Léana Soal Pennsylvania Prologue (Partie 2,5/3)

Prologue (Partie 2,5/3)

(Note de l'auteur : dur de s'adapter à la limitation de 7000 caractères ! Courage à toi, la dernière partie du prologue sera toute petite...)


Cet aveu soufflant comme un vent d’espoir, Rebecca leva les yeux dans ceux de sa fille pour tenter d’y puiser la certitude qu’elle pouvait lire au fond de ces grands iris bleus. Puis, convenant que le traditionnel Rumspringa consistait justement à laisser le choix aux jeunes Amish de choisir leur chemin de vie, elle décida de clore le sujet en débarrassant le couvert. En silence, chacun quitta la table et partit vaquer à ses occupations d’après dîner. Jodie aida sa mère et sa sœur à terminer toutes les tâches ménagères avant de partir se coucher. Ce soir-là, impatiente du retour de son jeune frère qui lui avait tant manqué, elle eut beaucoup de mal à trouver le sommeil.


***


La cloche de l’église interrompit Jodie alors qu’elle terminait de faire la vaisselle. La matinée avait été terriblement longue, malgré les multiples tâches que le retour de Samuel et de tous les autres jeunes de la communauté impliquait. Durant des heures, les femmes du village avaient cuisiné, lavé des draps, dressé de grandes tables devant l’église, lieu où se déroulerait la fête célébrant le retour des jeunes Amish.

La jeune femme essuya rapidement ses mains flétries dans un torchon, qu’elle jeta sur un dossier de chaise en se précipitant au dehors. Relevant ses jupons des deux mains, elle courut aussi vite qu’elle le put jusqu’au point de rassemblement, où toutes les familles affluaient. Les regards étaient à la fois tendus et euphoriques, chacun ici attendait le retour d’un enfant, d’un frère, d’une sœur ou d’un amour à venir.

Jodie grimpa sur la plus haute marche du petit perron qui devançait l’église, et, plaçant sa main en visière pour atténuer les rayons du soleil qui gênaient sa vision, tenta d’apercevoir l’arrivée du convoi. Lorsque les buggies apparurent enfin au bout du chemin qui sillonnait entre les champs et les fermes depuis le haut de la colline, des cris de joie s’élevèrent de toutes parts et un large sourire étira son visage. Samuel était de retour.

Au rythme du pas des chevaux, les carioles s’avançaient lentement, un vaste nuage de poussière grossissant derrière elles. Le premier buggy stoppa juste devant la foule, imité par les autres qui virent se placer en rang d’oignon à ses côtés. Immédiatement, les jeunes exilés mirent pied à terre pour rejoindre leurs familles, qui les accueillirent à bras ouverts dans une ambiance euphorique.

Jodie scruta chaque silhouette, chaque visage qui apparaissait devant ses yeux, et son cœur quitta sa poitrine lorsque le dernier buggy fut déserté par ses occupants. Aucun ne ressemblait à Samuel, aucun n’était Samuel. Paniquée, la jeune femme balaya de nouveau la foule du regard, espérant avoir manqué une arrivée, mais seuls les visages décomposés d’Ephraïm et Rebecca retinrent son attention, confirmant l’impensable. Il n’était pas parmi les revenants. Hagarde, elle descendit les quatre marches et s’approcha d’un groupe de jeunes gens qui se réjouissaient ensemble de leur retour parmi les leurs. Elle posa une main incertaine sur le bras de l’un d’entre eux.

– Joseph, où est Samuel ?

L’air jovial du jeune homme disparut lorsqu’il se tourna vers elle.

– Il… On ne sait pas, Jodie. Il n’était pas au point de rendez-vous. Nous l’avons attendu, mais il n’est jamais arrivé. En réalité… Cela fait plus d’un mois que nous n’avions aucune nouvelle de lui.

La jeune femme se retint de tomber en arrière.

– Un mois ? Mais… Comment ? Pourquoi ne nous avez-vous pas prévenus ?

– Nous pensions qu’il reviendrait au moment de rentrer, que peut-être, il avait besoin d’un peu de temps pour profiter de ses dernières semaines à Philadelphie. Je… Je suis désolé Jodie, il semble qu’il ait choisi…

– Non, il n’a rien choisi. Samuel ne serait jamais resté là-bas sans nous le faire savoir. Que s’est-il passé, Joseph ?

– Je ne sais rien de plus que ce que je viens de te dire, Jodie. S’il avait voulu être là, tu l’aurais vu descendre d’un buggy à nos côtés.

