Fyctia
Fin d'Appel
— Charles ! Charles qu’est-ce qu’il y a ?
A bout de souffle.
— Sauve-toi du parking ! Sauve-toi tout de suite ! Il est là, il t’attend et il est armé !
— Quoi ? Mais qui est armé ? Mon dieu qu’est-ce qu’il se passe ? Chérie qu’est-ce qu’il se passe ?
Charles essaye de reprendre sa respiration. Mais il ne trouve pas de second souffle. Il s’appuie contre la vitre, il a l’impression que son cœur va lâcher. Il s’enfonce dans son siège.
— Nath… Nath… je… je t’en prie… sors du parking… va-t-en…
— Chéri mais, mais je ne comprends rien. Je ne suis pas dans le parking. On est dans la rue avec Magali et Carine. C’est elle qui me ramène aujourd’hui, tu ne te rappelles pas ?
— Qu… quoi ?
— J’ai laissé l’Audi au garage ce matin. Je t’ai laissé un mot avant de partir, tu n’as pas vu ? Le fameux cardan ou je sais plus quoi qui doit être réparé depuis deux semaines. Mon dieu Charles, mais qu’est-ce qu’il se passe ? Qu’est-ce qu’il t’arrive ? Je… je tremble là.
— Le… le garage… et… et ton téléphone ?
— J’ai dû oublier l’iPhone à l’intérieur de la voiture. Je l’avais ce matin.
L’étau autour de sa cage thoracique se desserre un peu. Il attrape le volant d’une main et se redresse d’une main.
— Quoi ?
— Charles, mon dieu, ça va ? J’appelle quelqu’un ? La police ! Que se passe-t-il ?
— N..non..non ça va… ça va…
— Et Sophie ? Où est-elle ?
— J’y… j’y vais. Je suis à cinq minutes.
— Je peux demander à Carine de faire un détour.
— Non ! J’y vais. J’y suis presque. Je suis désolé… Oublie tout ça.
— Chéri mais comment veux-tu que…
— A tout de suite, soyez prudentes.
Il raccroche. L’iPhone lui glisse des mains et atterrit sur la moquette du véhicule. Il pose deux doigts à la base de la mâchoire pour prendre son pouls. Il a vraiment cru faire une attaque mais il retrouve peu à peu un rythme normal.
La voix ressurgit.
— AH AH AH AH AH ! Co..comme c’est tou..touchant !
— Putain… espèce d’enculé.
— Et voi...voilà, vou..vous ne pou…pouvez vous en empêcher.
— Tu es content de toi ! Enculé !
— AH AH AH ! Oui plu..plutôt… Je n’avais pa..pas pré..prévu le second téléphone. Mais c’est vr..vrai que vous êtes un ho..homme d’affaires, Monsieur Vis..Visconti.
L’embouteillage se délite peu à peu. Charles repasse en première et la Jaguar roule à nouveau. Encore deux rues et il sera chez la nounou pour récupérer sa fille.
— Vo..vous en sou..souviendrez n’est-ce pas ?
— Je vais appeler les flics. Je jure que je vais te trouver.
— Je..je ne pen..se pas.
— Espèce de…
— Je ra..raccroche maintenant. Mais rappelez..lez vous… de toujours lire un texte en en..entier. Juste faî..faîtes votre boulot.
— VA TE FAIRE FOUTRE !
Il écrase la paume de sa main sur l’écran tactile de la Jaguar au risque de le briser.
Fin d’appel.
Il s’essuie le front de la main. La circulation se fluidifie désormais. Il regarde sa montre, 18h38, il aura une dizaine de minutes de retard. Pas grave, il doit avoir un ou deux billets en plus dans sa poche pour Madame Bardier.
Il souffle.
« Putain, quel taré, bordel, quel taré ».
Première à droite, clignotant.
Puis deuxième à gauche.
Il regarde l’iPhone sur le siège passager. Ecran noir. Le fou a l’air de s’être calmé. Il se sera payé sa tranche de la journée. Il pense à son second téléphone. Il le ramassera plus tard.
Il arrive en face de l’immeuble de la nounou et avise une place en arrêt minute. Il se gare, met les ‘warning’ et descend de la voiture. Il récupère l’iPhone et le met dans sa poche.
