m’a choisie, moi.
J’ai l’impression de danser sous une pluie de confettis qui tombe comme par magie du plafond, d’oublier momentanément que papa est mort. Et puis, il y a son sourire, figé, juste là, devant moi, derrière la vitre de ce vieux cadre photo, posé sur mon bureau. C’est un souvenir de vacances à la mer. L’air iodé, le soleil, le sable chaud. Je dois avoir dix ou onze ans dessus, entourée de mes parents, heureux. Les confettis sur le sol sont balayés par une bourrasque. La douleur, le vide béant dans mon cœur, me reviennent, d’un coup, avec une extrême brutalité, tel un boomerang dont les rebords coupants détruisent tout sur leur passage, mon parterre de menthe, ma brise légère. Tremblante comme une feuille, je reste bloquée un long moment au milieu de ma chambre. Pourquoi cette ambivalence ? J’ai l’impression que je ne serai plus jamais heureuse, pleinement sereine.
À cause de toi, papa.
Pourtant, il l’avait promis, il l’avait dit.
—Ma Paméla, tu sais, les garçons, parfois, c’est un peu con, tu vois, surtout à ton âge. Mais tu peux compter sur ton papa, moi, je ne te briserai jamais le cœur, ma fille, et si un autre garçon essaie, alors je serai toujours là… pour l’enterrer dans le jardin, avait-il éclaté de rire, avant de m’enlacer pour me réconforter suite à une énième blague pourrie d’Antoine, à l’école.
T’es qu’un menteur, papa. C’est toi qui m’a brisé le cœur !
7 commentaires
Clara Mazurier
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Il y a 2 mois
Vanille Lemoro
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Il y a 2 mois