Léana Soal Pennsylvania Chapitre 7.3 - Jodie

Chapitre 7.3 - Jodie

– Que voulez-vous dire ?

Visiblement incertain sur les réponses qu’il peut me donner sans se mettre en danger, l’homme pousse un profond soupir en s’adossant à sa chaise.

– Les Teresi, c’est la plus grosse Famille de Philadelphie.

– Famille ?

– Famille. La mafia, pour être plus clair. Ils dirigent tout ce qui entre et sort de leurs frontières, ils dominent chaque gang et perçoivent des intérêts sur chaque opération liée aux différents trafics. Rien de ce qu’il se passe à Philadelphie ne leur échappe.

– Alors ils ont très certainement une idée d’où peut se trouver mon frère.

– Vous m’écoutez, quand je parle ? Ce sont les types les plus dangereux que je connaisse, vous n’avez aucune chance ! Chacun d’entre nous ici leur est redevable, que ce soit parce qu’ils fournissent la came qui nous fait vivre, ou parce qu’ils nous protègent des autres Familles de Pennsylvanie. Chaque personne encore en vie dans cette ville, ne respire que parce que les frères Teresi le tolèrent.

Je n’en crois pas mes oreilles. Comment une telle décadence est possible ? Comment un peuple peut-il se retrouver ainsi piégé dans la terreur ?

– En plus, reprend l’homme qui me fait face, vous cherchez le pire des deux.

Mon regard interrogateur l’encourage à développer ce dernier point.

– Vitale veut assainir l’organisation. Il protège les commerces et se contente de récolter leur contrepartie financière. Il dirige des clubs dans lesquels il écoule de l’alcool de contrebande, mais ça s’arrête là. Ocario, lui, persiste à pourrir la ville avec du trafic d’armes ou de drogue. Ils ne s’entendent pas, parce que l’un provoque ce que l’autre veut éradiquer.

Les informations s’entremêlent dans mon esprit complètement désorienté. Ces deux frères seraient des bandits terrifiants, mais à bien écouter mon informateur il y aurait peut-être finalement un bon et un méchant… C’est à n’y rien comprendre.

– Bien, où est-ce que je peux trouver ces messieurs ?

Il me dévisage avec incrédulité.

– Vous êtes sérieuse ?

– Très sérieuse. Je me suis fait la promesse de ne reculer devant rien ni personne pour retrouver mon frère. Je veux savoir où chercher.

Nerveux, l’homme scrute brièvement l’environnement d’un coup d’œil circulaire. Puis, avançant les épaules dans ma direction, il se penche sur la table pour que personne n’entende ce qu’il s’apprête à me souffler.

– Je vous donne une adresse, à une condition.

– Laquelle ?

– Je veux une protection.

L’incompréhension tord mes lèvres tandis que je tente de trouver un sens à sa requête.

– Une quoi ?

– C’est bon, grogne-t-il, j’ai capté. On va arrêter de jouer maintenant, vous êtes super crédible mais il me faut des garanties.

– Crédible ? Que voulez-vous dire, je ne comprends pas…

– Je vous ai grillée, on peut stopper ce petit jeu. Vous n’êtes pas plus amish que mon casier judiciaire n’est vierge, alors filez-moi cette protection, putain !

Le ton menaçant qui franchit ses lèvres gercées ne me plaît guère, mais c’est surtout la méprise dont il fait preuve, qui me tourmente à cet instant.

– Je suis bien Amish, Monsieur, affirmé-je avec conviction. Et je ne comprends pas de quoi vous parlez.

– Vous êtes une enfoirée de flic, rien de plus, siffle-t-il entre ses dents serrées. Et moi je risque ma peau en vous filant des infos.

La tournure que prend cette conversation commence à m’effrayer. Je suis prête à me mettre en danger pour retrouver Sam, mais je ne peux tolérer qu’un homme, bienfaisant ou non, prenne le moindre risque par ma faute. Bouleversée, je pose une main sur mon sac et recule ma chaise pour me lever.

– Écoutez, bafouillé-je d’une voix tremblante, je ne suis pas policière et si notre entrevue vous fait courir le moindre risque, alors il vaut mieux que nous en restions là. J’aurais aimé que vous puissiez m’aider, mais je refuse que cela soit à vos dépens.

Ahuri, l’homme me dévisage quelques secondes avant de se lever à son tour.

– Bordel, vous n’êtes pas flic ?

– Non. Je cherche seulement mon frère. Désolée…

– Quel con…

– Je vous remercie d’avoir pris le risque de me parler.

– Me remerciez pas. Je l’ai pas fait pour vous, je l’ai fait parce que je suis un abruti.

