Fyctia
12 - Le non de trop
—Tu oses me dire que j’ai des petits seins alors que je t’ai formellement interdit de les regarder ?
Luc se marre.
—C’est pas moi qui l’dis, c’est toi. Promis, j’ai rien vu.
—Parce qu’il n’y a rien à voir, justement !
Il se marre de plus belle.
—Hey Luc, c’est bien ça ? lui demande tout à coup la personne apparue sur ma gauche.
Cette personne a une voix que je déteste tellement que je sens tous mes poils de bras se hérisser sous mon pull.
—Ouais, c’est bien ça, Antoine, lui répond nonchalamment mon nouvel ami.
Ami ?
Ce mot sonne un peu faux, non ? Précipité ? Un peu trop surtout. Ou peut-être pas assez. Je ne sais pas vraiment, en fait. Est-ce que partager un bureau pendant deux heures de français, quelques regards de connivence et une pause café, fait qu’on est soudainement devenus plus que deux inconnus ?
Peut-être qu’il préférera traîner avec Antoine et sa bande, à l’avenir ?
Peut-être que comme Paul avant lui, il n’aura pas envie de rester avec Paméla planche à pain ?!
Surtout après le cinéma que je viens de lui jouer en mode Ouin-ouin, tout le monde me harcèle à cause de mon prénom et mes petits nichons.
D’un coup, je regrette. Je regrette à tel point que ça m’en fait mal au ventre. Je n’aurais pas dû m’exposer ainsi, je n’aurais pas dû mon confier aussi facilement à un garçon que je ne le connais pas. Même s’il faut reconnaître que j’ai très envie de le connaître, ce garçon.
—Dis-moi mec, je t’ai vu refiler tes notes sur Dante à Pamy tout à l’heure, t’as l’air de toucher ta bille en français, non ?
Pamy ?
Ce diminutif dans la bouche d’Antoine me donne envie de vomir. De lui vomir dessus.
—Je sais lire en effet, le raille Luc.
—Haha, très drôle. (Il se ronge un ongle) Ouais bon, et tu crois que tu pourrais me les filer aussi après ? Car j’avoue qu’entre Dante et moi, y’a pas le feeling.
Il rigole. Il est bien le seul.
—Vois avec Paméla, c’est elle qui les a maintenant mes notes.
Et là, ça sort tout seul, sans réfléchir.
—Non.
Mes yeux s’écarquillent. Ceux d’Antoine aussi. On est aussi étonnés l’un que l’autre.
Est-ce que j’ai réellement prononcé ce non ferme et laconique, ou est-ce juste un rêve duquel je ne vais pas tarder à me réveiller ?
—Quoi ? dit Antoine.
Alors, je répète :
—Non.
Luc, stoïque, n’intervient pas. Comme s’il avait tout de suite deviné qui était ce grand brun à l’égo surdimensionné pour moi. Un harceleur qui châtie bien.
—Allez, Pam, s’il te plaît. Y’a une interro la semaine pro et j’ai rien pipé.
Est-il sourd ?
Dois-je lui redire non ? Peut-être que ce non, mon non répété autant de fois que nécessaire, il finira par le comprendre à force ?!
Je soupire, j’ai le cœur qui bat fort, mais pas de la même manière que lorsque Luc m’a dit que j’étais belle. Face à Antoine, mon cœur bat toujours très vite, peut-être pour essayer de s’enfuir, de fuir ses critiques et blagues rabaissantes. Luc écrase son gobelet vide dans sa main, puis vise la poubelle à côté de la machine à café comme s’il s’agissait d’un panier de basket. Dans le mille. Son corps vient alors se coller tout doucement conte le mien. Il est grand. Il met du parfum. Il sent super bon.
Antoine nous fixe, sidéré, me fusillant du regard.
—Allez, un peu de courage, Pamy ! Envoie-le se faire foutre ! m’encouragerait ma cousine, si elle avait été là.
Clem a toujours détesté Antoine. Après tout ce que je lui ai raconté, elle aurait voulu s’en mêler, le dénoncer. Mais de quoi j’aurais eu l’air ? Si ma cousine qui n’étudie même pas dans notre lycée débarque pour me protéger, pour faire ce que je devrais être capable de faire moi-même. Quel nouveau surnom à la con on me trouverait si je me cache derrière les autres ? Après tout, on se moque juste de mon prénom. Ce n’est pas comme si on me bousculait dans les couloirs ou qu’on me rackettait. Ce n’est pas comme si je subissais des insultes homophobes ou racistes.
Un prénom, juste un prénom.
J’inspire et expire pour tenter de me calmer, prendre du recul.
J’hésite longuement. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui m'en manque. Mais bon, je crois que j’ai tort d’insister. Ce mec ne comprendra jamais mes « non, arrête, stop ».
Comment comprendre une personne qu’on n’écoute pas ? Qu’on ne veut pas écouter.
Et puis soudain, mes lèvres s’ouvrent toutes seules, ma bouche parle pour moi.
—Non, répété-je distinctement pour la troisième fois.
Antoine prend un air choqué.
—Putain mais c’est la mort de ton père qui te fait péter un câble ou quoi ? m’aboie-t’il dessus.
Et puis soudain, mon poing s’enfonce tout seul dans sa tête.
19 commentaires
Renée Vignal
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Il y a 2 mois
Camille_mth
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Il y a 2 mois
DIANA BOHRHAUER
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Il y a 2 mois