Envahie par la crainte que quelque chose ne soit arrivé à son cadet, la jeune femme fit volte-face et rejoignit ses parents qui s’avançaient vers elle. Rebecca restait désespérément accrochée au bras de son époux, les yeux emplis de peur et au fond desquels des larmes se pressaient déjà.

– Je n’y crois pas, répéta Jodie, il s’est passé quelque chose. Il devait rentrer, il VOULAIT rentrer. Nous devons aller le chercher, papa.

Ephraïm plongea ses deux grands iris noirs dans ceux de sa fille. L’air grave qu’il affichait ne laissait aucune place au doute, il ne partageait pas son avis.

– A partir d’aujourd’hui, Samuel n’est plus ton frère. Il n’est plus notre fils, et ne fait plus partie de cette communauté. Nous ne prononcerons plus son nom et ne mettrons plus son couvert à table.

– Papa…

Hermétique aux protestations de la jeune femme, Ephraïm tourna les talons et prit le chemin de la ferme, d’un pas douloureux et résigné. Désespérée, Jodie prit les deux mains de sa mère dans les siennes.

– Maman, je t’en prie. Il est arrivé quelque chose à Samuel, j’en suis persuadée. Nous devons absolument…

– Il faut te faire à l’idée, Jodie.

– Mais enfin écoute-moi ! Sam n’aurait jamais choisi le Grand Monde, il en avait peur ! La seule chose qu’il voulait, c’était comprendre ce qui était arrivé à Jonah…

– Jodie !

Elle savait. Qu’elle n’aurait pas dû prononcer son prénom, que son souvenir hantait encore les nuits agitées de Rebecca, et qu’elle devrait implorer le pardon pour avoir osé l’évoquer. Mais à cet instant, elle n’en avait que faire. Il fallait que sa mère comprenne.

– Maman… Samuel voulait savoir. Et seul le Rumspringa lui donnait une chance d’y parvenir. Sinon, il l’aurait refusé, comme Elga et moi. Sam veut être fermier, rien d’autre. Maman il nous faut faire quelque chose, nous ne pouvons pas le laisser là-bas.

Le soupir que poussa Rebecca tout en appuyant ses deux mains sur ses hanches laissa comprendre à Jodie qu’elle avait réussi à ouvrir une brèche. L’espoir gagna la jeune femme qui approcha d’un pas pour capter son regard, et laissa un sourire d’encouragement prendre naissance au coin de ses lèvres.

– Maman… Je vais aller à Philadelphie. J’irai chercher Sam.

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13 commentaires

Chris Vlam

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Il y a 10 mois

Une belle écriture et un beau prologue. Je me demande si elle à le droit de "rattraper" son rumspringa pour retrouver son frère ?

Debbie Chapiro

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Il y a 10 mois

Cette fin de prologue est haletante. On a du mal à imaginer qu'un père puisse faire une croix sur un fils, un deuxième fils, sans même chercher à comprendre. Je trouve ça fou. Jodie est courageuse et déterminée. Elle aime profondément son frère, c'est très beau à voir. Pourquoi as-tu décidé de passer à la première personne pour la suite de ton récit ? Je suis intriguée par ce choix. En tout cas j'ai adoré ton prologue et j'ai hâte de découvrir la suite.

Léana Soal

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Il y a 10 mois

Merci beaucoup 😊. Le choix de repasser à la 1ère personne est purement lié aux habitudes majoritaires de lectrices et lecteurs de romance. Hormis en romance historique,j'ai pu remarquer que beaucoup abandonnent l'idée de lire un roman dès lors qu'il est question d'un récit à la 3ème personne (ce n'est bien évidemment pas une généralité hein 😉) Je trouve cela bien dommage et le but de mon prologue était de tenter, à ma petite échelle, de les réconcilier avec ce style de narration tout en les gardant avec moi pour la suite de l'histoire ☺️

Solann

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Il y a un an

Samuel a choisi son destin

Zéphira

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Il y a un an

C’est rude, il pourrait juste avoir loupé le retour que son père le renvoi directement! Les règles sont les règles mais quand même. Et Jodie qui veut se lancer sur leurs traces 🥰

patricia Bellucci

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Il y a un an

Courageuse Jodie 🥰

labibliothequedelaromance

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Il y a un an

Je vais de ce pas lire la suite !

Sarah🤓

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Il y a un an

👍

cindy37190

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Il y a un an

Hate de lire la suite 😍

Cloé Mouton

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Il y a un an

J'adore, j'ai hâte de savoir ce qu'il s'est passé !
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