Blip, blip, la Jag se verrouille alors qu’il avale les quatre marches d’entrée de l’immeuble.
Madame Bardier l’attend sur le seuil, la mine inquiète.
— J’ai eu peur, votre épouse ne répondait pas, dit-elle.
— Oui, euh, elle a perdu son téléphone.
— Ça ne me dérange pas de garder Sophie un peu plus, elle est tellement gentille.
La petite fille de six ans arrive dans le dos de sa nounou. Elle tient son sac Disney Princess serré entre ses bras.
— On a eu des émotions aujourd’hui Sophie, n’est-ce pas ? ajoute Jocelyne Bardier.
— Que s’est-il passé ? crie Charles, l’inquiétude vissée à la voix.
La nounou le dévisage, un air suspect au bout des lèvres.
— Rien, rien de grave. Un élève lui a caché son cartable. C’est la maîtresse qui l’a trouvé dans un buisson. Sophie était triste, tu l’aimes ton sac hein ma princesse ?
— Oui Jocelyne.
— Allez, allez-y. A demain Sophie.
— A demain.
Charles lui tend la main avec un billet à l’intérieur.
— Oh Monsieur Visconti, ce n’est pas nécessaire vous savez !
— J’insiste Jocelyne, on est… très satisfait de vous.
— Je vous remercie alors.
Il se tourne pour rejoindre sa fille dans le hall lorsque la voix de la vieille dame le retient.
— Monsieur Visconti ?
— Oui ?
— Vous… tout va bien ?
— Oui… oui Jocelyne, merci. Dure journée au travail. Tout va bien, merci.
Sophie grimpe à l’arrière du véhicule. Elle attache sa ceinture, ouvre son sac et commence à fouiller à l’intérieur. Charles démarre et se retourne vers sa fille avant de quitter son stationnement.
— Ça allait à l’école alors ?
— Oui. Sauf à cause de Simon.
— Simon ? Simon Leclerc ?
— Oui. Il a caché mon sac. J’en suis sûr.
— C’est pas bien grave ma puce. S’il recommence j’irais parler à son père. Qu’est-ce que tu as là ?
— Mon carnet de devoir.
Charles passe la première et braque pour retrouver l’asphalte.
— Ah oui et qu’est-ce que tu as à faire ? Tu veux t’avancer ?
— Je dois apprendre les mots de la dictée et aussi lire un texte.
— Tu veux réciter les mots ?
— Je les ai faits avec Jocelyne déjà. Tout par cœur Papa !
— C’est bien ma puce.
Elle tire un autre cahier de son sac et l’ouvre.
— Madame Courrieu nous a collé nos textes. C’est à lire pour demain.
— Vas-y je t’écoute mon chat.
Ligne droite, il accélère un peu plus. Il commence enfin à sentir son esprit s’apaiser.
La voix de Sophie monte de l’arrière du véhicule. Elle lit en insistant sur chaque mot.
— Le brouillard s’était levé doucement sur Santa Clara. Aucun habitant ne sortait dans les rues, les pavés brillaient encore de la rosée…
Charles a l’impression de prendre un coup de poignard au cœur.
— …l’atmosphère était fraîche. Il avança, regardant distraitement…
Il porte la main à sa poitrine, serre son pectoral. L’air lui manque tout d’un coup. Une douleur intense irradie son bras gauche jusqu’à sa nuque.
— …autour de lui. Que pouvait-il attendre d’une telle ville…, continue l’enfant en s’appliquant.
Un râle, il essaie de crier mais rien ne sort. Dans un ultime moment de lucidité il pense à sa fille. Il attrape la volant de la main droite, pose le pied sur le frein, et braque.
La Jaguar frotte toute une rangée de véhicules à l’arrêt dans un rugissement de métal et de tôle froissée et finit par s’arrêter.
Sophie crie.
Et lui s’effondre sur le volant.
Bientôt il ne reste plus que le klaxon pour couvrir les pleurs de l’enfant.
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Fyctia
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Il y a 7 ans
Sébastien DIDIER
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Sébastien DIDIER
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Lesage dominique
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Sébastien DIDIER
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alexia340
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Elo Robert
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