Fyctia
Chapitre 3
Je finis par trouver un petit hôtel en bord de route. Une petite quarantaine d'euros la nuit par personne. C'est dans mon budget. Un vieil homme fort maussade nous accueille.
-Je n'ai qu'une chambre disponible.
Il a l'air agacé de notre venue. Une chambre, pourtant je n'aperçois aucune voiture sur l'immense parking en béton.
-Ce n'est pas grave, s'exclame Emma. Ca fera l'affaire, je paye pour nous trois. Et, tu ne m'en empêcheras pas, ajoute-t-elle en se tournant vers moi.
Cette fille passe son temps à sourire, c'est incroyable.
-Eli, j'ai faim.
Ethan semble, quant à lui, toujours bouder de ma petite remontrance sur l'aire d'autoroute. Bien malgré mon envie actuelle de dormir pendant des heures, je demande à mes deux coéquipiers de se diriger vers la chambre, pendant que je vais faire quelques courses. Ce n'est qu'une fois arrivée dans la voiture que je me rends compte que : je ne connais absolument pas cette fille et, qu'elle est peut-être une dangereuse psychopathe. Mais également, que je ne sais absolument pas ce que ça mange un petit garçon de huit ans.
Le supermarché le plus proche se trouve à une dizaine de kilomètres de là. Je souris. J'aime conduire de nuit. Ce sentiment de liberté. De rouler vite, dans un silence apaisant, au milieu des étoiles, sous le regard de la lune.
Je pense à ma mère et ma meilleure amie qui doivent être inquiètes, j'aimerais les rassurer. Mais, si je pars, c'est pour n'avoir aucune attache à cette vie triste et monotone. J'espère seulement qu'à mon retour, elles ne m'en voudront pas trop.
Je pense aussi à Ethan. Ce gamin me semble être un immense défi à lui tout seul pour réussir à m'en occuper. Mais, il m'apporte comme un petit sentiment d'être vivante.
Arrivée au supermarché du coin, dans un petit village lugubre, je reste une bonne dizaine de minutes sans bouger devant le rayon de produits frais, sans savoir si il préférerait des cordons bleus, ou des nuggets.
-Le magasin va fermer, m'annonce une femme qui doit avoir l'âge de ma mère. Je vous observe depuis toute à l'heure, vous ne savez pas quoi prendre?
Je lui explique à quel point je suis perdue dans mon rôle de mère, mais également de ma décision de partir. Je ne sais pas ce qui me pousse à me confier à une inconnue, mais mon corps semble parler tout seul, sans l'accord de mon esprit.
-Allez m'attendre devant le magasin. J'arrive.
Une sonnerie retentie. Le magasin ferme. Quelle idiote je suis. Je m'assois contre ma voiture, de la même façon que lorsque j'étais en panne sur cette route. Et, la femme ne tarde pas à me rejoindre avec une poche remplie de différentes choses. Elle se glisse contre mon véhicule, à mes côtés. Me rappelant étrangement cet homme.
-Etre perdue, ce n'est pas grave. Ce qu'il faut, c'est s'améliorer. Un enfant ne doit pas souffrir de notre mal-être.
Sa voix m'apaise.
-Je me permets de te tutoyer. As-tu penser à sa carte d'identité ? Pour traverser la frontière, c'est essentiel.
Je repense à son petit porte-monnaie et approuve d'un hochement de tête.
-Les enfants ont souvent faim, pendant les longs voyages alors je lui ai mis différents gâteaux et toutes sortes de choses. J'ai également pris de la crème solaire, au cas où il ferait moins froid que prévu. Tu as des choses à manger pour ce soir, des pansements…
La liste est longue et je me rends compte de toutes les choses que j'ai oublié de vérifier avant de partir. Cette femme me sauve la vie.
-Mon prénom est Amanda. Je souhaite un bon voyage. J'espère que tu trouveras la paix.
Et, sans que je puisse ajouter un seul mot, elle s'éloigne de moi, sans un regard. Je ne peux pas la remercier avant qu'elle rentre dans le magasin et que les portes ne se referment sur elle, me laissant dans un silence pesant. Seule.
A peine la porte de la petite chambre d'hôtel ouverte, Ethan se jette sur moi.
-Eli ! Tu as mis beaucoup de temps ! On était inquiet.
Emma me lance un grand sourire, installée devant la télé et ce que je devine être un film à l'eau de rose. Tout ce que je déteste.
-Ethan, je vais t'expliquer le programme. Nous allons dans le petit village de Vik, dans une ferme. Nous allons devoir prendre l'avion, tu n'as pas peur n'est-ce pas? Je ne connais pas cet endroit alors c'est également un grand mystère pour moi.
-Je n'ai peur de rien Eli, me répond l'enfant avec un air qui se veut dur.
Je ricane au moment où mon téléphone se met à sonner. Personne n'a mon nouveau numéro…
-Allo ?
-Elisabeth ?
Une voix masculine, rauque.
-Je m'appelle Eden. Je suis le fils de Rose, tu sais celui qui tient la ferme…
Son ton n'est pas sympathique.
-Je souhaitais savoir quand tu arrives, ainsi que combien de jours tu comptes rester.
Il me tutoie sans mon accord. Quelle politesse. Mais, je ne réplique pas, me sentant idiote et petite de n'avoir encore absolument pas regardé comment me rendre à Vik.
-Je vais regarder les billets d'avion depuis Paris ce soir. Je n'ai pas eu le temps…
Un soupir long et détestable me coupe dans mon explication.
-Et, pour ce qui est de l'argent ?
-Votre mère m'a dit …
Je ne sais même pas ce que Rose m'a dit. Nous devions en parler à mon arrivée.
-Envoie moi un SMS dès que pour ton vol. Je viendrais vous chercher. Salut.
Et la communication se coupe. Quel connard.
-C'était qui ? me demande Emma. Tu veux que je prépare à manger pendant que tu regardes tes billets d'avion?
-Oui, ça serait chouette.
-Oh ! tu as pris des bières ? Je savais qu'on allait bien s'entendre ! s'exclame-t-elle en me tirant la langue.
La femme du magasin. Quel ange. Pendant que je sirote une bière, je consulte les offres. Le plus rapide étant l'avion de Paris jusqu'à Aalesund.
Je soupire, admirant mon self-control.
Emma allume une petite enceinte qu'elle gardait dans son sac à main, et au rythme de sa musique du jazz, bouteille de verre dans la main, se met à danser. Tout en cuisinant des pâtes qui me semblent terriblement appétissantes au vu de ma faim conséquente.
-Viens danser.
Je repense aux soirées avec ma meilleure amie et dans un élan d'adrénaline, je me lève pour enchainer quelques pas avec elle. La soirée continue comme ça même lorsque Ethan, trop épuisé du voyage s'endort sur le canapé. Nous enchainons les bières, en rigolant, en nous racontant nos joies et nos peines, nos secrets. Cette fille est si vivante. Je finis par m'endormir entre elle et le petit. Les pensées joyeuses. Pour une fois depuis longtemps.
Dans la nuit, je sens la petite main d'Ethan se glisser dans la mienne.
Je vais veiller sur toi...
8 commentaires
Seb Verdier
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Il y a 5 ans
Gilles
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Il y a 5 ans
Bulle d'Auré
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Il y a 5 ans
DMDO
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Il y a 5 ans
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BSinea
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Il y a 5 ans