– Ne maltraitez pas votre âme ainsi. Vous m’avez apporté des éléments que je n’avais pas, et qui m’aideront peut-être à retrouver Samuel.

– Ouais, et j’y gagne absolument rien.

– Le Seigneur vous a vu me venir en aide. Il saura vous récompenser pour cet acte généreux.

Un rire gras et sonore s’échappe à nouveau de son sourire ironique, puis l’homme passe ses deux mains sur son visage tendu.

– Bordel, mais pourquoi je suis encore là à vous écouter ?

Puis il pousse un soupir, sans décrocher son regard du mien.

– Écoutez, je sais pas dans quelle merdre s’est fourré votre frangin, mais sérieusement, faites attention où vous mettez les pieds. Ces gars-là ne rigolent pas.

– J’ai bien compris…

– Je ne peux pas vous donner d’adresse, mais je connais quelques-uns des commerces qu’ils collectent régulièrement.

La perspective d’obtenir une vraie piste vient éclairer mon cœur. Les yeux chargés d’espoir, j’attends de voir s’il ira jusqu’au bout de celle-ci. Un nouveau soupir ponctue mon attente, puis l’homme me livre enfin des données concrètes.

– Essayez chez Dolly, c’est un salon de coiffure sur Glenwood avenue. Il y a aussi le pressing Will’Bear, pas très loin de chez Dolly. Mais soyez discrète, sinon je donne pas cher de votre peau. Et bien évidemment, on ne s’est jamais vus, j’ai seulement ramassé votre sac et vous m’avez offert un café pour me remercier, dit-il en saisissant mon gobelet.

À la fois confuse et reconnaissante, j’acquiesce en répétant inlassablement les noms des deux enseignes dans ma tête pour ne surtout pas les oublier.

Chez Dolly, le Will’Bear. Chez Dolly, le Will’Bear…

– Merci beaucoup, glissé-je entre deux répétitions silencieuses.

– Bonne chance.


Durant mon retour chez Moïra, ma mémoire ne cesse d’entonner ce refrain tandis qu’à la confusion de tout ce que je viens d’apprendre, se mêle le soulagement de tenir enfin le début de quelque chose. Ce n’est peut-être rien, mais j’ai le sentiment que ces nouveaux éléments me rapprochent peu à peu de Samuel. Bien évidemment, l’idée de transmettre ces informations à la police me traverse brièvement l’esprit, mais je me ravise rapidement. J’ai bien senti que cette affaire leur importait peu, et pire, que les frères Teresi menaient la ville comme bon leur chante. Rien ne me dit que la police ne se trouve pas mêlée d’une manière ou d’une autre à leurs activités illicites.

C’est donc décidé, je me débrouillerai seule et dès demain, je tâcherai de faire avancer mes propres recherches en me rendant à ces adresses.


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12 commentaires

JULIA S. GRANT

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Il y a un an

Chère Léana, je ne sais pas si tu vas gagner le concours, mais ce dont je suis sûre c’est que cette histoire sera publiée d’une manière ou d’une autre. Si j’étais éditeur, je n’hésiterais pas une seconde. Bravo pour ce travail, tes recherches et ton écriture. Bon week end. Amitiés. Julia

Debbie Chapiro

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Il y a un an

Au début, je trouvais qu'elle trouvait trop vite des indices et les bonnes personnes pour répondre à ses questions, mais finalement l'avancé se fait quand même tranquillement, même si elle est vraiment veinarde dans ses rencontres. Je comprends mieux pourquoi cet homme a voulu l'aider, ce qui 'ma surpris au début. La ville est vraiment pourrie jusqu'à l'os. Je me demande vraiment ce que son frère a fait dans cette affaire.

cindy37190

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Il y a un an

Elle va jouer avec le diable 😱😱😱

François Lamour

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Il y a un an

Like de soutien 😁 N'hésite pas à me rendre la pareille pour mon roman "Connard romantique". Merci !

francoise drely

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Il y a un an

Elle avance doucement mais fait preuve d'un sacré courage. Super chapitre 😊

Léana Soal

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Il y a un an

Merci beaucoup 🙏 😘

Sarah🤓

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Il y a un an

J ai déjà hâte de lire la suite ... 😅

Léana Soal

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Il y a un an

Et moi j'ai trop hâte de vous partager cette suite 😉😘

patricia Bellucci

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Il y a un an

Fameuse méprise...ou va t elle mettre les pieds !

Gwenaële Le Moignic

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Il y a un an

Et hop, encore une série de likes de soutien... N'hésite pas à faire de même pour Jeux de Dames... Belle soirée !
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