Fyctia
Chapitre 2.2 Gabriel
Arrivé à mon arrêt, je remarque que ma sœur ne m'a pas du tout attendu ce qui m’agace profondément. Mon téléphone vibre et justement, c’est elle qui m’indique qu'elle est déjà à l'extérieur. Franchement, elle a beau dire qu'elle est la plus vieille, c'est seulement de quelques minutes, nous sommes jumeaux. Mais à part notre date de naissance et notre taille démesurée : nous n'avons rien en commun. Nos caractères sont diamétralement opposés. Elle, toujours à courir partout et moi plutôt à prendre mon temps, elle préfère la musique moi la peinture, elle préfère les boîtes de nuit et sortir alors que moi, je préfère largement rester chez moi tranquillement et ne voir personne. Je monte deux par deux les escaliers jusqu’au grand escalator interminable. Arrivée à l’extérieur, je la vois, elle n’a pas besoin de me faire signe ou de crier mon prénom, dépassant d’une tête les autres filles, elle se démarque facilement. Mais elle ne se gêne pas pour m'appeler quand même.
— Gabriel !
Je claque ma main contre mon visage. Tout le monde s’est retourné vers moi, j’ai horreur de me faire remarquer. Le pire, c’est qu’elle le sait et je suis sûr que ma gêne la fait jubiler. Je la rejoins en faisant la moue et je la vois avec un énorme sourire, à ce moment précis, j’envie ceux qui ont un frère plutôt qu’une sœur, je lui aurai asséné un bon coup sur l’épaule en représailles.
— Stella range moi ce sourire et dis-moi si on peut aller boire un café avant de partir.
— Parle moi autrement, je t’ai dit p’tit f…
— Redis moi petit frère et je te jure que tu vas le regretter.
Stella me met d’un coup une forte tape sur l'épaule qui me fait claquer les dents. Je frotte frénétiquement à l’endroit où elle m'a frappé en la fusillant du regard.
— Toi, tu t'es réveillé du mauvais pied, déclare-t-elle tout en jouant avec les boucles brunes de mes cheveux qui s'échappent de mon élastique. Tu comptes les laisser pousser jusqu'où tes cheveux ? Ils sont presque aussi longs que les miens. Allez, viens, on va boire un café avant d’aller au magasin.
En direction des rues de vieux Lyon, nous passons sur les routes pavées qui nous mènent sur la place de la cathédrale St-Jean, qui se trouve à droite, face à la basilique de Fourvière sur notre gauche. Cette place est vraiment magnifique. Installée au bar, face à la cathédrale, l'odeur de café monte délicatement jusqu'à mon nez ce qui me fait frémir et me redonne immédiatement le sourire. Je reprends mon carnet, cette fois-ci crayons à papier à la main, je me mets à mettre à plat la cathédrale sur son entièreté, pendant que ma sœur termine un appel. Je trouve cet édifice absolument magnifique avec tous ces détails, ces statues qui ornent la façade, le soleil qui illumine toute la place. Un pur bonheur à la dessiner.
Je sursaute alors que ma sœur pose brutalement son portable sur la table. Je regarde mon dessin, et une énorme rature traverse le croquis.
— Qu'est-ce qui se passe ? Qui a osé mettre ma sœur en colère ? Dis-je ironiquement tout en sirotant mon café.
— La prof de danse de mon école est partie et je n’ai plus personne. Aucun ne veut rester enseigner dans une école de quartier.
— Même dans tes contacts ? Et Léo ? Il ne peut pas ?
— Non, il a déménagé, tu as oublié ?
Ma sœur a toujours voulu aider les enfants de quartier qui n’avaient pas accès à l’art, à créer une école spécialement pour eux, dans laquelle, on peut retrouver des cours de dance de musique ou d’art. Je donne trois fois par semaine des cours de piano, mais aussi des cours de dessin. Mais malheureusement la plupart des professeures ont des préjugés sur les quartiers ou même sur les enfants alors que, je préfère largement être en leur compagnie.
— Tout à l'heure dans le métro, quand je jouais, il y avait une fille qui s'est mise à danser. Tu aurais dû voir comme elle était incroyable.
Voilà qui répond à ma question de tout à l'heure. Stella décide au bout de 20 min de partir et aller en direction du magasin de musique. On marche en longeant la route côté quai, passant devant la grande place du palais de justice, pour finir devant la devanture remplie d’instruments de musique à tel point qu’on ne voit pas l'intérieur du magasin. En poussant la porte un petit carillon annonce notre arrivée. Face à nous, se trouve la caisse et l’on peut apercevoir dans l'arrière-boutique juste derrière, un atelier dans lequel sont réparés ou fabriqués les instruments, plus particulièrement des luthiers. Le plafond de l'atelier en est rempli. Des violons en bois brut ou des morceaux d'Éclisses*, des archers*, des tables d’harmonie* et plein d'autres choses. Avec des parents musiciens, c’est tout naturellement qu’ils nous ont transmis leur passion, ma sœur excelle au violon, mais aussi à la guitare. Pour ma part, je préfère le piano même si je me sens bien plus heureux quand j'ouvre ma petite palette d’aquarelle.
Nous nous approchons du comptoir et le vendeur qui nous reconnaît, sort tout de suite ce que ma sœur est venue chercher. Il pose une énorme housse, l’ouvre et je le reconnais immédiatement. Je suis surpris de le voir là.
— C'est… Je marque une pause comme pour réfléchir, mais je sais parfaitement ce que c’est. Le violoncelle de maman.
Voilà que ça va faire 10 ans qu'elle est décédée à la suite d’un cancer. Après son décès, nous avons décidé de mettre toutes ses affaires de côté sans vraiment s’en séparer.
— Oui, c’est pour ça que je voulais que tu viennes avec moi…
Je vois qu’elle réfléchit comme si elle cherchait ses mots, mais je pense avoir deviné le pourquoi. Dans son école, il y a un petit garçon talentueux qui s'entraîne avec un vieux violoncelle, malheureusement ses parents sont en difficulté.
— C'est pour Samir ? Lui dis-je sans quitter des yeux le violoncelle de notre mère.
— Oui, je sais que j’aurai dû t’en parler. Mais tu as vu comme moi ce gamin, il est très doué et il aime ça.
— Papa a dit quoi ?
— ça ne le dérange pas. Il a dit que de toute façon le garder ne la fera pas revenir donc si ça peut aider un enfant… Et elle en serait heureuse si elle était encore avec nous.
Je décide enfin de lâcher du regard l’instrument, je vois le vendeur mal à l'aise, je tourne la tête vers ma sœur qui baisse le regard. Comme ça, on n’a pas l’impression qu’elle est dotée d’un fort caractère. Elle paraît beaucoup plus vulnérable. Je pose ma main sur son épaule, elle relève la tête d’un coup et je la regarde avec un grand sourire.
— Toi et papa, vous avez toutes les deux raisons, en plus je suis d’accord avec toi, Samir a vraiment un talent fou. Surtout pour son âge.
* Eclisses : une partie du violon qui ce trouve sur le coté
* Archers : le bâton qui permet de frotter contre les corde du Villon faite a base de crinière de chevale (si je m'en souviens bien lol)
* Table d'harmonie : la grande partie qui ce trouve au dessus du violon
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1 commentaire
MONTENOT Florence
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Il y a un an