Fyctia
Chapitre 1-1
Assise devant Grand-mère, je tente de reproduire ses gestes. Toute la classe me regarde, leurs yeux posés dans mon dos surexcitent mes nerfs, me faisant trembler les mains.
— Allez-y ma chère, vous pouvez y arriver, m’encourage ma tendre Noona.
Je me concentre sur mes mouvements et sur mes sentiments. Plus le souhait de guérir est fort, plus la guérison sera complète et puissante, même pour une blessure grave. Je sens alors l’eau frémir sous mes doigts. Je l’admire briller d’une faible lumière blanchâtre et constate que l’entaille dans la paume de main de notre professeure se résorbe pour faire place à une peau pâle et légèrement ridée.
— Bravo Syna, vous avez réussi l’exercice.
Comme pour prouver à tout le monde que j’ai réussi, elle lève sa main afin que chaque guérisseur puisse voir le résultat. Certains s’exclament ne pensant pas une seconde que je puisse y arriver. Malgré que mes pouvoirs soient bien plus puissants que les leurs, du fait de mon sang royal, j’ai beaucoup de difficultés en ce qui concerne la guérison. Ce pouvoir s’est réveillé en retard, bien après l’âge auquel on est censé le découvrir. Alors que tous mes camarades s’entraînent et potassent leurs livres sur les maux et les guérisons depuis qu’ils sont âgés de dix ans, cela ne fait que trois ans que je tente de les rattraper. Alors, même si mon déficit me fait valoir des moqueries par certains de ma classe, ma grand-mère m’a toujours soutenue et m’aide à progresser.
Depuis quelques semaines, elle me donne même des cours de rattrapage et même si elle a l’air douce en classe, quand nous sommes que toutes les deux, je peux garantir à quiconque qu’elle n’est pas que douceur lorsqu’il s’agit de nos leçons nocturnes. Je lui dois beaucoup, j’ai énormément progressé ces dernières semaines et je pense que ses leçons sont bien plus efficaces que ceux que je dispose avec les autres camarades. Avoir une enseignante si douée que pour soi permet de ne pas se focaliser sur ses erreurs auxquelles tout le monde risque de rire, mais plutôt sur ses réussites.
Selon Noona, je serai capable dans seulement une ou deux semaines de guérir une plaie profonde d’environ sept centimètres. J’en doute un peu, mais si c’est Grand-mère qui le dit, je ne vais pas essayer de la contredire. J’ai pendant longtemps cru que je n’aurai jamais ce don et que je déshonorerai la famille royale. Aucun prêtre ne fut capable d’expliquer à mon père les raisons de l’absence de ce don de guérison chez moi, et même s’il tentait de ne pas trop le montrer, je pouvais comprendre rien qu’en voyant le désespoir dans les yeux de mon père que je le décevais. Ainsi, je dois me donner à fond, je dois lui montrer que je ferai n’importe quoi pour ma famille et pour mon royaume. Si la seule élémentaliste de la famille royale s’avérait n’avoir aucun pouvoir de guérison, ou même faible, le peuple perdrait foi et les ténèbres prendraient le dessus sur tout notre territoire. Heureusement, mon incapacité n’a pas été ébruitée, il était raconté que je prenais des cours au château, seule avec un professeur, bien que ce ne soit pas réellement un mensonge puisque des prêtres et des professeurs de tout le royaume venaient pour essayer de réveiller mon pouvoir, je ne recevais pas vraiment de cours.
Aujourd’hui, tout le royaume, du moins une bonne partie, sait que je l’ai réveillé tardivement, mais le fait de savoir que je l’ai obtenu n’a pas causé de trop grands désespoirs. Malheureusement, cela n’empêche pas que j’ai mis beaucoup de temps à guérir une simple égratignure. Pour une raison que j’ignore, je n’arrive pas à contrôler correctement ce don alors que mon pouvoir élémentaire est très précis, puissant et rapide. Noona dit que j’ai un blocage, que je dois chercher sa source et la comprendre afin de le déployer à sa vraie force. Je ne sais pas si c’est un blocage, mais une chose est sûre, j’ai l’impression d’être une enfant dans une classe d’adulte. Je suppose qu’avec le temps, je prendrai un peu plus confiance, mais pour le moment, je ne suis même pas capable d’asseoir mon autorité sur mes autres camarades. Une princesse timide, c’est vrai que ça sert vachement à quelque chose. Vachement… tiens… voilà un mot que je ne suis pas autorisée à utiliser, pourtant, je le trouve vraiment amusant.
À la fin du cours, je prends mon temps pour ranger mes affaires. Tout le monde se lève et récupère son matériel afin de rentrer chez eux. Quant à moi, je reste assise, par terre, les jambes en tailleur à jouer avec ma petite cruche d’eau. Sans regarder, je sais que Noona se lève et se dirige vers moi. J’entends ses pas lents mais assurés. Je pourrais même deviner son expression faciale, sûrement un air compatissant avec une pointe d’amour maternel.
— Syna, ma chérie, qu’avez-vous ? Pourquoi n’allez-vous pas vous amuser avec vos amis ? me demande Grand-mère.
— Noona, je n’arrive pas à comprendre ce qui cloche chez moi. Vous me disiez qu’avec Maman, enfin, Mère, que vous aviez réveillé ce don bien plus tôt que les autres enfants. Pourquoi suis-je la seule à avoir un tel retard et un tel déficit dans l’histoire de notre nation ?
Elle sourit et s’installe devant moi.
— Ma chérie, nous sommes tous différents et chaque différence à son équilibre dans ce monde. Tout comme entre les deux royaumes en guerre. La différence entre Aquali et Volcanica est une force qui a permis d’accroître nos connaissances mutuelles, de comprendre deux cultures bien distinctes et parce qu’ils sont différents, un équilibre se crée entre eux dans la Nature.
— Pourtant, nous nous faisons la guerre. N’est-ce pas justement une preuve que les différences créent des conflits ?
— Nous ne sommes pas en guerre car nous sommes différents, mais parce que les êtres sont cupides et avides de pouvoir. Peut-être qu’une paix durable pourra s’installer entre nos deux royaumes si une infime et unique chose pouvait les lier.
— Je ne vois pas ce qui pourrait lier deux nations en guerre depuis la dernière année de la décennie 500… Cela va faire cinq-cents ans que nous n’arrivons pas à trouver un compromis entre nos deux royaumes, alors je ne pense pas qu’une chose si petite puisse réaliser un acte impossible depuis une cinquantaine de décennies.
— Peut-être que vous n’ouvrez pas assez votre cœur. Pour que cela se produise, il faut voir au-delà de ce qui est visible et pensable.
— Grand-mère, pourquoi êtes-vous toujours aussi énigmatique ? Je ne suis pas sûre de tout comprendre.
— Vous saurez lorsque le moment sera propice. Si je vous guide pour tout, vous ne saurez jamais prendre de décisions vous-même. De plus, ma chère enfant, je ne suis pas votre mère, je comble seulement certains de ses rôles, mais je ne pourrai jamais la remplacer.
— Ce n’est pas ce que je vous demande Noona, je sais que je vous ai peut-être trop sollicitée depuis sa mort, mais je… j’ai besoin d’une figure maternelle.
— Je ne vous en veux pas, mon enfant, je veux simplement vous avertir que seule votre mère pourra vous guider.
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